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A propos de William Shakespeare

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi Milou, 22/08/2001.

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  1. Milou

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    07/06/2001
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    PROPOS DE WILLIAM SHAKESPEARE
    VERS 1564-1616
    PAR VICTOR HUGO


    William Shakespeare naquit Stratford-sur-Avon, dans une maison sous les tuiles de laquelle ộtait cachộe une profession de foi catholique commenỗant par ces mots : Moi John Shakespeare. John ộtait le pốre de William. La maison, situộe dans la ruelle Henley Street, ộtait humble, la chambre oự Shakespeare vint au monde ộtait misộrable ; des murs blanchis la chaux, des solives noires s'entrecoupant en croix, au fond une assez large fenờtre avec de petites vitres oự l'on peut lire aujourd'hui, parmi d'autres noms, le nom de Walter Scott.



    Ce logis pauvre abritait une famille dộchue. Le pốre de William Shakespeare avait ộtộ alderman; son aùeul avait ộtộ bailli. Shake-speare signifie secoue-lance ; la famille en avait le blason, un bras tenant une lance , armes parlantes confirmộes, ***-on, par la reine ẫlisabeth en 1595, et visibles, l'heure oự nous ộcrivons, sur le tombeau de Shakespeare dans l'ộglise de
    Stratford-sur-Avon. On est peu d'accord sur l'orthographe du mot Shake-speare comme nom de famille, on l'ộcrit diversement Shakspere, Shakespare, Shakespeare, Shakspeare ; le dix-huitiốme siốcle l'ộcrivait habituellement Shakespear; le traducteur actuel a adoptộ l'orthographe Shakespeare, comme la seule exacte, et donne pour cela des raisons sans rộplique.



    Cette famille Shakespeare avait quelque vice originel, probablement son catholicisme, qui la fit tomber. Peu aprốs la naissance de William, l'alderman Shakespeare n'ộtait plus que le boucher John. William Shakespeare dộbuta dans un abattoir. A quinze ans, les manches retroussộes dans la boucherie de son pốre, il tuait des moutons et des veaux ô avec pompe ằ, *** Aubray. A dix-huit ans il se maria. Entre l'abattoir et le mariage, il fit un quatrain. Ce quatrain, dirigộ contre les villages des environs, est son dộbut dans la poộsie. Il y dộclare que Hillbrough est illustre par ses revenants et Bidford par ses ivrognes. Il fit ce quatrain ộtant ivre lui-mờme, la belle ộtoile, sous un pommier restộ cộlốbre dans le pays cause de ce Songe d'une nuit d'ộtộ. Dans cette nuit et dans ce songe oự il y avait des garỗons et des filles, dans cette ivresse et sous ce pommier, il trouva jolie une paysanne, Anne Hathaway. La noce suivit. Il ộpousa cette Anne Hathaway, plus õgộe que lui de huit ans, en eut une fille, puis deux jumeaux fille et garỗon, et la quitta ; et cette femme, disparue de toute la vie de Shakespeare, ne revient plus que dans son testament oự il lui lốgue le moins bon de ses deux lits, ô ayant probablement, *** un biographe, employộ le meilleur avec d'autres ằ. Shakespeare, comme La Fontaine, ne fit que traverser le mariage. Sa femme mise de cụtộ, il fut maợtre d'ộcole, puis clerc chez un procureur, puis braconnier. Ce braconnage a ộtộ utile plus tard pour faire dire que Shakespeare a ộtộ voleur. Un jour, braconnant, il fut pris dans le parc de sir Thomas Lucy. On le jeta en prison. On lui fit son procốs. Aprement poursuivi, il se sauva Londres. Il se mit, pour vivre, garder les chevaux la porte des thộõtres. Plaute avait tournộ une meule de moulin. Cette industrie de garder les chevaux aux portes existait encore Londres au siốcle dernier, et cela faisait une sorte de petite tribu ou de corps de mộtier qu'on nommait les Shakespeare's boys .



    Le Londres du XVIe siốcle ộtait dộj une ville dộmesurộe. Cheapside ộtait la grande rue. Saint-Paul, qui est un dụme, ộtait une flốche. La peste ộtait Londres presque demeure et chez elle, comme Constantinople. Il est vrai qu'il n'y avait pas loin de Henri VIII un sultan. L'incendie, encore comme Constantinopie, ộtait frộquent Londres, cause des quartiers populaires bõtis tout en bois. Il n'y avait dans les rues qu'un carrosse, le carrosse de Sa Majestộ. Les moeurs ộtaient dures et presque farouches. Une grande dame ộtait levộe six heures et couchộe neuf. Lady Geraldine Kildare, chantộe par lord Surrey, dộjeunait d'une livre de lard et d'un pot de biốre. Les reines, femmes de Henri VIII, se tricotaient des mitaines volontiers de bonne grosse laine rouge. Dans ce Londres-l, la duchesse de Suffolk soignait elle-mờme son poulailler et, troussộe mi-jambe, jetait le grain aux canards dans sa basse-cour. Dợner midi, c'ộtait dợner tard. Les joies du grand monde ộtaient d'aller jouer la main chaude chez lord Leicester. Anne Boleyn y avait jouộ. Elle s'ộtait agenouillộe, les yeux bandộs, pour ce jeu, s'essayant, sans le savoir, la posture de l'ộchafaud. Cette mờme Anne Boleyn, destinộe au trụne, d'oự elle devait aller plus loin, ộtait ộblouie quand sa mốre lui achetait trois chemises de toile, six pence l'aune, et lui promettait, pour danser au bal du duc de Norfolk, une paire de souliers neufs valant cinq schellings.



    Sous ẫlisabeth, en dộpit des puritains trốs en colốre, il y avait Londres huit troupes de comộdiens, ceux de Hewington Butts, la compagnie du comte de Pembroke, les serviteurs de lord Strange, la troupe du lord-chambellan, la troupe du lord-amiral, les associộs de Blackfriars, les Enfants de Saint-Paul, et, au premier rang, les Montreurs d'ours. Lord Southampton allait au spectacle tous les soirs. Presque tous les thộõtres ộtaient situộs sur le bord de la Tamise, ce qui fit augmenter le nombre des passeurs. Les salles ộtaient de deux espốces ; les unes, simples cours d'hụtelleries, ouvertes, un trộteau adossộ un mur, pas de plafond, des rangộes de bancs posộs sur le sol, pour loges les croisộes de l'auberge, on y jouait en plein jour et en plein air ; le principal de ces thộõtres ộtait le Globe ; les autres, des sortes de halles fermộes, ộclairộes de lampes, on y jouait le soir ; la plus hantộe ộtait Blackfriars. Le meilleur acteur de lord Pembroke se nommait Henslowe ; le meilleur acteur de Blackfriars se nommait Burbage. Le Globe ộtait situộ sur le Bank Side. Cela rộsulte d'une note du Stationer's Hall en date du 26 novembre 1607. His malesty's servants playing usually at the Globe on the Bank Side . Les dộcors ộtaient simples. Deux ộpộes croisộes, quelquefois deux lattes, signifiaient une bataille; la chemise par-dessus l'habit signifiait un chevalier ; la jupe de la mộnagốre des comộdiens sur un manche balai signifiait un palefroi caparaỗonnộ. Un thộõtre riche, qui fit faire son inventaire en 1598, possộdait ô des membres de maures, un dragon, un grand cheval avec ses jambes, une cage, un rocher, quatre tờtes de turcs et celle du vieux Mộhộmet, une roue pour le siốge de Londres et une bouche d'enfer ằ. Un autre avait ô un soleil, une cible, les trois plumes du prince de Galles avec la devise ICH DIEN, plus six diables, et le pape sur sa mule ằ. Un acteur barbouillộ de plõtre et immobile signifiait une muraille; s'il ộcartait les doigts, c'est que la muraille avait des lộzardes. Un homme chargộ d'un fagot, suivi d'un chien et portant une lanterne, signifiait la lune; la lanterne figurait son clair. On a beaucoup ri de cette mise en scốne de clair de lune, devenue fameuse par le Songe d'une nuit d'ộtộ, sans se douter que c'est une sinistre indication de Dante. Voir l'Enfer , chant XX. Le vestiaire de ces thộõtres, oự les comộdiens s'habillaient pờle-mờle, ộtait un recoin sộparộ de la scốne par une loque quelconque tendue sur une corde. Le vestiaire de Blackfriars ộtait fermộ d'une ancienne tapisserie de corps et mộtiers reprộsentant l'atelier d'un ferron; par les trous de cette cloison flottante en lambeaux, le public voyait les acteurs se rougir les joues avec de la brique pilộe ou se faire des moustaches avec un bouchon brỷlộ la chandelle. De temps en temps, par l'entrebõillement de la tapisserie, on voyait passer une face grimộe en morisque, ộpiant si le moment d'entrer en scốne ộtait venu, ou le menton glabre d'un comộdien jouant les rụles de femme. Glabri histriones , *** Plaute. Dans ces thộõtres abondaient les gentilshommes, les ộcoliers, les soldats et les matelots. On reprộsentait l la tragộdie de lord Buckhurst, Gorboduc ou Ferrex et Porrex, la mốre Bombic, de Lily, oự l'on entendait les moineaux crier ô phip phip ằ, le Libertin , imitation du Convivado de piedra qui faisait son tour d'Europe, Felix and Philomena , comộdie la mode, jouộe d'abord Greenwich devant la ô Reine Bess ằ, Promos et Cassandra , comộdie dộdiộe par l'auteur George Whetstone William Fletwood, recorder de Londres, le Tamerlan et le Juif de Malte de Christophe Marlowe, des interludes et des piốces de Robert Greene, de George Peele, de Thomas Lodge et de Thomas Kid, enfin des comộdies gothiques; car, de mờme que la France a l'Avocat Pathelin , l'Angleterre a l'Aiguille de ma commốre Gurton . Tandis que les acteurs gesticulaient et dộclamaient, les gentilshommes et les officiers, avec leurs panaches et leurs rabats de dentelle d'or, debout ou accroupis sur le thộõtre, tournant le dos, hautains et leur aise au milieu des comộdiens gờnộs, riaient, criaient, tenaient des brelans, se jetaient les cartes la tờte, ou jouaient au post and pair ; et en bas, dans l'ombre, sur le pavộ, parmi les pots de biốre et les pipes, on entrevoyait ô les puants ằ (le peuple). Ce fut par ce thộõtre-l que Shakespeare entra dans le drame. De gardeur de chevaux il devint pasteur d'hommes.




    Tel ộtait le thộõtre vers 1580, Londres, sous ô la grande reine ằ ; il n'ộtait pas beaucoup moins misộrable, un siốcle plus tard, Paris, sous ô le grand roi ằ; et Moliốre, son dộbut, dut, comme Shakespeare, faire mộnage avec d'assez tristes salles. Il y a, dans les archives de la Comộdie-Franỗaise, un manuscrit inộ*** de quatre cents pages, reliộ en parchemin et nouộ d'une bande de cuir blanc. C'est le journal de Lagrange, camarade de Moliốre. Lagrange dộcrit ainsi le thộõtre oự la troupe de Moliốre jouait par ordre du sieur de Rataban, surintendant des bõtiments du roi: ô ... Trois poutres, des charpentes pourries et ộtayộes, et la moitiộ de la salle dộcouverte et en ruine. ằ Ailleurs, en date du dimanche 15 mars 1671, il ***: ô La troupe a rộsolu de faire un grand plafond qui rốgne par toute la salle, qui, jusqu'au *** jour 15, n'avait ộtộ couverte que d'une grande toile bleue suspendue avec des cordages. ằ Quant l'ộclairage et au chauffage de cette salle, particuliốrement l'occasion des frais extraordinaires qu'entraợna la Psychộ , qui ộtait de Moliốre et de Corneille, on lit ceci: ô Chandelles, trente livres; concierge, cause du feu, trois livres. ằ C'ộtaient l les salles que ô le grand rốgne ằ mettait la disposition de Moliốre. Ces encouragements aux lettres n'appauvrissaient pas Louis XIV au point de le priver du plaisir de donner, par exemple, en une seule fois, deux cent mille livres Lavardin et deux cent mille livres d'ẫpernon; deux cent mille livres, plus le rộgiment de France, au comte de Mộdavid; quatre cent mille livres l'ộvờque de Noyon, parce que cet ộvờque ộtait Clermont-Tonnerre, qui est une maison qui a deux brevets de comte et pair de France, un pour Clermont et un pour Tonnerre ; cinq cent mille livres au duc de Vivonne, et sept cent mille livres au duc de Quintin-Lorges, plus huit cent mille livres Mgr Clộment de Baviốre, prince-ộvờque de Liốge. Ajoutons qu'il donna mille livres de pension Moliốre. On trouve sur le registre de Lagrange, au mois d'avril 1663, cette mention : ô Vers le mờme temps, M. de Moliốre reỗut une pension du roi en qualitộ de bel esprit, et a ộtộ couchộ sur l'ộtat pour la somme de mille livres. ằ Plus tard, quand Moliốre fut mort, et enterrộ Saint-Joseph, ô aide de la paroisse Saint-Eustache ằ, le roi poussa la protection jusqu' permettre que sa tombe fỷt ô ộlevộe d'un pied hors de terre ằ.



    Shakespeare, on vient de le voir, resta longtemps sur le seuil du thộõtre, dehors, dans la rue. Enfin il entra. Il passa la porte et arriva la coulisse. Il rộussit ờtre call-boy , garỗon appeleur, moins ộlộgamment, aboyeur. Vers 1586, Shakespeare aboyait chez Greene, Blackfriars. En 1587, il obtint de l'avancement ; dans la piốce intitulộe : le Gộant Agrapardo, roi de Nubie, pire que son frốre feu Angulafer , Shakespeare fut chargộ d'apporter son turban au gộant. Puis de comparse il devint comộdien, grõce Burbage auquel, plus tard, dans un interligne de son testament, il lộgua trente-six schellings pour avoir un anneau d'or. Il fut l'ami de Condell et de Hemynge, ses camarades de son vivant, ses ộ***eurs aprốs sa mort. Il ộtait beau ; il avait le front haut, la barbe brune, l'air doux, la bouche aimable, l'oeil profond. Il lisait volontiers Montaigne, traduit par Florio. Il frộquentait la taverne d'Apollon. Il y voyait et traitait familiốrement deux assidus de son thộõtre, Decker, auteur du Guls Hornbook , oự un chapitre spộcial est consacrộ ô la faỗon dont un homme du bel air doit se comporter au spectacle ằ, et le Dr Symon Forman qui a laissộ un journal manuscrit contenant des comptes rendus des premiốres reprộsentations du Marchand de Venise et du Conte d'hiver . Il rencontrait sir Walter Raleigh au club de la Sirốne. peu prốs vers la mờme ộpoque, Mathurin Rộgnier rencontrait Philippe de Bộthune la Pomme de Pin . Les grands seigneurs et les gentilshommes d'alors attachaient volontiers leurs noms a des fondations de cabarets. A Paris, le vicomte de Montauban, qui ộtait Crộqui, avait fondộ le Tripot des onze mille diables ; Madrid, le duc de Mộdina Sidonia, l'amiral malheureux de l'Invincible Armada, avait fondộ el Puno-en-rostro et, Londres, sir Walter Raleigh avait fondộ la Sirốne . On ộtait l ivrogne et bel esprit.




    En 1589, pendant que Jacques VI d'ẫcosse, dans l'espoir du trụne d'Angleterre, rendait ses respects ẫlisabeth, laquelle, deux ans auparavant, le 8 fộvrier 1587, avait coupộ la tờte Marie Stuart, mốre de ce Jacques, Shakespeare fit son premier drame, Pộriclốs . En 1591, pendant que le roi catholique rờvait, sur le plan du marquis d'Astorga, une seconde Armada, plus heureuse que la premiốre en ce qu'elle ne fut jamais mise flot, il fit Heni VI . En 1593, pendant que les jộsuites obtenaient du pape la permission expresse de faire peindre ô les tourments et supplices de l'enfer ằ sur les murs de ô la chambre de mộ***ation ằ du collốge de Clermont, oự l'on enfermait souvent un pauvre adolescent qui devait, l'annộe d'aprốs, rendre fameux le nom de Jean Chõtel, il fit la Sauvage apprivoisộe . En 1594, pendant que, se regardant de travers et prờts en venir aux mains, le roi d'Espagne, la reine d'Angleterre et mờme le roi de France disaient tous les trois : Ma bonne ville de Paris , il continua et complộta Henri VI. En 1595, pendant que Clộment VIII, Rome, frappait solennellement Henri IV de son bõton sur le dos des cardinaux du Perron et d'Ossat, il fit Timon d'Athốnes. En 1596, l'annộe oự ẫlisabeth publia un ộ*** contre les longues pointes des rondaches, et oự Philippe Il chassa de sa prộsence une femme qui avait n en se mouchant, il fit Macbeth. En 1597, pendant que ce mờme Philippe Il disait au duc d'Albe: Vous mộriteriez la hache, non parce que le duc d'Albe avait mis feu et sang les Pays-Bas, mais parce qu'il ộtait entrộ chez le roi sans se faire annoncer, il fit Cymbeline et Richard III . En 1598, pendant que le comte d'Es*** ravageait l'Irlande ayant son chapeau un gant de la vierge-reine ẫlisabeth, il fit les Deux gentilshommes de Vộrone, le Roi Jean, Peines d'amour perdues, la Comộdie d'erreurs, Tout est bien qui finit bien, le Songe d'une nuit d'ộtộ et le Marchand de Venise . En 1599, pendant que le conseil privộ, la demande de Sa Majestộ, dộlibộrait sur la proposition de mettre la question le Dr Hayward pour avoir volộ des pensộes Tacite, il fit Romộo et Juliette . En 1600, pendant que l'empereur Rodolphe faisait la guerre son frốre rộvoltộ et ouvrait les quatre veines son fils, assassin d'une femme, il fit Comme il vous plaira, Henri IV, Henri V et Beaucoup de bruit pour rien. En 1601, pendant que Bacon publiait l'ộloge du supplice du comte d'Es***, de mờme que Leibniz devait, quatre-vingts ans plus tard, ộnumộrer les bonnes raisons du meurtre de Monaldeschi, avec cette diffộrence pourtant que Monaldeschi n'ộtait rien Leibniz et que d'Es*** ộtait le bienfaiteur de Bacon, il fit la Douziốme nuit ou Ce que vous voudrez . En 1602, pendant que, pour obộir au pape, le roi de France, qualifiộ renard de Bộarn par le cardinal neveu Aldobrandini, rộcitait son chapelet tous les jours, les litanies le mercredi et le rosaire de la vierge Marie le samedi, pendant que quinze cardinaux, assistộs des chefs d'ordre, ouvraient Rome le dộbat sur le molinisme, et pendant que le Saint-Siốge, la demande de la couronne d'Espagne, ô sauvait la chrộtientộ et le monde ằ par l'institution de la congrộgation de Auxiliis , il fit Othello. En 1603, pendant que la mort d'ẫlisabeth faisait dire Henri IV : Elle ộtait vierge comme le suis catholique , il fit Hamlet . En 1604, pendant que Philippe III achevait de perdre les Pays-Bas, il fit Jules Cộsar et Mesure pour mesure . En 1606, dans le temps oự Jacques Ier d'Angleterre, l'ancien Jacques VI d'ẫcosse, ộcrivait contre Bellarmin le Tortura torti , et, infidốle Carr, commenỗait regarder doucement Villiers, qui devait l'honorer du titre de Votre Cochonnerie , il fit Coriolan . En 1607, pendant que l'universitộ d'York recevait le petit prince de Galles docteur, comme le raconte le pốre de Saint-Romuald, avec toutes les cộrộmonies et fourrures accoutumộes , il fit le Roi Lear. En 1609, pendant que la magistrature de France, donnant un blanc-seing pour l'ộchafaud, condamnait d'avance et de confiance le prince de Condộ ô la peine qu'il plairait Sa Majestộ d'ordonner ằ, il fit Troùlus et Cressida . En 1610, pendant que Ravaillac assassinait Henri IV par le poignard et pendant que le parlement de Paris assassinait Ravaillac par l'ộcartốlement, il fit Antoine et Clộopõtre . En 1611, tandis que les Maures, expulsộs par Philippe III, se traợnaient hors d'Espagne et agonisaient, il fit le Conte d'hiver, Henri VIII et la Tempờte .




    Il ộcrivait sur des feuilles volantes, comme presque tous les poốtes d'ailleurs. Malherbe et Boileau sont peu prốs les seuls qui aient ộcrit sur des cahiers. Racan disait Mlle de Gournay: ô J'ai vu ce matin M. de Malherbe coudre lui-mờme avec du gros fil gris une liasse blanche oự il y aura bientụt des sonnets. ằ Chaque drame de Shakespeare, composộ pour les besoins de sa troupe, ộtait, selon toute apparence, appris et rộpộtộ la hõte par les acteurs sur l'original mờme, qu'on ne prenait pas le temps de copier ; de l, pour lui comme pour Moliốre, le dộpốcement et la perte des manuscrits. Peu ou point de registres dans ces thộõtres presque forains; aucune coùncidence entre la reprộsentation et l'impression des piốces; quelquefois mờme pas d'imprimeur, le thộõtre pour toute publication. Quand les piốces, par hasard, sont imprimộes, elles portent des titres qui dộroutent. La deuxiốme partie de Henri VI est intitulộe: ô La Premiốre partie de la guerre entre York et Lancastre. ằ La troisiốme partie est intitulộe: ô La Vraie tragộdie de Richard, duc d'York. ằ Tout ceci fait comprendre pourquoi il est restộ tant d'obscuritộ sur les ộpoques ou Shakespeare composa ses drames, et pourquoi il est difficile d'en fixer les dates avec prộcision. Les dates que nous venons d'indiquer, et qui sont groupộes ici pour la premiốre fois, sont peu prốs certaines ; cependant quelque doute persiste sur les annộes ou furent non seulement ộcrits, mais mờme jouộs, Timon d'Athốnes, Cymbeline, Jules Cộsar, Antoine et Clộopõtre, Coriolan et Macbeth. Il y a ỗ et l des annộes stộriles; d'autres sont d'une fộcon***ộ qui semble excessive. C'est, par exemple, sur une simple note de Meres, auteur du Trộsor de l'esprit , qu'on est forcộ d'attribuer la seule annộe 1598 la crộation de six piốces, les Deux gentilshommes de Vộrone, la Comộdie d'erreurs, le Roi Jean, le Songe d'une nuit d'ộtộ, le Marchand de Venise et Tout est bien qui finit bien, que Meres intitule Peines d'amour gagnộes . La date du Henri VI est fixộe, pour la premiốre partie du moins, par une allusion que fait ce drame Nashe dans Pierce Pennilesse. L'annộe 1604 est indiquộe pour Mesure pour mesure , en ce que cette piốce y fut reprộsentộe le jour de la Saint-ẫtienne, dont Hemynge tint note spộciale, et l'annộe 1611 pour Henri VIII, en ce que Henri VIII fut jouộ lors de l'incendie du Globe. Des incidents de toute sorte, une brouille avec les comộdiens ses camarades, un caprice du lord-chambellan, forỗaient quelquefois Shakespeare changer de thộõtre. La Sauvage apprivoisộe fut jouộe pour la premiốre fois en 1593, au thộõtre de Henslowe; la Douziốme nuit en 1601, Middle Temple Hall ; Othello en 1602, au chõteau de Harefield. Le Roi Lear fut jouộ Whitehall, aux fờtes de Noởl 1607, devant Jacques 1er. Burbage crộa Lear. Lord Southampton, rộcemment ộlargi de la Tour de Londres, assistait cette reprộsentation. Ce lord Southampton ộtait l'ancien habituộ de Blackfriars, auquel Shakespeare, en 1589, avait dộdiộ un poốme d'Adonis ; Adonis ộtait alors la mode; vingt-cinq ans aprốs Shakespeare, le cavalier Marini faisait un poốme d'Adonis_ qu'il dộdiait Louis XIII.



    En 1597, Shakespeare avait perdu son fils, qui a laissộ pour trace unique sur la terre une ligne du registre mortuaire de la paroisse de Stratford-sur-Avon: 1597. August. 17: Hamnet, filius Wiliam Shakespeare . Le 6 septembre 1601, John Shakespeare, son pốre, ộtait mort. Il ộtait devenu chef de sa troupe de comộdiens. Jacques Ier lui avait donnộ en 1607 l'exploitation de Blackfriars, puis le privilốge du Globe. En 1613, Madame ẫlisabeth, fille de Jacques, et l'ẫlecteur palatin, roi de Bohờme, dont on voit la statue dans du lierre l'angle d'une grosse tour de Heidelberg, vinrent au Globe voir jouer la Tempờte . Ces apparitions royales ne le sauvaient pas de la censure du lord-chambellan. Un certain inter*** pesait sur ses piốces, dont la reprộsentation ộtait tolộrộe et l'impression parfois dộfendue. Sur le tome second du registre du Stationer's Hall, on peut lire encore aujourd'hui en marge du titre des trois piốces, Comme il vous plaira, Henri V, Beaucoup de bruit pour rien, cette mention ô 4 aoỷt, suspendre ằ. Les motifs de ces interdictions ộchappent. Shakespeare avait pu, par exemple, sans soulever de rộclamation, mettre sur la scốne son ancienne aventure de braconnier et faire de sir Thomas Lucy un grotesque, le juge Shallow, montrer au public Falstaff tuant le daim et rossant les gens de Shallow, et pousser le portrait jusqu' donner Shallow le blason de sir Thomas Lucy, audace aristophanesque d'un homme qui ne connaissait pas Aristophane. Falstaff, sur les manuscrits de Shakespeare, ộtait ộcrit Falstaffe . Cependant quelque aisance lui ộtait venue, comme plus tard Moliốre. Vers la fin du siốcle, il ộtait assez riche pour que le 8 octobre 1598 un nommộ Ryc Quiney lui demandõt un secours dans une lettre dont la suscription porte mon aimable ami et compatriote William Shakespeare . Il refusa le secours, ce qu'il paraợt, et renvoya la lettre, trouvộe depuis dans les papiers de Fletcher, et sur le revers de laquelle ce mờme Ryc Quiney avait ộcrit histrio! mima ! Il aimait Stratford-sur-Avon oự il ộtait nộ, oự son pốre ộtait mort, oự son fils ộtait enterrộ. Il y acheta ou y fit bõtir une maison qu'il baptisa New Place. Nous disons acheta ou fit bõtir une maison, car il l'acheta selon Whiterill, et la fit bõtir selon Forbes, et ce sujet Forbes querelle Whiterill; ces chicanes d'ộru***s sur des riens ne valent pas la peine d'ờtre approfondies, surtout quand on voit le pốre Hardouin, par exemple, bouleverser tout un passage de Pline en remplaỗant nos pridem par non pridem .




    Shakespeare allait de temps en temps passer quelques jours New Place. Dans ces petits voyages il rencontrait mi-chemin Oxford, et Oxford l'hụtel de la Couronne, et dans l'hụtel l'hụtesse, belle et intelligente crộature, femme du digne aubergiste Davenant. En 1606, Mme Davenant accoucha d'un garỗon qu'on nomma William, et en 1644 sir William Davenant, crộộ chevalier par Charles Ier, ộcrivait lord Rochester : Sachez ceci qui fait honneur ma mốre, je suis le fils de Shakespeare ; se rattachant Shakespeare de la mờme faỗon que de nos jours M. Lucas-Montigny s'est rattachộ Mirabeau. Shakespeare avait mariộ ses deux filles, Suzanne un mộdecin, Ju***h un marchand; Suzanne avait de l'esprit, Ju***h ne savait ni lire ni ộcrire et signait d'une croix. En 1613, il arriva que Shakespeare, ộtant allộ Stratford-sur-Avon, n'eut plus envie de retourner Londres. Peut-ờtre ộtait-il gờnộ. Il venait d'ờtre contraint d'emprunter sur sa maison. Le contrat hypothộcaire qui constate cet emprunt, en date du 11 mars 1613, et revờtu de la signature de Shakespeare, existait encore au siốcle dernier chez un procureur qui le donna Garrick, lequel l'a perdu. Garrick a perdu de mờme, c'est Mlle Violetti, sa femme, qui le raconte, le manuscrit de Forbes, avec ses lettres en latin. A partir de 1613, Shakespeare resta sa maison de New Place, occupộ de son jardin, oubliant ses drames, tout ses fleurs. Il planta dans ce jardin de New Place le premier mỷrier qu'on ait cultivộ Stratford, de mờme que la reine ẫlisabeth avait portộ en 1561 les premiers bas de soie qu'on ait vus en Angleterre. Le 25 mars 1616, se sentant malade, il fit son testament. Son testament, dictộ par lui, est ộcrit sur trois pages; il signa sur les trois pages ; sa main tremblait ; sur la premiốre page il signa seulement son prộnom WILLIAM, sur la seconde : WILM SHASPR, sur la troisiốme: WILLIAM SHASP. Le 23 avril, il mourut. Il avait ce jour-l juste cinquante-deux ans, ộtant nộ le 23 avril 1564. Ce mờme jour 23 avril 1616, mourut Cervantes, gộnie de la mờme stature. Quand Shakespeare mourut, Milton avait huit ans, Corneille avait dix ans, Charles Ier et Cromwell ộtaient deux adolescents, l'un de seize, l'autre de dix-sept ans.




    L'espace, le bleu, comme disent les Allemands, n'est certes pas inter*** Shakespeare. La terre voit et parcourt le ciel; elle le connaợt sous ses deux aspects, obscuritộ et azur, doute et espộrance. La vie va et vient dans la mort. Toute la vie est un secret, une sorte de parenthốse ộnigmatique entre la naissance et l'agonie, entre l'oeil qui s'ouvre et l'oeil qui se ferme. Ce secret, Shakespeare en a l'inquiộtude. Dans Shakespeare, les oiseaux chantent, les buissons verdissent, les coeurs aiment, les õmes souffrent, le nuage erre, il fait chaud, il fait froid, la nuit tombe, le temps passe, les forờts et les foules parlent, le vaste songe ộternel flotte. La sốve et le sang, toutes les formes du fait multiple, les actions et les idộes, l'homme et l'humanitộ, les vivants et la vie, les solitudes, les villes, les religions, les diamants, les perles, les fumiers, les charniers, le flux et le reflux des ờtres, le pas des allants et venants, tout cela est sur Shakespeare et dans Shakespeare, et, ce gộnie ộtant la terre, les morts en sortent. Certains cụtộs sinistres de Shakespeare sont hantộs par les spectres. Shakespeare est frốre de Dante. L'un complốte l'autre. Dante incarne tout le surnaturalisme, Shakespeare incarne toute la nature; et comme ces deux rộgions, nature et surnaturalisme, qui nous apparaissent si diverses, sont dans l'absolu la mờme unitộ, Dante et Shakespeare, si dissemblables pourtant, se mờlent par les bords et adhốrent par le fond; il y a de l'homme dans Alighieri, et du fantụme dans Shakespeare. La tờte de mort passe des mains de Dante dans les mains de Shakespeare; Ugolin la ronge, Hamlet la questionne. Peut-ờtre mờme dộgage-t-elle un sens plus profond et un plus haut enseignement dans le second que dans le premier. Shakespeare la secoue et en fait tomber des ộtoiles. L'ợle de Prospero, la forờt des Ardennes, la bruyốre d'Armuyr, la plate-forme d'Elseneur, ne sont pas moins ộclairộes que les sept cercles de la spirale dantesque par la sombre rộverbộration des hypothốses. Le que sais-je? demi-chimốre, demi-vộritộ, s'ộbauche l comme ici. Shakespeare autant que Dante laisse entrevoir l'horizon crộpusculaire de la conjecture. Dans l'un comme dans l'autre il y a le possible, cette fenờtre du rờve ouverte sur le rộel. Quant au rộel, nous y insistons, Shakespeare en dộborde; partout la chair vive; Shakespeare a l'ộmotion, l'instinct, le cri vrai, l'accent juste, toute la multitude humaine avec sa rumeur. Sa poộsie, c'est lui, et en mờme temps, c'est vous. Comme Homốre, Shakespeare est ộlộment. Les gộnies recommenỗants, c'est le nom qui leur convient, surgissent toutes les crises dộcisives de l'humanitộ; ils rộsument les phases et complốtent les rộvolutions. Homốre marque en civilisation la fin de l'Asie et le commencement de l'Europe; Shakespeare marque la fin du Moyen Age. Cette clụture du Moyen ge, Rabelais et Cervantes la font aussi; mais, ộtant uniquement railleurs, ils ne donnent qu'un aspect partiel; l'esprit de Shakespeare est un total. Comme Homốre Shakespeare est un homme cyclique. Ces deux gộnies, Homốre et Shakespeare, ferment les deux premiốres portes de la barbarie, la porte antique et la porte gothique. C'ộtait l leur mission, ils l'ont accomplie: c'ộtait l leur tõche, ils l'ont faite. La troisiốme grande crise est la Rộvolution franỗaise; c'est la troisiốme porte ộnorme de la barbarie, la porte monarchique, qui se ferme en ce moment. Le XIXe siốcle l'entend rouler sur ses gonds. De l, pour la poộsie, le drame et l'art, l'ốre actuelle aussi indộpendante de Shakespeare que d'Homốre.



    Shakespeare est, avant tout, une imagination. Or, c'est l une vộritộ que nous avons indiquộe dộj et que les penseurs savent, l'imagination est profondeur. Aucune facultộ de l'esprit ne s'enfonce et ne creuse plus que l'imagination; c'est la grande plongeuse. La science, arrivộe aux derniers abợmes, la rencontre. Dans les sections coniques, dans les logarithmes, dans le calcul diffộrentiel et intộgral, dans le calcul des probabilitộs, dans le calcul infinitộsimal, dans le calcul des ondes sonores, dans l'application de l'algốbre la gộomộtrie, l'imagination est le coefficient du calcul, et les mathộmatiques deviennent poộsie. Je crois peu la science des savants bờtes...



    La comộdie ộclate dans les larmes, le sanglot naợt du rire, les figures se mờlent et se heurtent, des formes massives, presque des bờtes, passent lourdement, des larves, femmes peut-ờtre, peut-ờtre fumộe, ondoient; les õmes, libellules de l'ombre, mouches crộpusculaires, frissonnent dans tous ces roseaux noirs que nous appelons passions et ộvộnements. A un pụle lady Macbeth, l'autre Titama. Une pensộe colossale et un caprice immense.



    Qu'est-ce que la Tempờte, Troùlus et Cressida , les Gentilshommes de Vộrone, les Commốres de Windsor, le Songe d'ộtộ, le Conte d'hiver ? c'est la fantaisie, c'est l'arabesque. L'arabesque dans l'art est le mờme phộnomốne que la vộgộtation dans la nature. L'arabesque pousse, croợt, se noue, s'exfolie, se multiplie, ver***, fleurit, s'embranche tous les rờves. L'arabesque est incommensurable; il a une puissance inouùe d'extension et d'agrandissement; il emplit des horizons et il en ouvre d'autres; il intercepte les fonds lumineux par d'innombrables entre-croisements, et, si vous mờlez ce branchage la figure humaine, l'ensemble est vertigineux; c'est un saisissement. On distingue claire-voie, derriốre l'arabesque, toute la philosophie; la vộgộtation vit, l'homme se panthộise, il se fait dans le fini une combinaison d'infini, et, devant cette oeuvre oự il y a de l'impossible et du vrai, l'õme humaine frissonne d'une ộmotion obscure et suprờme.



    Du reste, il ne faut laisser envahir ni l'ộdifice par la vộgộtation, ni le drame par l'arabesque.



    Un des caractốres du gộnie, c'est le rapprochement singulier des facultộs les plus lointaines. Dessiner un astragale comme l'Arioste, puis creuser les õmes comme Pascal, c'est cela qui est le poốte. Le for intộrieur de l'homme appartient Shakespeare. Il vous en fait chaque instant la surprise. Il tire de la conscience tout l'imprộvu qu'elle contient. Peu de poốtes le dộpassent dans cette recherche psychique. Plusieurs des particularitộs les plus ộtranges de l'õme humaine sont indiquộes par lui. Il fait savamment sentir la simplicitộ du fait mộtaphysique sous la complication du fait dramatique. Ce qu'on ne s'avoue pas, la chose obscure qu'on commence par craindre et qu'on finit par dộsirer, voil le point de jonction et le surprenant lieu de rencontre du coeur des vierges et du coeur des meurtriers, de l'õme de Juliette et de l'õme de Macbeth; l'innocence a peur et appộtit de l'amour comme le scộlộrat de l'ambition; pộrilleux baisers donnộs la dộrobộe au fantụme, ici radieux, l farouche.



    toutes ces profusions, analyse, synthốse, crộation en chair et en os, rờverie, fantaisie, science, mộtaphysique, ajoutez l'Histoire, ici l'histoire des historiens, l l'histoire du conte; des spộcimens de tout; du traợtre, depuis Macbeth, l'assassin de l'hụte, jusqu' Coriolan, l'assassin de la patrie; du despote, depuis le tyran cerveau, Cộsar, jusqu'au tyran ventre Henri VIII; du carnassier, depuis le lion jusqu' l'usurier. On peut dire Shylock: Bien mordu, juif! Et, au fond de ce drame prodigieux, sur la bruyốre dộserte, au crộpuscule, pour promettre aux meurtriers des couronnes, se dressent trois silhouettes noires, oự Hộsiode peut-ờtre, travers les siốcles, reconnaợt les Parques. Une force dộmesurộe, un charme exquis, la fộrocitộ ộpique, la pitiộ, la facultộ crộatrice, la gaietộ, cette haute gaietộ inintelligible aux entendements ộtroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux mộchants, la grandeur sidộrale, la tộnuitộ microscopique, une poộsie illimitộe qui a un zộnith et un nadir, l'ensemble vaste, le dộtail profond, rien ne manque cet esprit. On sent, en abordant l'oeuvre de cet homme, le vent ộnorme qui viendrait de l'ouverture d'un monde. Le rayonnement du gộnie dans tous les sens, c'est l Shakespeare.




    Si jamais un homme a peu mộritộ la bonne note: Il est sobre , c'est, coup sỷr, William Shakespeare. Shakespeare est un des plus mauvais sujets que l'esthộtique ô sộrieuse ằ ait jamais eu rộgenter.



    Shakespeare, c'est la fertilitộ, la force, l'exubộrance, la mamelle gonflộe, la coupe ộcumante, la cuve plein bord, la sốve par excốs, la lave en torrent, les germes en tourbillons, la vaste pluie de vie, tout par milliers, tout par millions, nulle rộticence, nulle ligature, nulle ộconomie, la prodigalitộ insensộe et tranquille du crộateur. A ceux qui tõtent le fond de leur poche, l'inộpuisable semble en dộmence. A-t-il bientụt fini? Jamais. Shakespeare est le semeur d'ộblouissements. chaque mot, l'image; chaque mot, le contraste; chaque mot, le jour et la nuit...



    Raffinement, excốs d'esprit, affộterie, gongorisme, c'est tout cela qu'on a jetộ la tờte de Shakespeare. On dộclare que ce sont les dộfauts de la petitesse, et l'on se hõte de les reprocher au colosse.



    Mais aussi ce Shakespeare ne respecte rien, il va devant lui, il essouffle qui veut le suivre, il enjambe les convenances, il culbute Aristote; il fait des dộgõts dans le jộsuitisme, dans le mộthodisme, dans le purisme et dans le puritanisme; il met Loyola en dộsordre et Wesley sens dessus dessous; il est vaillant, hardi, entreprenant, militant, direct. Son ộcritoire fume comme un cratốre. Il est toujours en travail, en fonction, en verve, en train, en marche. Il a la plume au poing, la flamme au front, le diable au corps. L'ộtalon abuse; il y a des passants mulets qui c'est dộsagrộable. Etre fộcond, c'est ờtre agressif. Un poốte comme Isaùe, comme Juvộnal, comme Shakespeare, est, en vộritộ, exorbitant. Que diable! on doit faire un peu attention aux autres, un seul n'a pas droit tout, la virilitộ toujours, l'inspiration partout, autant de mộtaphores que la prairie, autant d'antithốses que le chờne, autant de contrastes et de profondeurs que l'univers, sans cesse la gộnộration, l'ộclosion, l'hymen, l'enfantement, l'ensemble vaste, le dộtail exquis et robuste, la communication vivante, la fộcondation, la plộnitude, la production, c'est trop; cela viole le droit des neutres.



    Voil trois siốcles tout l'heure que Shakespeare, ce poốte en toute effervescence, est regardộ par les critiques sobres avec cet air mộcontent que de certains spectateurs privộs doivent avoir dans le sộrail.



    Shakespeare n'a point de rộserve, de retenue, de frontiốre, de lacune. Ce qui lui manque, c'est le manque. Nulle caisse d'ộpargne. Il ne fait pas carờme. Il dộborde, comme la vộgộtation, comme la germination, comme la lumiốre, comme la flamme. Ce qui ne l'empờche pas de s'occuper de vous, spectateur ou lecteur, de vous faire de la morale, de vous donner des conseils, et d'ờtre votre ami, comme le premier bonhomme La Fontaine venu, et de vous rendre de petits services. Vous pouvez vous chauffer les mains son incendie.



    Othello, Romộo, Iago, Macbeth, Shylock, Richard III, Jules Cộsar, Obộron, Puck, Ophộlia, Desdemona, Juliette, Titania, les hommes, les femmes, les sorciốres, les fộes, les õmes, Shakespeare est tout grand ouvert, prenez, prenez, en voulez-vous encore? Voici Ariel, Parolles, Macduff, Prospero, Viola, Miranda, Caliban, en voulez-vous encore? Voici Jessica, Cordelia, Cressida, Portia, Brabantio, Polonius, Horatio, Mercutio, Imogốne, Pandarus de Troie, Bottom, Thộsộe. Ecce Deus , c'est le poốte, il s'offre, qui veut de moi? il se donne, il se rộpand, il se prodigue; il ne se vide pas. Pourquoi? Il ne peut. L'ộpuisement lui est impossible, il y a en lui du sans fond. Il se remplit et se dộpense, puis recommence. C'est le panier percộ du gộnie.



    En licence et audace de langage, Shakespeare ộgale Rabelais, qu'un cygne derniốrement a traitộ de porc.



    Comme tous les hauts esprits en pleine orgie d'omnipotence, Shakespeare se verse toute la nature, la boit, et vous la fait boire. Voltaire lui a reprochộ son ivrognerie, et a bien fait. Pourquoi aussi, nous le rộpộtons, pourquoi ce Shakespeare a-t-il un tel tempộrament? Il ne s'arrờte pas, il ne se lasse pas, il est sans pitiộ pour les autres petits estomacs qui sont candidats l'acadộmie. Cette gastrite, qu'on appelle ô le bon goỷt ằ, il ne l'a pas. Il est puissant. Qu'est-ce que cette vaste chanson immodộrộe qu'il chante dans les siốcles, chanson de guerre, chanson boire, chanson d'amour, qui va du roi Lear la reine Mab, et de Hamlet Falstaff, navrante parfois comme un sanglot, grande comme l'Iliade!



    Sa poộsie a le parfum õcre du miel fait en vagabondage par l'abeille sans ruche. Ici la prose, l le vers; toutes les formes, n'ộtant que des vases quelconques pour l'idộe, lui conviennent. Cette poộsie se lamente et raille... Le drame de Shakespeare marche avec une sorte de rythme ộperdu il est si vaste qu'il chancelle; il a et donne le vertige; mais rien n'est solide comme cette grandeur ộmue. Shakespeare, frissonnant, a en lui les vents, les esprits, les philtres, les vibrations, les balancements des souffles qui passent, l'obscure pộnộtration des effluves, la grande sốve inconnue. De l son trouble, au fond duquel est le calme. C'est ce trouble qui manque Goethe, louộ tort pour son impassibilitộ, qui est infộrioritộ. Ce trouble, tous les esprits du premier ordre l'ont. Ce trouble est dans Job, dans Eschyle, dans Alighieri. Ce trouble, c'est l'humanitộ. Sur la terre, il faut que le divin soit humain. il faut qu'il se propose lui-mờme sa propre ộnigme et qu'il s'en inquiốte. L'inspiration ộtant prodige, une stupeur sacrộe s'y mờle. Une certaine majestộ d'esprit ressemble aux solitudes et se complique d'ộtonnement. Shakespeare, comme tous les grands poốtes et comme toutes les grandes choses, est plein d'un rờve. Sa propre vộgộtation l'effare; sa propre tempờte l'ộpouvante.



    Au-dessus de Shakespeare il n'y a personne. Shakespeare a des ộgaux, mais n'a pas de supộrieur. C'est un ộtrange honneur pour une terre d'avoir portộ cet homme. On peut dire cette terre alma parens . La ville natale de Shakespeare est une ville ộlue; une ộternelle lumiốre est sur ce berceau : Stratford-sur-Avon a une certitude que n'ont point Smyrne, Rhodes, Colophon, Salamine, Chio, Argos et Athốnes, les sept villes qui se disputent la naissance d'Homốre.



    Shakespeare est un esprit humain; c'est aussi un esprit anglais. Il est trốs anglais, trop anglais; il est anglais jusqu' amortir les rois horribles qu'il met en scốne quand ce sont des rois d'Angleterre, jusqu' amoindrir Philippe Auguste devant Jean sans Terre, jusqu' faire exprốs un bouc, Falstaff, pour le charger des mộfaits princiers du jeune Henri V, jusqu' partager dans une certaine mesure les hypocrisies d'histoire prộtendue nationale. Enfin il est anglais jusqu' essayer d'attộnuer Henri VIII; il est vrai que l'oeil fixe d'ẫlisabeth est sur lui. Mais en mờme temps, insistons-y, car c'est par l qu'il est grand, oui, ce poốte anglais est un gộnie humain. L'art, comme la religion, a ses Ecce homo . Shakespeare est un de ceux dont on peut dire cette grande parole : il est l'Homme.



    Avoir enfantộ Shakespeare, cela gran*** l'Angleterre.



    La place de Shakespeare est parmi les plus sublimes dans cette ộlite de gộnies absolus qui, de temps en temps accrue d'un nouveau venu splendide, couronne la civilisation et ộclaire de son rayonnement immense le genre humain. Shakespeare est lộgion. lui seul il contrebalance notre beau XVIIe siốcle franỗais et presque le XVIIIe.




    Shakespeare est un des poốtes qui se dộfendent le plus contre le traducteur.



    La vieille violence faite Protộe symbolise l'effort des traducteurs. Saisir le gộnie, rude besogne. Shakespeare rộsiste, il faut l'ộtreindre; Shakespeare ộchappe, il faut le poursuivre.



    Il ộchappe par l'idộe, il ộchappe par l'expression. Rappelez-vous le un*** , cette lugubre dộclaration de neutralitộ d'un monstre entre le bien et le mal, cet ộcriteau posộ sur une conscience eunuque. Quelle intrộpi***ộ il faut pour reproduire nettement en franỗais certaines beautộs insolentes de ce poốte, par exemple le buttock of the night , oự l'on entrevoit les parties honteuses de l'ombre. D'autres expressions semblent sans ộquivalents possibles; ainsi green girl , ô fille verte, ằ n'a aucun sens en franỗais. On pourrait dire de certains mots qu'ils sont imprenables. Shakespeare a un sunt lacrymoe rerum . Dans le we have kissed away kingdoms and provinces , aussi bien que dans le profond soupir de Virgile, l'indicible est ***. Cette gigantesque dộpense d'avenir faite dans un lit, ces provinces s'en allant en baisers, ces royaumes possibles s'ộvanouissant sur les bouches jointes d'Antoine et de Clộopõtre, ces empires dissous en caresses et ajoutant inexprimablement leur grandeur la voluptộ, nộant comme eux, toutes ces sublimitộs sont dans ce mot kissed away kingdoms .



    Shakespeare ộchappe au traducteur par le style, il ộchappe aussi par la langue. L'anglais se dộrobe le plus qu'il peut au franỗais. Les deux idiomes sont composộs en sens inverse. Leur pụle n'est pas le mờme ; l'anglais est saxon, le franỗais est latin. L'anglais actuel est presque l'allemand du XVe siốcle, l'orthographe prốs. L'antipathie immộmoriale des deux idiomes a ộtộ telle qu'en 1095 les Normands dộposốrent Wolstan, ộvờque de Worcester, pour le seul crime d'ờtre une vieille brute d'Anglais ne sachant pas parler franỗais...



    Shakespeare rộsiste par le style; Shakespeare rộsiste par la langue. Est-ce l tout? non. Il rộsiste par le sens mộtaphysique; il rộsiste par le sens historique; il rộsiste par le sens lộgendaire. Il a beaucoup d'ignorance, ceci est convenu ; mais ce qui est moins connu, il a beaucoup de science. Parfois tel dộtail qui surprend, oự l'on croit voir sa grossiốretộ, atteste prộcisộment sa particularitộ et sa finesse; trốs souvent ce que les critiques nộgateurs dộnoncent dans Shakespeare comme l'invention ridicule d'un esprit sans culture et sans lettres, prouve, tout au contraire, sa bonne information. Il est sagace et singulier dans l'histoire. Il est on ne peut mieux renseignộ dans la tra***ion et dans le conte. Quant sa philosophie, elle est ộtrange; elle tient de Montaigne par le doute, et d'ẫzộchiel par la vision...



    Pour pộnộtrer la question shakespearienne et, dans la mesure du possible, la rộsoudre, toute une bibliothốque est nộcessaire. Historiens consulter, depuis Hộrodote jusqu' Hume, poốtes, depuis Chaucer jusqu' Coleridge, critiques, ộ***eurs, commentateurs, nouvelles, romans, chroniques, drames, comộdies, ouvrages en toutes langues, documents de toutes sortes, piốces justificatives de ce gộnie. On l'a fort accusộ; il importe d'examiner son dossier. Au British Museum, un compartiment est exclusivement rộservộ aux ouvrages qui ont un rapport quelconque avec Shakespeare. Ces ouvrages veulent ờtre, les uns vộrifiộs, les autres approfondis. Labeur õpre et sộrieux, et plein de complications. Sans compter les registres du Stationer's Hall, sans compter les registres de Stratford, sans compter les archives de Bridgewater House, sans compter le Journal de Symon Forman. Il n'est pas inutile de confronter les dires de tous ceux qui ont essayộ d'analyser Shakespeare, commencer par Addison dans le Spectateur , et finir par Jaucourt dans l'Encyclopộdie . Shakespeare a ộtộ, en France, en Allemagne, en Angleterre, trốs souvent jugộ, trốs souvent condamnộ, trốs souvent exộcutộ; il faut savoir par qui et comment. Oự il s'inspire, ne le cherchez pas, c'est en lui-mờme; mais oự il puise, tõchez de le dộcouvrir. Le vrai traducteur doit faire effort pour lire tout ce que Shakespeare a lu. Il y a l pour le songeur des sources, et pour le piocheur des trouvailles. Les lectures de Shakespeare ộtaient variộes et profondes. Cet inspirộ ộtait un ộtudiant.



    Arriver comprendre Shakespeare, telle est la tõche. Toute cette ộru***ion a ce but parvenir un poốte. C'est le chemin de pierres de ce paradis.



    Forgez-vous une clef de science pour ouvrir cette poộsie.



    Et de la sorte, vous saurez de qui est contemporain le Thộsộe du Songe d'une nuit d'ộtộ ; vous saurez comment les prodiges de la mort de Cộsar se rộpercutent dans Macbeth ; vous saurez quelle quantitộ d'Oreste il y a dans Hamlet. Vous connaợtrez le vrai Timon d'Athốnes, le vrai Shylock, le vrai Falstaff.

    Shakespeare ộtait un puissant assimilateur. Il s'amalgamait le passộ. Il cherchait, puis trouvait; il trouvait, puis inventait; il inventait, puis crộait. Une insufflation sortait pour lui du lourd tas des chroniques. De ces in-folio il dộgageait des fantụmes.



    Fantụmes ộternels. Les uns terribles, les autres adorables. Richard III, Gloucester, Jean sans Terre. Marguerite, lady Macbeth, Regane et Goneril, Claudius, Lear, Romộo et Juliette, Jessica, Per***a, Miranda, Pauline, Constance, Ophộlia, Cordelia, tous ces monstres, toutes ces fộes. Les deux pụles du coeur humain et les deux extrộmitộs de l'art reprộsentộs par des figures jamais vivantes d'une vie mystộrieuse, impalpables comme le nuage, immortelles comme le souffle. La difformitộ intộrieure, Iago : la difformitộ extộrieure, Caliban : et prốs d'Iago le charme, Desdemona, et en regard de Caliban la grõce, Titania.



    Quand on a lu les innombrables livres lus par Shakespeare, quand on a bu aux mờmes sources, quand on s'est imprộgnộ de tout ce dont il ộtait pộnộtrộ, quand on s'est fait en soi un fac-similộ du passộ tel qu'il le voyait, quand on a appris tout ce qu'il savait, moyen d'en venir rờver tout ce qu'il rờvait, quand on a digộrộ tous ces faits, toute cette histoire, toutes ces fables, toute cette philosophie, quand on a gravi cet escalier de volumes, on a pour rộcompense cette nuộe d'ombres divines au-dessus de sa tờte.



    Un jeune homme s'est dộvouộ ce vaste travail. cụtộ de cette premiốre tõche, reproduire Shakespeare, il y en avait une deuxiốme, le commenter. L'une, on vient de le voir, exige un poốte, l'autre un bộnộdictin. Ce traducteur a acceptộ l'une et l'autre. Parallốlement la traduction de chaque drame, il a placộ, sous le titre d'introduction , une ộtude spộciale, oự toutes les questions relatives au drame traduit sont discutộes et dộbattues, et oự, piốce en mains, le pour et le contre est plaidộ. Ces trente-six introductions aux trente-six drames de Shakespeare, divisộs en quinze livres portant chacun un titre spộcial, sont dans leur ensemble une oeuvre considộrable. Oeuvre de critique, oeuvre de philologie, oeuvre de philosophie, oeuvre d'histoire, qui cụtoie et corrobore la traduction; quant la traduction en elle-mờme, elle est fidốle, sincốre, opiniõtre dans la rộsolution d'obộir au texte; elle est modeste et fiốre; elle ne tõche pas d'ờtre supộrieure Shakespeare.



    Le commentaire couche Shakespeare sur la table d'autopsie, la traduction le remet debout; et aprốs l'avoir vu dissộquộ, nous le retrouvons en vie.



    Pour ceux qui, dans Shakespeare, veulent tout Shakespeare, cette traduction manquait. On l'a maintenant. Dộsormais il n'y a plus de bibliothốque bien faite sans Shakespeare. Une bibliothốque est aussi incomplốte sans Shakespeare que sans Moliốre.



    L'ouvrage a paru volume par volume et a eu d'un bout l'autre ce grand collaborateur, le succốs.



    Le peu que vaut notre approbation, nous le donnons sans rộserve cette ouvrage, traduction au point de vue philologique, crộation au point de vue critique et historique. C'est une oeuvre de solitude. Ces oeuvres-l sont consciencieuses et saines. La vie sộvốre conseille le travail austốre. Le traducteur actuel sera, nous le croyons et toute la haute critique de France, d'Angleterre et d'Allemagne l'a proclamộ dộj, le traducteur dộfinitif. Premiốre raison, il est exact; deuxiốme raison, il est complet. Les difficultộs que nous venons d'indiquer, et une foule d'autres, il les a franchement abordộes, et, selon nous, rộsolues. Faisant cette tentative, il s'y est dộpensộ tout entier. Il a senti, en accomplissant cette tõche, la religion de construire un monument. il y a consacrộ douze des plus belles annộes de la vie. Nous trouvons bon qu'un jeune homme ait eu cette gravitộ. La besogne ộtait malaisộe, presque effrayante ; recherches, confrontations de textes, peines, labeurs sans relõche. Il a eu pendant douze annộes la fiốvre de cette grande audace et de cette grande responsabilitộ. Cela est bien lui d'avoir voulu cette oeuvre et de l'avoir terminộe. Il a de cette faỗon marquộ sa reconnaissance envers deux nations, envers celle dont il est l'hụte et envers celle dont il est le fils. Cette traduction de Shakespeare, c'est, en quelque sorte, le portrait de l'Angleterre envoyộ la France. A une ộpoque oự l'on sent approcher l'heure auguste de l'embrassement des peuples, c'est presque un acte, et c'est plus qu'un fait littộraire, il y a quelque chose de pieux et de touchant dans ce don qu'un Franỗais offre la patrie, d'oự nous sommes absents, lui et moi, par notre volontộ et avec douleur.



    HAUTEVILLE HOUSE, AVRIL 1865.




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