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Chroniques vietnamiennes

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi marceltran, 13/02/2008.

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  1. marceltran

    marceltran Thành viên mới

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    Chapitre 1

    LAON - MAI 1946

    Tout éberlué Petit Louis posa sa valise sur le quai de la gare n''''en croyant pas ses yeux. Près de la porte marquée d''''un grand signe "PRIVE" une foule de jeunes gens encombrés de valises, de sacs, de paquets ficelés semblait avoir pour pôle d''''attraction un képi bleu à fond rouge.

    Deux jours auparavant, pas plus, une lettre à l''''entête du Ministère de la Guerre lui enjoignait de se rendre à Laon pour être " incorporé à la classe 46 ". Cette expression du jargon militaire l''''avait surpris en pleine préparation d''''examen à la Fac de Nancy.
    Suivait une série d''''articles du code de justice militaire qui énuméraient les peines effroyables infligées aux récalcitrants ou même aux retardataires. Nulle part n''''était fait mention d''''un sursis, d''''une exemption ou d''''un délai d''''exécution. La nuit suivante, Petit Louis se vit embrigadé dans une escouade de tordus, de bancroches et de fous furieux condamnés à perpette et gardés par des matons sanguinaires.

    La tronche qu''''il entrevoyait sous le képi bleu lui rappelait tellement son cauchemar qu''''il eut un instant l''''envie de rebrousser chemin. Un instant seulement, car il se rappelait trop bien le texte officiel plié dans sa poche: peine de mort.. prison à vie...travaux forcés...

    Une bourrade dans le dos le fit se retourner. Un autre képi bleu était derrière lui, un rabougri celui-là mais l''''air aussi teigneux que le premier.
    " Rejoignez les rangs ! "
    " Oui monsieur.."
    La trogne sous le képi bleu vira au ponceau et un beuglement en sortit:
    " Oui SERGENT !! "
    " Oui sergent". Il apprenait vite, Petit Louis; la quantité de coups de pied au train qui avaient émaillé son adolescence l''''avait rendu prudent. Les porteurs de képis furent aussitôt catalogués ''''danger immédiat'''' tout comme les collier à chien de la feld-gendarmerie ou les manteaux de cuir d''''une certaine police.

    Le premier travail fut de trier les futurs conscrits et de les séparer des voyageurs ordinaires, puis de les disposer par paquets de vingt, chaque paquet étant confié à un sergent.
    " Prenez votre feuille d''''appel dans la main et levez le bras..." Pas facile:
    " J''''ai perdu mon papier.."
    " J''''ai rien reçu " on pouvait se demander alors ce que ce type faisait là.
    " Je le trouve plus"
    En définitive tous ceux qui se baladaient sur le quai et apparemment de ***e masculin se retrouvèrent sélectionnés, on émonderait plus tard.
    " En avant...arche! "
    De la gare à la caserne de Laon qui au sommet d''''une colline surplombe toute la ville, ça monte tout le temps. La colonne s''''étirait le long des rues en zigzag, se distendait dans la direction des quelques bistrots ouverts à cette heure matinale, se regroupait sous les vociférations de l''''escorte.

    Les conversations s?Tengageaient.
    Petit Louis cheminait aux côtés d''''un grand gaillard à l''''air sympathique.
    " T''''es d''''où, toi ?"
    " De Reims, et toi ?"
    " De Dijon; je m''''appelle Lemeur."
    " Moi c''''est Louis Bourgain, mais tout le monde m''''appelle Petit Louis."
    Avant d''''être arrivé à la caserne Petit Louis apprit que son nouveau compagnon avait quitté la veille l''''atelier familial de serrurier.
    " Cela va me faire perdre une année de travail, mon père va devoir embaucher un apprenti. C''''est idiot ce service militaire, la guerre est finie, non? Ils ne vont pas recommencer à préparer la prochaine..."
    Petit Louis approuvait, mais dans le fond se sentait un peu soulagé. Pour un temps il serait débarrassé de la chasse aux petits emplois. Pour vivre il n''''aurait plus à tondre des chiens, vider des wagons de charbon, faire la plonge, vendre "L''''Avenir du Plateau Central" ou donner des cours de rattrapage à des élèves qui se souciaient de leurs études autant que du résultat du traité de Tilsit. L''''armée lui apparaissait comme une sorte de colonie de vacances exempte des soucis matériels.
    " Et toi, dans le civil, qu''''est-ce que tu faisais ? ", demanda Lemeur.
    " Etudiant. J''''étais à la Fac de Nancy."
    " Tu étudiais quoi ?
    " Les maths, je préparais une licence."
    " Pourquoi tu n''''as pas demandé de sursis ?"
    " Je n''''étais pas au courant, je ne savais même pas qu''''on pouvait être mobilisé, maintenant que le guerre est finie."
    " Tu ne lis donc pas les journaux ?"
    " Non ! et maintenant c''''est trop tard..."
    " T''''en fais pas, après un an, tu pourras y retourner. Ca va te permettre de remplumer un peu, t''''es drôlement maigre ! "
    " Tu sais, à Nancy, le ravitaillement n''''est pas fameux, et même avec les tickets c''''est tellement cher..."
    " Ah! on arrive..." Petit Louis essuya ses lunettes pour mieux voir.

    Le troupeau s''''engagea sous le portail, flanqué de deux guérites, vides pour le moment. L''''entrée donnait sur une immense cour pavée; au milieu un mât avec un drapeau, au fond un long bâtiment de quatre étages aux fenêtres constellées de têtes rigolardes, à droite un hangar abritant quelques camions, à gauche probablement les cuisines; le tout entouré d''''un mur gigantesque propre à décourager toute tentative d''''évasion.
    " An di an di.." l''''encadrement s''''efforçait de donner une allure martiale à la colonne en marquant le pas.
    " Repos !" Une dégringolade de colis montra que pour cette fois tout le monde avait compris.

    Par petits groupes, les conscrits furent emmenés dans leurs logements.
    " On va tâcher de rester ensemble" *** Lemeur.
    De fait lui et Petit Louis se retrouvèrent en compagnie de dix autres appelés dans une chambrée au troisième étage.
    " Ici on n''''est pas mal, juste à côté de l''''escalier. Tiens on va se mettre au fond; tu prends le lit du dessus. " Deux rangées de châlits superposés occupaient la majeure partie de la pièce, pas d''''armoires.
    " Où on va mettre nos affaires ? " demanda quelqu''''un.
    " On n''''est là que pour deux ou trois jours, laisse tout dans ta valise..."
    " Mais si quelqu''''un vole..." Un concert de protestations interrompit le petit prudent.
    " Gaaaarde à vous! " Un képi venait de franchir le seuil. Tout le monde se figea sur place.
    " Vous..." Un index désigna le conscrit le plus proche ,
    " Chef de chambrée. Quand un gradé entre, vous criez ''''Garde à vous!'''' Responsable. Désignez tour de garde. Repos! " et il disparut.
    " Merde alors.." fut le commentaire du nouveau promu.
    Déjà un groupe s''''était formé, un jeu de carte extrait d''''une valise et une belote s''''engageait.
    " Quand est-ce qu''''on mange? "
    Une tête apparut à la porte:
    " Eh! les mecs, vous avez vu les chiottes ? ça vaut le coup d''''oeil. " La chambrée se vida, tout le monde voulait profiter de l''''attraction.
    Au fond du couloir, une porte semblable aux autres donnait sur une pièce garnie de deux estrades percées de trous. Sous l''''estrade deux rangées de tinettes s''''alignaient sous les trous.
    " Ca fait intime.."
    " Mais qui c''''est qui va vider les tinettes ?"
    " C''''est toi mon pote, et moi, et tout le monde chacun son tour" décréta le chef de chambrée qui prenait son rôle au sérieux.
    " Ya pas de papier..." observa un gars sourcilleux.
    " T''''avais qu''''à acheter le journal à la gare."
    " Je ne retrouve plus ma piaule" fit un inconnu qui s''''était mêlé au groupe.
    Lemeur fit remarquer à Petit Louis:
    " Tu vas voir. Dans deux jours ça va être vraiment dégueulasse, ya des gens qui ne savent pas vivre..."

    De nouveaux barrissements dans le couloir les arrachèrent à leur contemplation.
    Un autre képi bleu avait surgi dans le couloir. Mais les manches de celui-là s''''ornaient d''''arabesques dont les autres étaient dépourvus. Quatre képis ordinaires l''''escortaient.
    Petit Louis pensa : " Ca doit être au moins un colonel.."
    " Je suis l''''adjudant Contrain... Le premier qui demande où est Forcé, je le fous au trou ! " Des fronts se plissèrent cherchant un sens à cette remarque incongrue.
    " Tous ceux dont le nom commence par A ou B, rassemblement dans la cour.

    " N''''y vas pas", souffla Lemeur, " c''''est un truc pour la corvée de pluches."
    Indécis Petit Louis fit un pas en avant, un autre en arrière et se fit harponner par un des sous-verge qui avait repéré le manège.
    " Votre nom ? "
    " Louis Bourgain...euh... sergent."
    " Pas sergent ! caporal-chef ! " Bon sang que c''''était compliqué; tous ces types avaient des étiquettes différentes et semblaient extrêmement chatouilleux quant à l''''appellation contrôlée.
    " Dans la cour ! " Lemeur leva les yeux au ciel d''''un air apitoyé.
    " T''''es bon pour la corvée de patates, mon pote ! "
    Et Petit Louis se retrouva dans la cour avec une bonne cinquantaine d''''autres. Toute une série de tables avaient été disposées sur des tréteaux, des paquets de couvertures et de sacs de couchage s''''y entassaient. Par terre un amoncellement de gamelles de différentes taille, des quarts en étamé, d''''autres en alu, des tasses émaillées, un assortiment de cuillers et de fourchettes.

    Chaque conscrit passa d''''abord devant une table où il devait remettre sa carte d''''identité ou une autre pièce en tenant lieu, puis devant une autre : là il recevait un morceau de carton portant un numéro en gros caractères et muni d''''un bout de ficelle passant dans un oeillet en laiton.
    " Passez-vous la ficelle autour du cou, comme ça vous ne paumerez pas votre matricule, bande de brêles..."
    Ca commençait à sentir le bagne.
    Un reliquat de malheureux totalement dépourvu de papiers et ayant de surplus égaré leur convocation ministérielle ( l''''un d''''eux avoua candidement l''''avoir fumée n''''ayant plus de papier à cigarette ), ces "immatriculables?T? donc, furent emmenés sous bonne escorte.
    Alors qu''''on lui entassait sur un bras un sac de couchage en toile à voile, une couverture brune qui avait l''''air neuve bien qu''''agrémentée dans le coin de caractères gothiques et qu''''on lui glissait sous l''''autre bras une boîte rectangulaire, un quart cintré de l''''armée américaine, une cuiller et une fourchette en fer rouillé, Petit Louis se demandait à quel sort abject étaient destinés les malheureux sans étiquette.
    Les quatre "A ou B? de retour à la chambrée firent l''''objet de la curiosité générale.
    " T''''en as un pot ! " fit un connaisseur à Petit Louis," la nouvelle gamelle de l''''armée française, c''''est facile à nettoyer; un quart américain, si tu sais te démerder tu pourras ramener une double ration de pinard."
    " Dis donc, tu as vu ...une couvrante chleuh !"
    " T''''as pas regardé les pageots, il y a une croix gammée sur le montant, ils ont gratté mais ça ressort."
    " Vous avez vu la gamelle que ces salauds m''''ont refilé ? le fond est tout rouillé, si je gratte, y aura des trous..."
    Déjà les ''''C ou D'''' étaient partis au galop pour faire leur shopping.
    " Je suis pas près d''''avoir ma gamelle " se lamenta le grand ch?Ttimi blond qui était juché deux lits plus loin.
    " Comment tu t''''appelles ?"
    " Zabrinsky"
    " Dis-leur que tu t''''appelles Emile..."
    L''''autre secoua la tête
    " A l''''école c''''était déjà pareil. Chaque fois qu''''il y a une distribution, je suis bon pour les rogatons."
    Une sonnerie de clairon fit taire tout le monde.
    " C''''est quoi cet appel ? "
    " La jaffe " fit quelqu''''un
    " Comment tu sais ça ?"
    " A la maison chaque fois que ma mère mettait la table ,mon vieux braillait ''''C''''est pas de la soupe, c''''est du rata c''''est pas...'''' Il finissait jamais. Il avait fait Verdun et il chialait presque d''''avoir loupé 40 parce qu''''il était trop vieux. Il ne rate jamais un défilé du 14 juillet, vissé au poste radio qu''''il est. Il m''''a *** que j''''avais de la veine d''''être né en 26 parce que si j''''étais né en 25 je n''''aurais pas fait mon service. Tu te rends compte, à deux mois près j''''y coupais. Il aurait pu se grouiller un peu il y a 20 ans..."
    " Bon c''''est pas tout ça, qu''''est-ce qu''''on fait ? Eh! chef de piaule, on descend ou pas ? "
    Le front du nouveau responsable se plissa, ses épaules s''''affaissèrent un tantinet ; soudain il se décida:
    " Les gars ! on descend. Prenez vos gamelles. Zabrinsky tu gardes la carrée."
    " Pourquoi c''''est moi ? " protesta le ch?Ttimi.
    " Parce que je sais pas le nom des autres..."
    Dans la cour les colonnes de conscrits convergeaient vers le bâtiment réfectoire.
    Un par un, tendant leur gamelle ils passèrent devant une rangée de marmites géantes. Floc! d''''un revers de louche la gamelle se trouva remplie d''''un mélange difficile à identifier mais qui dégageait un arôme qui fit saliver Petit Louis. Au cran suivant chacun se vit gratifier d''''un énorme morceau de pain blanc et un peu plus loin d''''une orange.
    Lemeur rejoignit Petit Louis sur un des bancs du réfectoire et se mit à faire l''''inventaire du contenu de sa gamelle :
    " Du boeuf, du lard, de patates, des carottes, des poireaux...Question présentation c''''est zéro..." Un moment plus tard, la bouche pleine :" C''''est pas dégueu..."
    D''''un seul coup l''''avenir militaire prenait des couleurs plus attrayantes; le point de vue alimentaire se trouvant résolu, le reste ne serait qu''''une question de patience.
    Une clameur interrompit les bruits de mastication:
    " Vla le pinard !"
    Sur chaque table, les cuisiniers déposèrent un bidon de cinq litres; pour douze assoiffés c''''était une dose raisonnable de treize degrés. Rien à voir avec un Château Lafitte ça sentait plutôt les collines de Blidah.
    " Brutal le jaja !" remarqua quelqu''''un, mais qu?Timporte, le pousse-au-crime fut descendu religieusement.
    Le ventre garni, les conscrits se mirent à errer dans la cour par petits groupes. Radelet le chef de chambre se rappela d''''un coup Zabrinsky.
    " ***es les gars, il faudrait relever le ch?Ttimi."
    " Y a qu''''à remonter tous...on se les gèle ici."
    Zabrinsky emprunta un quart et une gamelle et dévala les escaliers.

    Được marceltran sửa chữa / chuyển vào 03:03 ngày 13/02/2008
  2. marceltran

    marceltran Thành viên mới

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    " Tiens on n''est plus que dix !" remarqua Radelet. Durant les trois jours suivants le douzième homme demeura introuvable; peut être avait-il rejoint les membres de sa tribu dans une autre chambrée. Le châlit inoccupé servit à entasser les valises.
    L''après-midi se passa en appels divers, des listes furent établies avec noms, prénoms, numéros matricules et numéros de chambres. Les choses se révélèrent plus compliquées qu''il n''y paraît : toute une population flottante errait d''une chambre à l''autre, se regroupant par affinités, se trompant d''étage, déménageant suivant l''humeur du moment. Un innocent avait installé son lit sur le palier ne supportant pas, disait-il, la tabagie qui empestait sa carrée : un képi bleu indigné lui fit réintégrer fissa son logement.
    Pour l''appel du soir, l''encadrement eut une idée de génie: chambrée par chambrée, le responsable appelait les gus, contrôlait les numéros matricules sur sa liste puis, par paquets de 12, les refilait à un collègue qui les emmenait au réfectoire. La garde prétorienne veillait à ce qu''aucun intrus ne vienne se mêler subrepticement au cheptel déjà trié.
    Plusieurs patrouilles allèrent balayer les locaux en notant l''identité des gardiens de chambrée. Elles ramenèrent ensuite une poignée d''égarés qui se baladaient dans les couloirs sans motif valable et les ajoutèrent à la cohorte de gens qui ne figuraient sur aucune liste. Ca commençait à se décanter...On expulsa deux individus manifestement trop âgés pour être des conscrits, deux clochards qui en avaient profité pour faire ripaille et une petite sieste digestive tout l''après-midi.
    Vers le soir, l''extinction des feux sonnée, chacun regagna sa paillasse et tout bruit cessa.
    Petit Louis commençait à s''endormir quand une vague rumeur rythmée lui fit dresser l''oreille: on se serait cru aux environs d''un stade lorsque le vent, par bouffées, vous apporte de loin les clameurs de la foule.
    Dans le lit du dessous Lemeur s''agita.
    " Qu''est ce que c''est encore que ce cirque ?"
    " On va voir ?" proposa Petit Louis.
    " D''ac. Mais au moindre pet, on rentre."
    Les autres n''avaient pas bougé. Deux ombres se faufilèrent au dehors.
    Du couloir c''était plus net. On percevait les Oh.. et les Ah... d''une bande de braillards qui de toute évidence assistaient à un spectacle quelconque. Ca venait des étages inférieurs de la caserne.
    Se guidant au son Lemeur et Petit Louis descendirent deux volées d''escalier, suivirent le couloir et s''arrêtèrent devant une porte close. C''était là...
    La pièce où ils entrèrent était nettement plus grande que leur chambrée, de la place pour vingt hommes au moins. Sur les châlits qui avaient été repoussés contre les murs et entassés sur quatre étages se pressaient une bonne centaine de croquants. Les paillasses mises en carré au milieu de la salle tenaient lieu de ring sur lequel s''affrontaient deux balèses en calbar. Les soigneurs et les arbitres encadraient le combat de catch et l''assistance ponctuait chaque prise de hurlements d''encouragement. Une fumée épaisse estompait les contours et la puissante odeur de pieds mal lavés, de sueur et de caporal ordinaire fit tousser Petit Louis qui s''arrêta sur le seuil, médusé...
    " La porte.." beugla l''arbitre.
    " Eh beh dis donc !" fit Lemeur " on aura tout vu ."
    Faute de place, nos deux compères durent se racagnarder le long du mur; un coup de cloche marqua la fin du round et les lutteurs regagnèrent leurs coins respectifs.
    Des boutheons de pinard circulaient à la ronde, chacun puisait avec son quart et passait au voisin: l''organisateur devait avoir des accointances aux cuisines.
    On devait en être au deuxième round du troisième combat quand la porte se rouvrit violemment et une silhouette surmontée d''un képi apparut menaçante. Un silence pesant figea combattants et spectateurs.
    Derrière l''adjudant une demi-douzaine de PM en casques blancs se tenaient prêts à intervenir, la couleur de la trogne du gradé suffit amplement: chacun regagna sa carrée et la nuit tomba sur le premier jour.
    A 7 heures du matin une sonnerie de clairon fit jaillir des toiles les onze têtes hirsutes.
    " C''est le réveil, les gars" fit l''héritier du poilu de Verdun. " mon vieux chaque matin..."
    " Ecrase, mon pote" coupa le chef de chambrée " dis-nous plutôt ce qui vient après."
    " Beh! normalement quelqu''un doit aller chercher le jus..."
    " Pas moi ce coup-ci !" Zabrinsky prenait les devants.
    " Tu viens ? " demanda Petit Louis à Lemeur " On aura peut être du rab."
    Ils revinrent peu après avec un bidon de café et un sac de biscuits. Le biscuit de soldat présente certaines analogies avec le biscuit de chien. Toutefois les mandibules du troufion n''ont pas la résistance de celles du clébard, alors on fait trempette dans le café; mais attention! pas assez trempé et on risque une molaire; un moment d''inattention et un morceau se détache et transforme le contenu du quart en colle à papier peint. C''est toute une technique.
    Le petit déjeuner englouti, les plus courageux firent des ablutions sommaires à l''eau froide dans les espèces d''abreuvoirs à bétail qui se trouvaient au fond du couloir.
    " Venez voir ce qui arrive..." Tout le monde se mit aux fenêtres du couloir qui donnaient sur la cour.
    Des camions se trouvaient alignés le long du bâtiments et des hommes de corvée en sortaient de gros paquets enveloppés de toile verte. Peu à peu des tas se formaient sur de bâches étendues sur le sol: ici des blousons, un peu plus loin des pantalons, à l''extrémité un petit monceau noir et une montagne de godasses.
    " Vise un peu la salade de grolles..."
    Déjà les locataires du rez-de-chaussée se retrouvaient alignés dans la cour et, encadrés par les gradés, passaient un par un devant les amoncellements de frusques pour recevoir chacun un blouson, un pantalon, un ceinturon, une chemise et un béret. Ensuite ils allaient à la pêche dans le tas de godillots pour essayer de trouver leur pointure.
    En fin de matinée la distribution était terminée et les conscrits se mirent à sentir le moisi.
    " Vous savez d''où elles viennent ces fringues ? c''est les rebuts de la guerre 39/40, le chleuhs n''en ont même pas voulu pour saper les prisonniers russes."
    Il semblait n''y avoir que deux tailles: trop grand ou trop petit. Restait à faire les échanges...Finalement chacun se retrouva avec sur le râble une chemise de laine, un blouson, un pantalon, aux pieds des godillots à clous qui faisaient un vacarme infernal sur le carrelage et sur la tête un béret noir. Là les styles personnels s''affirmaient. Les uns avaient le chef couronné d''une sorte de calotte yiddish, d''autres disparaissaient sous une galette informe qui leur pendait sur les oreilles, les plus avertis arboraient le genre chasseur alpin, la coiffure en diagonale.
    Quand l''adjudant reparut il resta un instant baba sur le seuil devant cet arc-en-ciel de kaki; les teintes allaient du verdâtre délavé au brun vigoureux , des poignets velus dépassaient de blousons étriqués, les mains des autres se perdaient dans des manches interminables, Zabrinsky exhibait dix bons centimètres de mollet blafard entre le bas de son pantalon et le haut des ses godasses dans lesquelles les chaussettes avaient disparu, aspirées. Ce dernier détail ren*** la parole à l''adjudant:
    " Vous, là, où sont vos chaussettes ?"
    " Elles descendent tout le temps" gémit le ch?Ttimi, "chaque fois que je marche ça se ramauille."
    Les plus mal lotis durent redescendre dans la cour pour un nouveau choix. On assura les conscrits que le carnaval n''était que provisoire, chacun recevrait un uniforme décent un fois dans son unité d''affectation.
    Une rumeur se mit tout à coup à circuler: comme c''était dimanche, les catholiques avaient l''autorisation de se rendre sous bonne escorte, à la cathédrale pour la grand-messe. Un foule d''incroyants se convertit sur le champ profitant de cette distraction inattendue. Les réfractaires s''en mordirent les doigts car l?Tencadrement profita de l''accalmie pour organiser une rafle et distribuer les corvées.
    L''après-midi, pour la première fois dans l''histoire de l''armée française, les appelés furent conduits dans des sortes de salles de classe garnies de tables et de bancs afin d''y subir des tests psychotechniques qui permettraient de déceler leurs aptitudes et ainsi de les répartir au mieux dans les différentes armes. Des feuilles imprimées comportaient en première page une série d''ad***ions, de soustractions et d''autres opérations arithmétiques simples.
    Puis ça se corsait avec deux pages d''équations algébriques puis deux intégrales pour les forts en math. Plus loin il fallait compléter des séries de chiffres ou de figures. Petit Louis reconnut une page entière des tests utilisés par le docteur Corman à Clermont-Ferrand. Il avait servi de cobaye pour en faire l''étalonnage et les connaissait par coeur, cela simplifiait la besogne. On offrait aussi aux conscrits la possibilité de proposer l''unité de leur choix pour la durée de leur service.
    Les feuilles de test une fois remplies furent ramassées, triées, collationnées et personne n''en enten*** plus jamais parler. Petit Louis avait demandé les FTA (unités de défense antiaérienne) en France, il fut donc affecté à une unité de transport en Allemagne.
  3. marceltran

    marceltran Thành viên mới

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    Chapỉte 2
    VILLINGEN MAI 1946

    Les trois compagnies du Groupe Transport 503 furent logées dans une immense caserne à Villingen. Les Hitlerjungen auxquels elles succédèrent jouissaient d''un confort bien supérieur à celui que pouvait offrir les bâtiments de Laon, dont les installations sanitaires remontaient à Vauban et n''avaient guère été modifiées depuis.
    Les deux premières compagnies, les appelés, devaient être dotées de camions de divers types. La troisième quant à elle, réunissait divers éléments de Tabors marocains et s''occupait des brêles, ou si l''on préfère, des mulets. Les horribles bêtes avaient rendu d''immenses services durant la campagne d''Italie, particulièrement au Mont Cassino où elles avaient hissé des 75 de montagne sur les pitons qui surplombaient le monastère. Elles n''étaient plus utilisées mais les rayer des effectifs semblait présenter des difficultés insurmontables aux gratte-papier.
    Seuls les muletiers pouvaient approcher sans trop de risques ces animaux teigneux dont l''éducation à grand renfort de coups de trique avait aigri le caractère. Les recrues en avaient une peur bleue.
    Les Tabors formaient un clan redoutable, personne ne s''y frottait, pas même l''adjudant de compagnie qui n''inspectait leurs gourbis que sur invitation. L''écurie des mulets ressemblait à un souk: on y trouvait de tout, cigarettes, chocolat, rations K, tapis, uniformes divers, armes de contrebande, pièces détachées pour véhicules de toute marque, vélos, essence. Il était possible d''y acheter, d''y vendre ou d''y échanger à peu près n''importe quoi.
    Les classes commencèrent, marche au pas dans la cour, maniement d''arme, corvées de pluches, appels, tours de garde. Lemeur et Petit Louis avaient été par chance affectés à la même section mais ce n''était pas très désopilant.
    Lemeur arriva un soir tout excité.
    " J''ai entendu dire qu''on recrute des chauffeurs pour les camions. Tu sais conduire ? "
    " Non ! " fit Petit Louis qui n''avait jamais touché un volant." Et toi ?"
    " Moi non plus, mais qu''est-ce que ça peut foutre ? "
    " D''accord, au moins comme ça on n''aura pas de mauvaises habitudes, on pourra toujours dire qu''on ne connaît pas les GMC, il n''y en a pas dans le civil."
    De fait, partant de zéro, les deux compères et quelques autres n''eurent pas trop de mal à assimiler le double débrayage et l''emploi assez particulier de la boîte de vitesse du GMC: la première se trouve en bas à droite en face de la marche arrière, la deuxième tout à fait en haut à gauche, la troisième en face, la quatrième à côté de la troisième. Quant à la surmultipliée, elle s''engage d''un bon coup de poignet sans trop se préoccuper des hurlements d''engrenages malmenés. Pas de synchro nulle part. Le réducteur et le levier du pont avant offrent des casse-tête supplémentaires. Attention à ne pas les confondre avec la commande de treuil, sans quoi on risque de démolir tout le fourbi.
    Les embrayages du type extra-dur offraient aux néophytes des démarrages façon kangourou qui provoquaient les vitupérations des instructeurs. Des malchanceux tombèrent sur les deux Bedford anglais encore en état de rouler. Comme le gros moteur occupait presque toute la cabine, rejetant le chauffeur à l''extrême droite, les petits génies britanniques qui avaient conçu cet engin bâtard, voyant que le conducteur n''avait pas la place pour insérer ses deux croqueneaux au même niveau, avaient décalé les pédales: l''embrayage en haut à gauche, le frein à droite et l''accélérateur en bas au milieu. L''infortuné qui apprend à conduire avec un tel système bousille ses réflexes pour la vie. Heureusement que les deux monstres se ratatinèrent en quelques leçons de conduite.

    Huit jours plus tard Petit Louis avait son permis militaire ''poids lourd''. Il suffisait pour être admis d''avoir des rudiments du code de la route, de faire le tour de la cour sans trop faire grincer la boîte de vitesses et de se ranger en marche arrière entre deux rangée de fûts vides en évitant de les renverser.
    Dès le lendemain, lors du rassemblement, huit des nouveaux promus reçurent l''ordre de se mettre au volant d''autant de camions. Petit Louis s''aperçut alors avec horreur, qu''au lieu des braves GMC auxquels il commençait à s''habituer, le convoi était composé de Renault 3T5 à cabine avancée, un engin qu''il n''avait jamais vu, pas même en photo.
    Complètement paumé, il ouvrit la portière grimpa les deux marches et s''assit, puis il avança le siège au maximum afin de pouvoir atteindre les pédales. Dans cette position le grand volant presque horizontal lui touchait le sternum. Il jeta un coup d''oeil sur le tableau de bord. Bon! tout était marqué en grosses lettres. Puis il chercha le levier de vitesse , le gros moteur sous capot occupait une bonne partie de la cabine. Pas de levier...
    Il finit par le repérer tout à l''arrière du moteur, en bout de boîte. En se glissant un peu de côté et en se tordant le bras vers l''arrière il y arrivait tout juste. Il était en train de bouger son siège en cherchant un compromis acceptable quand la portière de droite s''ouvrit et un margis grimpa de l''autre côté, c''était le chef de convoi.
    " Allez-y, on prend la tête.."
    " C''est bien ma veine " se *** Petit Louis " Pourvu que j''arrive à sortir de la cour sans taper un mur."
    Heureusement c''était tout droit. Sorti de la caserne, Petit Louis tourna à gauche et enfila la rue qui conduisait vers l''extérieur de la ville. Prudemment il passa la deuxième puis la troisième. Le margis regarda derrière lui.
    " Ca suit...mettez la gomme, on n''a pas toute la vie, on doit être à Strasbourg avant ce soir."
    Petit Louis accéléra, passa la quatrième et le camion commença à se dandiner, occupant toute la route.
    " Nom de Dieu qu''est-ce que vous foutez ? " hurla le passager qui virait au vert, "vous ne savez pas conduire ?"
    " Pas très bien" répon*** Petit Louis qui commençait à sentir un peu mieux les réactions de la bête et s''amusait comme un petit fou "j''ai passé mon permis hier et c''est la première fois que je sors de la cour. Ne vous en faites pas, j''apprends vite.."
    L''autre atterré se tut et se cramponna de plus belle.
    Et ma foi, cela ne se passa pas trop mal, malgré la route défoncée, les cols vertigineux du côté de Triberg et les encombrements sur le pont provisoire d''Offenburg. Le convoi arriva fort en retard mais intact. Au retour, le margis resta même avec Petit Louis au lieu de se réfugier dans un autre véhicule, c''est beau la confiance !
    Puis on eut besoin d''estafettes motocyclistes. Petit Louis reprit les cours de conduite au guidon d''une Royal Enfield 500. C''était nettement plus gai. Il passa son permis moto et cassa la Royal Enfield. Après quoi il fut envoyé au cours de perfectionnement moto à Achern près de Baden Baden où il apprit à piloter des Harleys et à les démolir en faisant du tout-terrain. Après une semaine de cours et deux Harleys, on lui en confia une troisième pour faire du porte à porte à Karlsruhe. Il servait de facteur à l?TEtat-major en somme.
    Un beau matin, porteur d''un pli urgent il gara sa moto derrière un semi-remorque sur lequel était juché un énorme bulldozer D7. Le pli délivré, il s''aperçut que sa moto avait disparu. Comme ces engins ne possédaient pas de clé de contact, ils étaient à la merci du premier olibrius un peu entreprenant.
    " Ca y est" se *** Petit Louis " on a fauché ma moto, qu''est-ce que je vais encore me faire passer! "
    Il s''apprêtait à rentrer à pied quand il aperçut un morceau de ferraille qui dépassait des roues du semi. L''autre andouille avait reculé sans faire attention et les vingt cinq tonnes du bulldozer avaient enfoncé la moto dans la route.
    " C''est pas vrai ! " s''exclama le chef de garage lorsque le palan souleva la carcasse repliée et incrustée de silex " une moto bousillée comme çà, j''avais jamais vu ! "
    Petit Louis dut continuer sa coûteuse initiation avec une Indian 750, un tapecul monstrueux, ressemblant à une Harley mais en plus laid et avec des freins de vélo. Parcourant la campagne germanique il se trouva un jour en présence d''un troupeau de vaches qui traversait la route; pas le temps de s''arrêter. En un clin d''oeil, Petit Louis entrevit la seule manoeuvre possible:
    "Je vire, je penche, je passe sous la vache et je redresse au moteur !"
    En fait la moto passa mais pas lui, il se paya le bestiau les bras en croix tandis que l''Indian glissait dans le fossé. Celle là, jamais Petit Louis ne la raconta à personne.
    La Triumph 500 qu''on lui confia imprudemment de retour à Villingen dura nettement moins longtemps. Afin de la prendre en main, Petit Louis avait entrepris des exercices de conduite en tournant dans la cour du quartier.
    Le premier tour prudent: première, deuxième...le second tour il passa la troisième. Comme tout allait au poil, il s''enhar*** à passer la quatrième et enfila pleins pots la ligne droite devant les bâtiments principaux. C''est alors qu''avec horreur, il aperçut un GMC arrêté devant un des escaliers et un bande de gus qui barraient le passage. Un espace dégagé restait entre le camion et l''escalier et il s''y engagea en trombe en éparpillant les conscrits.
    Ce qu''il n''avait pas vu, c''était le TROU. La corvée avait soulevé la grille servant à gratter les godasses boueuses afin de curer la fosse. La Triumph piqua du nez et Petit Louis fila tout droit sur le ventre, le blaire à ras du tarmac. Quand il se releva, pas mal secoué, sa combinaison n''avait plus de devant et ses orteils prenaient l''air au bout des bottes. Des commentaires peu flatteurs accompagnèrent la récupération de la moto. On aurait *** une paire de besicles, avec son cadre plié et les deux roues se touchant presque. Petit Louis se retrouva en définitive dans le rang pour les corvées, le maniement d''arme, les tours de garde etc...
    Une partie du détachement, après 6 semaines d''efforts en était toujours au B, A, BA de l''instruction militaire. Pas fichus de marcher au pas, d''interpréter les commandements hurlés par les sous-offs, ou de manipuler un fusil sans le laisser tomber. Il est vrai qu''à volume maximum, les consonnes passent mal et la première fois qu''un galonné se met à beugler:
    "AAA...UUU...OOO, OITT" le conscrit situé à une cinquantaine de mètres a du mal a traduire "Arme sur l''épaule, droite!" il regarde ce que font les autres et ça nuit aux mouvements d''ensemble. Ce qu''il comprend tout de suite, par contre c''est:
    " Bande de brêles, me balayerez la cour" ou
    " Bande de brêles, corvée de chiottes " ou enfin
    "Bande de brêles, me ferez deux jours" un vocabulaire aussi concis s''assimile facilement.

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