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Citations de Marcel Proust

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi Odetta, 07/09/2001.

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  1. Odetta

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    27/08/2001
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    Citations de Marcel Proust
    Quelques centaines de citations classes extraites de La Recherche du Temps Perdu.

    INTEGRALITE DES EVOCATIONS



    1. Peut-tre l'immobilit des choses autour de nous leur est-elle impose par notre certitude que ce sont elles et non pas d'autres, par l'immobilit de notre pense en face d'elles. [S 14]

    2. L'influence anesthsique de l'habitude ayant cess, je me mettais penser, sentir, choses si tristes. [S 19]

    3. Mais mme au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout matriellement constitu, identique pour tout le monde et dont chacun n'a qu' aller prendre connaissance comme d'un cahier des charges ou d'un testament; notre personnalit sociale est une cration de la pense des autres. Mme l'acte si simple que nous appelons "voir une personne que nous connaissons" est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l'apparence physique de l'tre que nous voyons de toutes les notions que nous avons sur lui, et dans l'aspect total que nous nous reprsentons, ces notions ont certainement la plus grande part. Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhrence si exacte la ligne du nez, elles se mlent si bien de nuancer la voix comme si celle-ci n'tait qu'une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous coutons. [S 29]

    4. Cette angoisse qu'il y a sentir l'tre qu'on aime dans un lieu de plaisir ó l'on n'est pas, ó l'on ne peut pas le rejoindre, c'est l'amour qui la lui a fait connaỵtre, l'amour, auquel elle est en quelque sorte prdestine, par lequel elle sera accapare, spcialise; mais quand, comme pour moi, elle est entre en nous avant qu'il ait encore fait son apparition dans notre vie, elle flotte en l'attendant, vague et libre, sans affectation dtermine, au service un jour d'un sentiment, le lendemain d'un autre, tantơt de la tendresse filiale ou de l'amiti pour un camarade. [S 42]



    5. J'aurais d tre heureux : je ne l'tais pas. [S 51]



    6. Elle ne se rsignait jamais rien acheter dont on ne pt tirer un profit intellectuel, et surtout celui que nous procurent les belles choses en nous apprenant chercher notre plaisir ailleurs que dans les satisfactions du bien-tre ou de la vanit. [S 53]



    7. Je trouve trs raisonnable la croyance celtique que les mes de ceux que nous avons perdus sont captives dans quelque tre infrieur, dans une bte, un vgtal, une chose inanime, perdues en effet pour nous jusqu'au jour, qui pour beaucoup ne vient jamais, ó nous nous trouvons passer prs de l'arbre, entrer en possession de l'objet qui est leur prison. Alors elles tressaillent, nous appellent, et sitơt que nous les avons reconnues l'enchantement est bris. Dlivres par nous, elles ont vaincu la mort et reviennent vivre avec nous. [S 58]



    8. Ce n'est pas un autre homme intelligent qu'un homme intelligent aura peur de paraỵtre bte. [S 227]



    9. Swann, lui, ne cherchait pas trouver jolies les femmes avec qui il passait son temps, mais passer son temps avec les femmes qu'il avait d'abord trouves jolies. [S 228]



    10. Autrefois on rvait de possder le cour de la femme dont on tait amoureux; plus tard, sentir qu'on possde le cour d'une femme peut suffire vous en rendre amoureux. [S 233]



    11. Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la ralisation l'impatience d'un plaisir immdiat. [S 321]



    12. On ne connaỵt pas son bonheur. On n'est jamais aussi malheureux qu'on croit. [S 410]



    13. Plus tard, il arrive que, devenus habiles dans la culture de nos plaisirs, nous nous contentions de celui que nous avons penser une femme comme je pensais Gilberte, sans tre inquiets de savoir si cette image correspond la ralit, et aussi de l'aimer sans avoir besoin d'tre certains qu'elle nous aime; ou encore que nous renoncions au plaisir de lui avouer notre inclination pour elle, afin d'entretenir plus vivace l'inclination qu'elle a pour nous, imitant ces jardiniers japonais qui, pour obtenir une plus belle fleur, en sacrifient plusieurs autres. [S 465]



    14. Le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant. [S 495]



    15. Car les modes changent, tant nes elles-mmes du besoin de changement. [JF 12]



    16. Sans doute peu de personnes comprennent le caractre purement subjectif du phnomne qu'est l'amour, et la sorte de cration que c'est d'une personne supplmentaire, distincte de celle qui porte le mme nom dans le monde, et dont la plupart des lments sont tirs de nous-mmes. [JF 53]



    17. Qu'on se dise si, dans la vie en commun que mnent les ides au sein de notre esprit, il est une seule de celles qui nous rendent le plus heureux qui n'ait t d'abord, en vritable parasite, demander une ide trangre et voisine le meilleur de la force qui lui manquait. [JF 69]



    18. Thoriquement on sait que la terre tourne, mais en fait on ne s'en aperoit pas, le sol sur lequel on marche semble ne pas bouger et on vit tranquille. Il en est ainsi du Temps dans la vie. [JF 70]



    19. La tristesse des hommes qui ont vieilli c'est de ne pas mme songer crire de telles lettres dont ils ont appris l'inefficacit. [JF 77]



    20. Nos dsirs vont s'interfrant et, dans la confusion de l'existence, il est rare qu'un bonheur vienne justement se poser sur le dsir qui l'avait rclam. [JF 78]



    21. La manire chercheuse, anxieuse, exigeante, que nous avons de regarder la personne que nous aimons rend notre attention en face de l'tre aim trop tremblante pour qu'elle puisse obtenir de lui une image bien nette. [JF 79]



    22. La gnrosit n'est souvent que l'aspect intrieur que prennent nos sentiments gọstes quand nous ne les avons pas encore nomms et classs. [JF 81]



    23. La vie est seme de ces miracles que peuvent toujours esprer les personnes qui aiment. [JF 92]



    24. Or, le mme mystre qui drobe souvent aux yeux la cause des catastrophes, quand il s'agit de l'amour, entoure tout aussi frquemment la soudainet de certaines solutions heureuses. Solutions heureuses ou du moins qui paraissent l'tre, car il n'y en a gure qui le soient rellement quand il s'agit d'un sentiment d'une telle sorte que toute satisfaction qu'on lui donne ne fait gnralement que dplacer la douleur. Parfois pourtant une trve est accorde et l'on a pendant quelque temps l'illusion d'tre guri. [JF 93]



    25. Sombre comme l'intrieur d'un temple asiatique peint par Rembrandt. [JF 99]



    26. Avec l'amour avait disparu le dsir de montrer qu'il n'avait plus d'amour. [JF 121]



    27. Je l'aimais et ne pouvais par consquent la voir sans ce trouble, sans ce dsir de quelque chose de plus qui ơte, auprs de l'tre qu'on aime, la sensation d'aimer. [JF 126]



    28. Les beauts qu'on dcouvre le plus tơt sont aussi celles dont on se fatigue le plus vite. [JF 128]



    29. Chacun appelant ides claires celles qui sont au mme degr de confusion que les siennes propres. [JF 153]



    30. Savoir qu'on n'a plus rien esprer n'empche pas de continuer attendre. [JF 200]



    31. Mais le bonheur ne peut jamais avoir lieu. Si les circonstances arrivent tre surmontes, la nature transporte la lutte du dehors au dedans et fait peu peu changer assez notre cour pour qu'il dsire autre chose que ce qu'il va possder. Et si la priptie a t si rapide que notre cour n'a pas eu le temps de changer, la nature ne dsespre pas pour cela de nous vaincre, d'une manire plus tardive il est vrai, plus subtile, mais aussi efficace. C'est alors la dernire seconde que la possession du bonheur nous est enleve, ou plutơt c'est cette possession mme que par ruse diabolique la nature charge de dtruire le bonheur. Ayant chou dans tout ce qui tait du domaine des faits et de la vie, c'est une impossibilit dernire, l'impossibilit psychologique du bonheur, que la nature cre. Le phnomne du bonheur ne se produit pas ou donne lieu aux ractions les plus amres. [JF 240]



    32. La dure moyenne de la vie est beaucoup plus grande pour les souvenirs des sensations potiques que pour ceux des souffrances du cour. [JF 259]



    33. Ne pas la comprendre n'a jamais fait trouver une plaisanterie moins drơle. [JF 183]



    34. Ce fut vers cette poque que Bloch bouleversa ma conception du monde, ouvrit pour moi des possibilits nouvelles de bonheur (qui devaient du reste se changer plus tard en possibilits de souffrance), en m'assurant que, contrairement ce que je croyais au temps de mes promenades du cơt de Msglise, les femmes ne demandaient jamais mieux que de faire l'amour. [JF 181]



    35. Le bonheur, la possession de la beaut, ne sont pas des choses inaccessibles et nous avons fait ouvre inutile en y renonant jamais. [JF 182]



    36. Pour tous les lments qui dans la vie et ses situations contrastes se rapportent l'amour, le mieux est de ne pas essayer de comprendre, puisque, dans ce qu'ils ont d'inexorable comme d'inespr, ils semblent rgis par des lois plutơt magiques que rationnelles. [JF 92]



    37. La dtermination dans notre imagination des traits d'un bonheur tient plutơt l'identit des dsirs qu'il nous inspire qu' la prcision des renseignements que nous avons sur lui. [JF 269]



    38. Je ressentis devant elle ce dsir de vivre qui renaỵt en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beaut et du bonheur. [JF 279]



    39. Or les souvenirs d'amour ne font pas exception aux lois gnrales de la mmoire, elles-mmes rgies par les lois plus gnrales de l'habitude. Comme celle-ci affaiblit tout, ce qui nous rappelle le mieux un tre, c'est justement ce que nous avons oubli (parce que c'tait insignifiant, et que nous lui avons ainsi laiss toute sa force). C'est pourquoi la meilleure part de notre mmoire est hors de nous, dans un souffle pluvieux, dans l'odeur de renferm d'une chambre ou dans l'odeur d'une premire flambe, partout ó nous retrouvons de nous--mmes ce que notre intelligence, n'en ayant pas l'emploi, avait ddaign, la dernire rserve du pass, la meilleure, celle qui, quand toutes nos larmes semblent taries, sait nous faire pleurer encore. [JF 264]



    40. Il n'y a rien comme le dsir pour empcher les choses qu'on *** d'avoir aucune ressemblance avec ce qu'on a dans la pense. Le temps presse, et pourtant il semble qu'on veuille gagner du temps en parlant de sujets absolument trangers celui qui nous proccupe. On cause alors que la phrase qu'on voudrait prononcer serait dj accompagne d'un geste, supposer mme que, (pour se donner le plaisir de l'immdiat et assouvir la curiosit qu'on prouve l'gard des ractions qu'il amnera) sans mot dire, sans demander aucune permission, on n'ait pas fait ce geste. [GII 62]



    41. Chaque tre est dtruit quand nous cessons de le voir; puis son apparition suivante est une cration nouvelle, diffrente de celle qui l'a immdiatement prcde, sinon de toutes. [JF 588]



    42. On peut avoir du gỏt pour une personne. Mais pour dchaỵner cette tristesse, ce sentiment de l'irrparable, ces angoisses qui prparent l'amour, il faut - et il est peut-tre ainsi, plutơt que ne l'est une personne, l'objet mme que cherche anxieusement treindre la passion - le risque d'une impossibilit. [JF 488]



    43. L'amour devient immense, nous ne songeons pas combien la femme relle y tient peu de place. [JF 519]



    44. Ce qu'on prend en prsence de l'tre aim n'est qu'un clich ngatif, on le dveloppe plus tard, une fois chez soi, quand on a retrouv sa disposition cette chambre noire intrieure dont l'entre est condamne tant qu'on voit du monde. [JF 535]



    45. Comme l'avenir est ce qui n'existe encore que dans notre pense, il nous semble encore modifiable par l'intervention in extremis de notre volont. [AD 9]



    46. 243. La douleur est un aussi puissant modificateur de la ralit qu'est l'ivresse. [AD 142]



    47. Et c'tait bien en effet toutes les inquitudes prouves depuis mon enfance qui, l'appel de l'angoisse nouvelle, avaient accouru la renforcer, s'amalgamer elle en une masse homogne qui m'touffait. Certes, ce coup physique au cour que donne une telle sparation et qui, par cette terrible puissance d'enregistrement qu'a le corps, fait de la douleur quelque chose de contemporain toutes les poques de notre vie ó nous avons souffert, - certes, ce coup au cour sur lequel spcule peut-tre un peu (tant on se soucie peu de la douleur des autres) celle qui dsire donner au regret son maximum d'intensit, soit que la femme n'esquissant qu'un faux dpart veuille seulement demander des con***ions meilleures, soit que, partant pour toujours - pour toujours! - elle dsire frapper, ou pour se venger, ou pour continuer d'tre aime, ou (dans l'intrt de la qualit du souvenir qu'elle laissera) pour briser violemment ce rseau de lassitudes, d'indiffrences, qu'elle avait senti se tisser, - certes, ce coup au cour, on s'tait bien promis de l'viter, on s'tait *** qu'on se quitterait bien. Mais il est infiniment rare qu'on se quitte bien, car si on tait bien on ne se quitterait pas. [AD 15]



    48. Quand on se voit au bord de l'abỵme et qu'il semble que Dieu vous ait abandonn, on n'hsite plus attendre de lui un miracle. [AD 28]



    49. Il y a des moments de la vie ó une sorte de beaut naỵt de la multiplicit des ennuis qui nous assaillent. [AD 40]



    50. Je sentais que la recherche du bonheur dans la satisfaction du dsir moral tait aussi nạve que l'entreprise d'atteindre l'horizon en marchant devant soi. Plus le dsir avance, plus la possession vritable s'loigne. De sorte que si le bonheur, ou du moins l'absence de souffrances, peut tre trouv, ce n'est pas la satisfaction, mais la rduction progressive, l'extinction finale du dsir qu'il faut chercher. On cherche voir ce qu'on aime, on devrait chercher ne pas le voir, l'oubli seul finit par amener l'extinction du dsir. [AD 49]



    51. Les liens entre un tre et nous n'existent que dans notre pense. La mmoire en s'affaiblissant les relche, et, malgr l'illusion dont nous voudrions tre dupes et dont, par amour, par amiti, par politesse, par respect humain, par devoir, nous dupons les autres, nous existons seuls. L'homme est l'tre qui ne peut sortir de soi, qui ne connaỵt les autres qu'en soi, et, en disant le contraire, ment. [AD 50]



    52. Il tait bien, me disais-je, qu'en me demandant sans cesse ce qu'elle pouvait faire, penser, vouloir chaque instant, si elle comptait, si elle allait revenir, je tinsse ouverte cette porte de communication que l'amour avait pratique en moi, et sentisse la vie d'une autre submerger, par des cluses ouvertes, le rservoir qui n'aurait pas voulu redevenir stagnant. [AD 50]



    53. Je savais qu'on ne peut lire un roman sans donner l'hrọne les traits de celle qu'on aime. Mais la fin du livre a beau tre heureuse, notre amour n'a pas fait un pas de plus et, quand nous l'avons ferm, celle que nous aimons et qui est enfin venue nous dans le roman, ne nous aime pas davantage dans la vie. [AD 52]



    54. Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. [AD 35]



    55. La force qui fait le plus de fois le tour de la terre en une seconde, ce n'est pas l'lectricit, c'est la douleur. [AD 79]



    56. Ces mots avaient marqu dans mon cour comme sur une carte la place ó il fallait enfin souffrir. [AD 79]



    57. Une femme est d'une plus grande utilit pour notre vie si elle y est, au lieu d'un lment de bonheur, un instrument de chagrin. [AD 112]



    58. Le mensonge ne recommence nous causer l'indignation, et la bont la reconnaissance qu'ils devraient toujours exciter en nous, que s'ils viennent d'une femme que nous aimons, et le dsir physique a ce merveilleux pouvoir de rendre son prix l'intelligence et des bases solides la vie morale. [AD 113]



    59. Le regret est un amplificateur du dsir. [AD 123]



    60. Car bien souvent, pour que nous dcouvrions que nous sommes amoureux, peut-tre mme pour que nous le devenions, il faut qu'arrive le jour de la sparation. [AD 126]



    61. A quoi bon ces malheurs inutiles? Mais je voyais maintenant que nous ne sommes pas libres de ne pas nous les forger, et que nous avons beau connaỵtre notre volont, les autres tres ne lui obissent pas. [AD 127]



    62. Mais alors je songeais : je tenais Albertine plus qu' moi-mme; je ne tiens plus elle maintenant parce que pendant un certain temps j'ai cess de la voir. Mon dsir de ne pas tre spar de moi-mme par la mort, de ressusciter aprs la mort, ce dsir-l n'tait pas comme le dsir de ne jamais tre spar d'Albertine, il durait toujours. Mais cela tenait-il ce que je me croyais plus prcieux qu'elle, ce que, quand je l'aimais, je m'aimais davantage? Non, cela tenait ce que, cessant de la voir, j'avais cess de l'aimer, et que je n'avais pas cess de m'aimer parce que mes liens avec moi-mme n'avaient pas t rompus comme l'avaient t ceux avec Albertine. Mais si ceux avec mon corps, avec moi-mme, l'taient aussi. ? Certes il en serait de mme. Notre amour de la vie n'est qu'une vieille liaison dont nous ne savons pas nous dbarrasser. Sa force est dans sa permanence. Mais la mort qui la rompt nous gurira du dsir de l'immortalit. [AD 315]



    63. Car l'optimisme est la philosophie du pass. Les vnements qui ont eu lieu tant, entre tous ceux qui taient possibles, les seuls que nous connaissions, le mal qu'ils nous ont caus nous semble invitable, et le peu de bien qu'ils n'ont pas pu ne pas amener avec eux, c'est eux que nous en faisons honneur, et nous nous imaginons que sans eux il ne se ft pas produit. [AD 336]



    64. Si cette femme a affaire, mme sans s'en apercevoir, un sentimental, mais surtout si elle s'en aperoit, un jeu terrible commence. Incapable de surmonter sa dception, de se passer de cette femme, il la relance, elle le fuit, si bien qu'un sourire qu'il n'osait plus esprer est pay mille fois ce qu'eussent d l'tre les dernires faveurs. Il arrive mme parfois dans ce cas, quand on a eu, par un mlange de nạvet dans le jugement et de lchet devant la souffrance, la folie de faire d'une fille une inaccessible idole, que ces dernires faveurs, ou mme le premier baiser, on ne l'obtiendra jamais, on n'ose mme plus le demander pour ne pas dmentir des assurances de platonique amour. Et c'est une grande souffrance alors de quitter la vie sans avoir jamais su ce que pouvait tre le baiser de la femme qu'on a le plus aime. [GI 193]



    65. J'avais appris qu'il n'tait pas possible de la toucher, de l'embrasser, qu'on pouvait seulement causer avec elle, que pour moi elle n'tait pas une femme plus que des raisins de jade, dcoration incomestible des tables d'autrefois, ne sont des raisins. [GII 72]



    66. L'exprience aurait d m'apprendre - si elle apprenait jamais rien - qu'aimer est un mauvais sort comme ceux qu'il y a dans les contes, contre quoi on ne peut rien jusqu' ce que l'enchantement ait cess. [TR 26]



    67. Gilberte tait comme ces pays avec qui on n'ose pas faire d'alliance parce qu'ils changent trop souvent de gouvernement. [TR 9]



    68. La vie nous doit tellement que nous finissons par croire que la littrature n'a aucun rapport avec elle et nous sommes stupfaits de voir que les prcieuses ides que les livres nous ont montres s'talent, sans peur de s'abỵmer, gratuitement, naturellement, en pleine vie quotidienne. [TR 112]



    69. C'est toujours l'attachement l'objet qui amne la mort du possesseur. [TR 149]



    70. Les relations avec une femme qu'on aime peuvent rester platoniques pour une autre raison que la vertu de la femme ou que la nature peu sensuelle de l'amour qu'elle inspire. Cette raison peut tre que l'amoureux, trop impatient par l'excs mme de son amour, ne sait pas attendre avec une feinte suffisante d'indiffrence le moment ó il obtiendra ce qu'il dsire. Tout le temps il revient la charge, il ne cesse d'crire celle qu'il aime, il cherche tout le temps la voir, elle le lui refuse, il est dsespr. Ds lors elle a compris que si elle lui accorde sa compagnie, son amiti, ces biens paraỵtront dj tellement considrables celui qui a cru en tre priv, qu'elle peut se dispenser de donner davantage, et profiter d'un moment ó il ne peut plus supporter de ne pas la voir, ó il veut tout prix terminer la guerre, en lui imposant une paix qui aura pour premire con***ion le platonisme des relations. D'ailleurs, pendant tout le temps qui a prcd ce trait, l'amoureux tout le temps anxieux, sans cesse l'afft d'une lettre, d'un regard, a cess de penser la possession physique dont le dsir l'avait tourment d'abord, mais qui s'est us dans l'attente et a fait place des besoins d'un autre ordre, plus douloureux d'ailleurs s'ils ne sont pas satisfaits. Alors le plaisir qu'on avait le premier jour espr des caresses, on le reoit plus tard, tout dnatur, sous la forme de paroles amicales, de promesses de prsence qui, aprs les effets de l'incertitude, quelquefois simplement aprs un regard embrum de tous les brouillards de la froideur et qui recule si loin la personne qu'on croit qu'on ne la reverra jamais, amnent de dlicieuses dtentes. [TR 163]



    71. Il est faux de croire que l'chelle des craintes correspond celle des dangers qui les inspirent. On peut avoir peur de ne pas dormir et nullement d'un duel srieux, d'un rat et pas d'un lion. [TR 182]



    72. L'obscurit qui baigne toute chose comme un lment nouveau a pour effet, irrsistiblement tentateur pour certaines personnes, de supprimer le premier stade du plaisir et de nous faire entrer de plain-pied dans un domaine de caresses ó l'on accde d'habitude qu'aprs quelque temps. [TR 182]



    73. Mais puisque je savais maintenant que je ne pouvais rien atteindre de plus que des plaisirs frivoles, quoi bon me les refuser? [TR 221]



    74. Les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus [TR 227]



    75. Une ouvre ó il y a des thories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix. [TR 241]



    76. Nous sommes obligs de revivre notre souffrance particulire avec le courage du mdecin qui recommence sur lui-mme la dangereuse piqre. [TR 269]



    77. Car le bonheur seul est salutaire pour le corps, mais c'est le chagrin qui dveloppe les forces de l'esprit. [TR 270]



    78. En amour, notre rival heureux, autant dire notre ennemi, est notre bienfaiteur. A un tre qui n'excitait en nous qu'un insignifiant dsir physique il ajoute aussitơt une valeur immense, trangre, mais que nous confondons avec lui. Si nous n'avions pas de rivaux, le plaisir ne se transformerait pas en amour. [TR 270]



    79. Quant au bonheur, il n'a presque qu'une seule utilit, rendre le malheur possible. [TR 272]



    80. Les annes heureuses sont les annes perdues, on attend une souffrance pour travailler. [TR 274]



    81. L'ouvrage de l'crivain n'est qu'une espce d'instrument d'optique qu'il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que, sans ce livre, il n'ẻt peut-tre pas vu en soi-mme. [TR 276]



    82. Ce qui est dangereux et procrateur de souffrances dans l'amour, ce n'est pas la femme elle-mme, c'est sa prsence de tous les jours, la curiosit de ce qu'elle fait tous moments; ce n'est pas la femme, c'est l'habitude. [TR 411]



    83. C'est parce qu'ils contiennent ainsi les heures du pass que les corps humains peuvent faire tant de mal ceux qui les aiment. [TR 441]



    84. Peut-tre chaque soir acceptons-nous le risque de vivre, en dormant, des souffrances que nous considrons comme nulles et non avenues parce qu'elle seront ressenties au cours d'un sommeil que nous croyons sans conscience. [SG 430]



    85. Il vaut mieux ne pas savoir, penser le moins possible, ne pas fournir la jalousie le moindre dtail concret. [P 26]



    86. Bien souvent, un amour n'est que l'association d'une image de jeune fille - qui sans cela nous ẻt t vite insupportable - avec les battements de coeur insparables d'une attente interminable. [P 76]



    87. Son sommeil ralisait, dans une certaine mesure, la possibilit de l'amour; seul, je pouvais penser elle, mais elle me manquait, je ne la possdais pas; prsente, je lui parlais, mais tais trop absent de moi-mme pour pouvoir penser. Quand elle dormait, je n'avais plus parler, je savais que je n'tais plus regard par elle, je n'avais plus besoin de vivre la surface de moi-mme. [P 80]



    88. Il semble que dans la vie mondaine, reflet insignifiant de ce qui se passe en amour, la meilleure manire qu'on vous recherche, c'est de se refuser. [P 445]



    89. On ne comprend rien un cours d'algbre. [P 193]



    90. A nos pieds, nos ombres parallles, puis rapproches et jointes, faisaient un dessin ravissant. [.] Et je trouvais un charme plus immatriel sans doute, mais non moins intime qu'au rapprochement, la fusion de nos corps, celle de nos ombres. [P 208]



    91. Une des jeunes filles que je connaissais se mit au piano, et Andre demanda Albertine de valser avec elle. Heureux, dans ce petit casino, de penser que j'allais rester avec ces jeunes filles, je fis remarquer Cottard comme elles dansaient bien. Mais lui, du point de vue spcial du mdecin, et avec une mauvaise ducation qui ne tenait pas compte de ce que je connaissais ces jeunes filles, qui il avait pourtant d me voir dire bonjour, me rpon*** :"Oui, mais les parents sont bien imprudents qui laissent leurs filles prendre de pareilles habitudes. Je ne permettrais certainement pas aux miennes de venir ici. Sont-elles jolies au moins? Je ne distingue pas leurs traits. Tenez, regardez, ajouta-t-il en me montrant Albertine et Andre qui valsaient lentement, serres l'une contre l'autre, j'ai oubli mon lorgnon et je ne vois pas bien, mais elles sont certainement au comble de la jouissance. On ne sait pas assez que c'est surtout par les seins que les femmes l'prouvent. Et, voyez, les leurs se touchent compltement." [SG 224]



    92. Mme au milieu d'un chagrin encore vif, le dsir physique renaỵt. [SG 210]



    93. L'tre que je serai aprs la mort n'a pas plus de raisons de se souvenir de l'homme que je suis depuis ma naissance que ce dernier ne se souvient de ce que j'ai t avant elle. [SG 436]



    94. Les plaisirs qu'on a dans le sommeil, on ne les fait pas figurer dans le compte des plaisirs prouvs au cours de l'existence. Pour ne faire allusion qu'au plus vulgairement sensuel de tous, qui de nous, au rveil, n'a ressenti quelque agacement d'avoir prouv, en dormant, un plaisir que, si l'on ne veut pas trop se fatiguer, on ne peut plus, une fois rveill, renouveler indfiniment ce jour-l? [SG 433]



    95. Il est vrai que ces sons taient si violents que, s'ils n'avaient pas t toujours repris une octave plus haut par une plainte parallle, j'aurais pu croire qu'une personne en gorgeait une autre cơt de moi et qu'ensuite le meurtrier et sa victime ressuscite prenaient un bain pour effacer les traces du crime. J'en conclus plus tard qu'il y a une chose aussi bruyante que la souffrance, c'est le plaisir. [SG 16]



    96. Toute action de l'esprit est aise si elle n'est pas soumise au rel. [SG 62]



    97. . cause de cet anachronisme qui empche si souvent le calendrier des faits de cọncider avec celui des sentiments. [SG 180]



    98. C'est sans doute l'existence de notre corps, semblable pour nous un vase ó notre spiritualit serait enclose, qui nous induit supposer que tous nos biens intrieurs, nos joies passes, toutes nos douleurs sont perptuellement en notre possession. [SG 180]



    99. L'amour le plus exclusif pour une personne est toujours l'amour d'autre chose. [JF 489]



    100. On ne reoit pas la sagesse, il faut la dcouvrir soi-mme aprs un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous pargner, car elle est un point de vue sur les choses. Les vies que vous admirez, les attitudes que vous trouvez nobles n'ont pas t disposes par le pre de famille, ou par le prcepteur, elles ont t prcdes de dbuts bien diffrents, ayant t influences par ce qui rgnait autour d'elles de mal ou de banalit. [JF 526]



    101. "Finissez ou je sonne", s'cria Albertine, voyant que je me jetais sur elle pour l'embrasser. Mais je me disais que ce n'tait pas pour ne rien faire qu'une jeune fille fait venir un jeune homme en cachette, en s'arrangeant pour que sa tante ne le sache pas, que d'ailleurs l'audace russit ceux qui savent profiter des occasions; dans l'tat d'exaltation ó j'tais, le visage rond d'Albertine, clair d'un feu intrieur comme par une veilleuse, prenait pour moi un tel relief qu'imitant la rotation d'une sphre ardente, il me semblait tourner, telles ces figures de Michel-Ange qu'emporte un immobile et vertigineux tourbillon. J'allais savoir l'odeur, le gỏt, qu'avait ce fruit rose inconnu. J'entendis un son prcipit, prolong et criard. Albertine avait sonn de toutes ses forces. [JF 607]



    102. Comme il n'est de connaissance, on peut dire qu'il n'est de jalousie que de soi-mme. L'observation compte peu. Ce n'est que du plaisir ressenti par soi-mme qu'on peut tirer savoir et douleur. [P 465]



    103. J'aurais d partir ce soir-l sans jamais la revoir. Je pressentais ds lors que, dans l'amour non partag, autant dire dans l'amour, car il est des tres pour qui il n'est pas d'amour partag, on peut gỏter du bonheur seulement ce simulacre qui m'en tait donn un de ces moments uniques dans lesquels la bont d'une femme, ou son caprice, ou le hasard, appliquent sur nos dsirs, en une cọncidence parfaite, les mmes paroles, les mmes actions, que si nous tions vraiment aims. La sagesse ẻt t de considrer avec curiosit, de possder avec dlices cette petite parcelle de bonheur, dfaut de laquelle je serais mort sans avoir souponn ce qu'il peut tre pour des cours moins difficiles ou plus favoriss; de supposer qu'elle faisait partie d'un bonheur vaste et durable qui m'apparaissait en ce point seulement; et, pour que le lendemain n'inflige pas un dmenti cette feinte, de ne pas chercher demander une faveur de plus aprs celle qui n'avait t de qu' l'artifice d'une minute d'exception. J'aurais d quitter Balbec, m'enfermer dans la solitude, y rester en harmonie avec les dernires vibrations de la voix que j'avais su rendre un instant amoureuse, et de qui je n'aurais plus rien exig que de ne pas s'adresser davantage moi, de peur que, par une parole nouvelle qui n'ẻt pu dsormais tre que diffrente, elle vỵnt blesser d'une dissonance le silence sensitif ó, comme grce quelque pdale, aurait pu survivre longtemps en moi la tonalit du bonheur. [SG 267]



    104. Cela fait souvent de la peine de penser. [SG 186]



    105. Comme tous les gens qui ne sont pas amoureux, il s'imaginait qu'on choisit la personne qu'on aime aprs mille dlibrations et d'aprs des qualits et convenances diverses. [SG 112]



    106. Le moment tait peut-tre particulirement bien choisi pour renoncer une femme qui aucune souffrance bien rcente et bien vive ne m'obligeait de demander ce baume contre un mal, que possdent celles qui l'ont caus. [SG 471]



    107. Un peu d'albumine, de sucre, d'arythmie cardiaque, n'empche pas la vie de continuer normale pour celui qui ne s'en aperoit mme pas, alors que seul le mdecin y voit la prophtie de catastrophes. [SG 507]



    108. Je savais ne pas diminuer son affection en lui tmoignant la mienne. [P 485]



    109. On a *** que la beaut est une promesse de bonheur. Inversement la possibilit du plaisir peut tre un commencement de beaut. [P 165]



    110. Dans les personnes que nous aimons, il y a, immanent elles, un certain rve que nous ne savons pas toujours discerner mais que nous poursuivons. [TR 189]



    111. Gilberte appartenait la varit la plus rpandue des autruches humaines, celles qui cachent leur tte dans l'espoir, non de ne pas tre vues, ce qu'elles croient peu vraisemblable, mais de ne pas voir qu'on les voit, ce qui leur paraỵt dj beaucoup et leur permet de s'en remettre la chance pour le reste. [AD 235]



    112. Un homme qui a oubli les belles nuits passes au clair de lune dans les bois souffre encore des rhumatismes qu'il y a pris. [AD 154]



    113. De mme que les peuples ne sont pas longtemps gouverns par une politique de pur sentiment, les hommes ne le sont pas par le souvenir de leur rve. [P 148]



    114. L'ỵle du Bois m'avait sembl faite pour le plaisir parce que je m'tais trouv aller y gỏter la tristesse de n'en avoir aucun y abriter. [GII 101]



    115. Albertine employait toujours le ton dubitatif pour les rsolutions irrvocables. [P 106]



    116. On n'arrive pas tre heureux mais on fait des remarques sur les raisons qui empchent de l'tre et qui nous fussent restes invisibles sans ces brusques perces de la dception. [P 218]



    117. On se souvient d'une atmosphre parce que des jeunes filles y ont souri. [P 291]



    118. Le seul vritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux, de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est. [P 309]



    119. Je me demandais si la Musique n'tait pas l'exemple unique de ce qu'aurait pu tre - s'il n'y avait pas eu l'invention du langage, la formation des mots, l'analyse des ides - la communication des mes. Elle est comme une possibilit qui n'a pas eu de suites; l'humanit s'est engage dans d'autres voies, celle du langage parl et crit. Mais ce retour l'inanalys tait si enivrant qu'au sortir de ce paradis le contact des tres plus ou moins intelligents me semblait d'une insignifiance extraordinaire. [P 309]



    120. C'est souvent seulement par manque d'esprit crateur qu'on ne va pas assez loin dans la souffrance. Et la ralit la plus terrible donne, en mme temps que la souffrance, la joie d'une belle dcouverte, parce qu'elle ne fait que donner une forme neuve et claire ce que nous remchions depuis longtemps sans nous en douter. [SG 583]



    121. Mais on ne profite d'aucune leon parce qu'on ne sait pas descendre jusqu'au gnral et qu'on se figure toujours se trouver en prsence d'une exprience qui n'a pas de prcedents dans le pass. [GII 148]



    122. Toute ralit est peut-tre aussi dissemblable de celle que nous croyons percevoir directement et que nous composons l'aide d'ides qui ne se montrent pas mais sont agissantes, de mme que les arbres, le soleil et le ciel ne seraient pas tels que nous les voyons, s'ils taient connus par des tres ayant des yeux autrement constitus que les nơtres, ou bien possdant pour cette besogne des organes autres que des yeux et qui donneraient des arbres, du ciel et du soleil des quivalents mais non visuels. [GI 80]



    123. La beaut des images est loge l'arrire des choses, celle des ides l'avant. De sorte que la premire cesse de nous merveiller quand on les a atteintes, mais qu'on ne comprend la seconde que quand on les a dpasses. [TR 302]



    124. Dans l'attente, on souffre tant de l'absence de ce qu'on dsire qu'on ne peut supporter une autre prsence. [SG 150]



    125. La possession d'un peu plus de la femme que nous aimons ne ferait que nous rendre plus ncessaire ce que nous ne possdons pas, et qui resterait, malgr tout, nos besoins naissant de nos satisfactions, quelque chose d'irrductible. [JF 248]



    126. Nous localisons dans le corps d'une personne toutes les possibilits de sa vie, le souvenir des tres qu'elle connaỵt et qu'elle vient de quitter, ou s'en va rejoindre. [GI 42]



    127. Hlas, c'tait en vain que j'implorais le donjon de Roussainville, que je lui demandais de faire venir auprs de moi quelque enfant de son village, comme au seul confident que j'avais eu de mes premiers dsirs, quand au haut de notre maison de Combray, dans le petit cabinet sentant l'iris, je ne voyais que sa tour au milieu du carreau de la fentre entr'ouverte, pendant qu'avec les hsitations hrọques du voyageur qui entreprend une exploration ou du dsespr qui se suicide, dfaillant, je me frayais en moi-mme une route inconnue et que je croyais mortelle, jusqu'au moment ó une trace naturelle comme celle d'un colimaon s'ajoutait aux feuilles du cassis sauvage qui se penchaient jusqu' moi. [S 186]



    128. Tous les souvenirs voluptueux qu'il emportait de chez elle taient comme autant d'esquisses, de "projets" pareils ceux que vous soumet un dcorateur, et qui permettaient Swann de se faire une ide des attitudes ardentes ou pmes qu'elle pouvait avoir avec d'autres. De sorte qu'il en arrivait regretter chaque plaisir qu'il gỏtait prs d'elle, chaque caresse invente et dont il avait eu l'imprudence de lui signaler la douceur, chaque grce qu'il lui dcouvrait, car il savait qu'un instant aprs, elles allaient enrichir d'instruments nouveaux son supplice. [S 323]



    129. On a *** que le silence tait une force; dans tout un autre sens, il en est une terrible la disposition de ceux qui sont aims. Elle accroỵt l'anxit de qui attend. Rien n'invite tant se rapprocher d'un tre que ce qui en spare, et quelle plus infranchissable barrire que le silence? On a *** aussi que le silence tait un supplice, et capable de rendre fou celui qui y tait astreint dans les prisons. Mais quel supplice - plus grand que de garder le silence - de l'endurer de ce qu'on aime! Robert se disait :"Que fait-elle donc pour qu'elle se taise ainsi? Sans doute, elle me trompe avec d'autres?" Il se disait encore : qu'ai-je donc fait pour qu'elle se taise ainsi? Elle me hait peut-tre, et pour toujours." Et il s'accusait. Ainsi le silence le rendait fou, en effet, par la jalousie et par le remords. D'ailleurs, plus cruel que celui des prisons, ce silence-l est prison lui-mme. Une clơture immatrielle, sans doute, mais impntrable, cette tranche interpose d'atmosphre vide, mais que les rayons visuels de l'abandonn ne peuvent traverser. Est-il un plus terrible clairage que le silence, qui ne nous montre pas une absente, mais mille, et chacune se livrant quelque autre trahison? Parfois, dans une brusque dtente, ce silence, Robert croyait qu'il allait cesser l'instant, que la lettre attendue allait venir. Il la voyait, elle arrivait, il piait chaque bruit, il tait dj dsaltr, il murmurait :"La lettre! La lettre!" Aprs avoir entrevu ainsi une oasis imaginaire de tendresse, il se retrouvait pitinant dans le dsert rel du silence sans fin. [GI 147]



    130. Un plan inclin rapproche assez vite le dsir de la jouissance pour que la seule beaut apparaisse dj comme un consentement. [GI 222]



    131. On dcouvre au tlphone les inflexions d'une voix qu'on ne distingue pas tant qu'elle n'est pas dissocie d'un visage ó on objective son expression. [AD 156]



    132. C'ẻt t pour Mme de Stermaria que se ft exerce cette activit de l'imagination qui nous fait extraire d'une femme une telle notion de l'individuel qu'elle nous paraỵt unique en soi et pour nous prdestine et ncessaire. [AD 119]



    133. On ne peut regretter que ce qu'on se rappelle. [AD 101]



    134. Qu'une maladie, un duel, un cheval emport, nous fassent voir la mort de prs, nous aurions joui richement de la vie, de la volupt, de pays inconnus dont nous allons tre privs. Et une fois le danger pass, ce que nous retrouvons, c'est la mme vie morne ó rien de tout cela n'existait pour nous. [AD 94]



    135. J'avais moins besoin de sa fidlit que de son retour. Et si ma raison pouvait impunment le mettre quelquefois en doute, mon imagination ne cessait pas un instant de me le reprsenter. Instinctivement, je passai ma main sur mon cou, sur mes lvres qui se voyaient embrasss par elle depuis qu'elle tait partie, et qui ne le seraient jamais plus. [AD 85]



    136. Une religion parle d'immortalit, mais entend par l quelque chose qui n'exclut pas le nant. [SG 542]



    137. C'est comme une chienne encore qu'elle commenait aussitơt me caresser sans fin. [SG 474]



    138. Je ne rentrais Balbec qu'avec la premire humi*** matinale, seul cette fois, mais encore tout entour de la prsence de mon amie, gorg d'une provision de baisers longue puiser. [SG 475]



    139. Nous devions nous aimer tout de mme pour avoir pass la nuit nous embrasser. [SG 475]



    140. C'tait tout un tat d'me, tout un avenir d'existence qui avait pris devant moi la forme allgorique et fatale d'une jeune fille. [SG 475]



    141. A supposer qu'elle ẻt prouv du bonheur passer les aprs-midi rien qu'avec moi, Balbec, je savais qu'il ne se laisse jamais possder compltement et qu'Albertine, encore l'ge (que certains ne dpassent pas) ó on n'a pas dcouvert que cette imperfection tient celui qui prouve le bonheur, non celui qui le donne, ẻt pu tre tente de faire remonter moi la cause de sa dception. [SG 290]



    142. Le sommeil est comme un second appartement que nous aurions et ó, dlaissant le nơtre, nous serions alls dormir. [SG 430]



    143. Il n'y a que les femmes qui ne savent pas s'habiller qui craignent la couleur. On peut tre clatante sans vulgarit et douce sans fadeur. [SG 514]



    144. On prtend que le liquide sal qu'est notre sang n'est que la survivance intrieure de l'lment marin primitif. [SG 284]



    145. Ceux qui baillent de fatigue aprs dix lignes d'un article mdiocre avaient refait tous les ans le voyage de Bayreuth pour entendre la Ttralogie. [SG 246]



    146. Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi troites, aussi insaisissables, que celles que l'imagination avait formes et la ralit dtruites. [SG 175]



    147. On serait jamais guri du romanesque si l'on voulait, pour penser celle qu'on aime, tcher d'tre celui qu'on sera quand on ne l'aimera plus. [SG 160]



    148. Une parole de celle que nous aimons ne se conserve pas longtemps dans sa puret; elle se gte, se pourrit. [SG 288]



    149. Les cratures qui ont jou un grand rơle dans notre vie, il est rare qu'elles en sortent tout d'un coup d'une faon dfinitive. [GII 55]



    150. Quand les heures s'enveloppent de causeries, on ne peut plus les mesurer, mme les voir, elles s'vanouissent et tout d'un coup c'est bien loin du point ó il vous avait chapp que reparaỵt devant votre attention le temps agile et escamot. Mais si nous sommes seuls, la proccupation, en ramenant devant nous le moment encore loign et sans cesse attendu, avec la frquence et l'uniformit d'un tic-tac, divise ou plutơt multiplie les heures par toutes les minutes qu'entre amis nous n'aurions pas comptes. [GII 57]



    151. Chez le prtre comme chez l'aliniste, il y a toujours quelque chose du juge d'instruction. D'ailleurs quel est l'ami, si cher soit-il, dans le pass, commun avec le nơtre, de qui il n'y ait pas de ces minutes dont nous ne trouvions plus commode de nous persuader qu'il a d les oublier? [GII 42]



    152. Dans la vie de la plupart des femmes, tout, mme le plus grand chagrin, aboutit une question d'essayage. [GII 36]



    153. Les hommes peuvent avoir plusieurs sortes de plaisirs. Le vritable est celui pour lequel ils quittent l'autre. [SG 128]



    154. Dans la fatigue la plus relle il y a, surtout chez les gens nerveux, une part qui dpend de l'attention et qui ne se conserve que par la mmoire. On est subitement las ds qu'on craint de l'tre, et pour se remettre de sa fatigue, il suffit de l'oublier. [SG 122]



    155. Quand notre maỵtresse est vivante, une grande partie des penses qui forment ce que nous appelons notre amour nous viennent pendant les heures ó elle n'est pas cơt de nous. Ainsi l'on prend l'habitude d'avoir pour objet de sa rverie un tre absent, et qui, mme s'il ne le reste que quelques heures, pendant ces heures-l n'est qu'un souvenir. Aussi la mort ne change-t-elle pas grand-chose. [AD 149]



    156. Le chagrin est gọste, et ne peut recevoir de remde de ce qui ne le touche pas. [AD 153]



    157. Il arrive que les gens, mme ceux que nous aimons le mieux, se saturent de la tristesse ou de l'agacement qui mane de nous. Il y a pourtant quelque chose qui est capable d'un pouvoir d'exasprer ó n'atteindra jamais une personne : c'est un piano. [SG 217]



    158. Il semble que les vnements soient plus vastes que le moment ó ils ont lieu et ne peuvent y tenir tout entiers. Certes, ils dbordent sur l'avenir par la mmoire que nous en gardons, mais ils demandent aussi une place au temps qui les prcde. Certes, on dira que nous ne les voyons pas alors tels qu'ils seront, mais dans le souvenir ne sont-ils pas aussi modifis? [P 483]



    159. On ne supporte pas toujours bien les larmes qu'on fait verser. [P 375]



    160. En amour, il est plus facile de renoncer un sentiment que de perdre une habitude. [P 427]



    161. Les mille bonts de l'amour peuvent finir par veiller chez l'tre qui l'inspire et ne l'prouve pas, une affection, une reconnaissance, moins gọstes que le sentiment qui les a provoques, et qui, peut-tre, aprs des annes de sparation, quand il ne resterait rien de lui chez l'ancien amant, subsisterait toujours chez l'aime. [P 428]



    162. Nous trouvons de tout dans notre mmoire; elle est une espce de pharmacie, de laboratoire de chimie, ó on met au hasard la main tantơt sur une drogue calmante, tantơt sur un poison dangereux. [P470]



    163. On trouve innocent de dsirer et atroce que l'autre dsire. [P 202]



    164. La vie pouvait-elle me consoler de l'art ? y avait-il dans l'art une ralit plus profonde ó notre personnalit vritable trouve une expression que ne lui donnent pas les actions de la vie? [P 187]



    165. Elle nous avait promis une lettre, nous tions calme, nous n'aimions plus. La lettre n'est pas venue, aucun courrier n'en apporte, "que se passe-t-il? ", l'anxit renaỵt, et l'amour. Ce sont surtout de tels tres qui nous inspirent l'amour, pour notre dsolation. Chaque anxit nouvelle que nous prouvons par eux enlve nos yeux de leur personnalit. Nous tions rsign la souffrance, croyant aimer en dehors de nous, et nous nous apercevons que notre amour est fonction de notre tristesse, que notre amour c'est peut-tre notre tristesse, et que l'objet n'en est que pour une faible part la jeune fille la noire chevelure. [P 108]



    166. Sous toute douceur charnelle un peu profonde, il y a la permanence d'un danger. [P 95]



    167. La possession de ce qu'on aime est une joie plus grande encore que l'amour. [P 58]



    168. Ce ne sont pas les tres qui existent rellement, mais les ides. [TR 273]



    169. La permanence et la dure ne sont promises rien, pas mme la douleur. [JF 247]



    170. Les ides sont des succdans des chagrins; au moment ó ceux-ci se changent en ides, ils perdent une partie de leur action nocive sur notre cour, et mme, au premier instant, la transformation elle-mme dgage subitement de la joie. [TR 271]



    171. Une femme qu'on aime suffit rarement tous nos besoins et on la trompe avec une femme qu'on n'aime pas. [TR 23]



    172. L'instinct d'imitation et l'absence de courage gouvernent les socits comme les foules. [SG 377]



    173. J'avais t depuis longtemps prpar croire vrai ce que je craignais au lieu de ce que j'aurais souhait. [SG 266]



    174. Nous ne profitons gure de notre vie, nous laissons inacheves dans les crpuscules d't ou les nuits prcoces d'hiver les heures ó il nous avait sembl qu'ẻt pu pourtant tre enferm un peu de paix ou de plaisir. [GII 117]



    175. Son ventre dissimulant la place qui chez l'homme s'enlai*** (comme du crampon rest scell dans une statue descelle) se refermait, la jonction des cuisses, par deux valves d'une courbe aussi assoupie, aussi reposante, aussi claustrale que celle de l'horizon quand le soleil a disparu. [P 92]



    176. Le dsouvrement et la strilit sont une activit sociale vritable ce qu'est en art la critique la cration. [GII 211]



    177. La louange la plus haute de Dieu est dans la ngation de l'athe qui trouve la Cration assez parfaite pour se passer d'un crateur. [GII 141]



    178. La jeunesse une fois passe, il est rare que l'on reste confin dans l'insolence. [GII 126]



    179. Pour une grande part, la souffrance est une sorte de besoin de l'organisme de prendre conscience d'un tat nouveau qui l'inquite, de rendre la sensibilit adquate cet tat. [GII 20]



    180. Il est remarquable combien une personne excite toujours d'admiration pour ses qualits morales chez les parents de toute autre personne avec qui elle a des relations charnelles. [S 174]



    181. Ce n'est jamais qu' cause d'un tat d'esprit qui n'est pas destin durer qu'on prend des rsolutions dfinitives. [JF 185]



    182. Nous sommes tous obligs, pour rendre la ralit supportable, d'entretenir en nous quelques petites folies. [JF 200]



    183. Notre vie est divise, et comme distribue dans une balance, en deux plateaux opposs ó elle tient tout entire. Dans l'un, il y a notre dsir de ne pas dplaire, de ne pas paraỵtre trop humble l'tre que nous aimons sans parvenir le comprendre, mais que nous trouvons plus habile de laisser un peu de cơt pour qu'il n'ait pas ce sentiment de se croire indispensable, qui le dtournerait de nous; de l'autre cơt il y a une souffrance - non pas une souffrance localise et partielle - qui ne pourrait au contraire tre apaise que si, renonant au plaisir de plaire cette femme et lui faire croire que nous pouvons nous passer d'elle, nous allions la retrouver. Qu'on retire du plateau ó est la fiert une petite quantit de volont qu'on a eu la faiblesse de laisser s'user avec l'ge, qu'on ajoute dans le plateau ó est le chagrin une souffrance physique acquise et qui on a permis de s'aggraver, et au lieu de la solution courageuse qui l'aurait emport vingt ans, c'est l'autre, devenue trop lourde et sans assez de contre-poids, qui nous abaisse cinquante. [JF 193]



    184. Les neurasthniques ne peuvent pas croire les gens qui leur assurent qu'ils seront peu peu calms en restant au lit sans recevoir de lettres, sans lire de journaux. Ils se figurent que ce rgime ne fera qu'exasprer leur nervosit. De mme, les amoureux, le considrant du sein d'un tat contraire, n'ayant pas commenc de l'exprimenter, ne peuvent croire la puissance bienfaisante du renoncement. [JF 222]



    185. Il y a une chose plus difficile encore que de s'astreindre un rgime, c'est de ne pas l'imposer aux autres. [SG 560]



    186. Pendant quelques minutes, je sentis qu'on peut tre prs de la personne qu'on aime et cependant ne pas l'avoir avec soi. [SG 470]



    187. . penser que Mme Bovary et la Sanseverina m'eussent peut-tre sembl des tres pareils aux autres si je les eusse rencontres ailleurs que dans l'atmosphre close d'un roman. [SG 458]



    188. J'tais effray pourtant de penser que ce rve avait eu la nettet de la connaissance. La connaissance aurait-elle, rciproquement, l'irralit du rve? [SG 436]



    189. Les contempteurs de l'amiti peuvent, sans illusions et non sans remords, tre les meilleurs amis du monde. [GII 115]



    190. Pour le baiser nos narines et nos yeux sont aussi mal placs que nos lvres mal faites. [GII 77]



    191. Vivez tout fait avec la femme et vous ne verrez plus rien de ce qui vous l'a fait aimer. [GII 60]



    192. Nos plus grandes craintes, comme nos plus grandes esprances, ne sont pas au-dessus de nos forces et nous pouvons finir par dominer les unes et raliser les autres. [TR 426]



    193. Tout ce que nous connaissons de grand nous vient des nerveux. Ce sont eux et non pas d'autres qui ont fond les religions et compos les chefs-d'ouvre. Jamais le monde ne saura tout ce qu'il leur doit et surtout ce qu'eux ont souffert pour le lui donner. [GI 371]



    194. C'est dans la maladie que nous nous rendons compte que nous ne vivons pas seuls, mais enchaỵns un tre d'un rgne diffrent, dont des abỵmes nous sparent, qui ne nous connaỵt pas et duquel il est impossible de nous faire comprendre : notre corps. [GI 362]



    195. Les gọstes ont toujours le dernier mot; ayant pos d'abord que leur rsolution est inbranlable, plus le sentiment auquel on fait appel en eux pour qu'ils y renoncent est touchant, plus ils trouvent condamnables, non pas eux qui y rsistent, mais ceux qui les mettent dans la ncessit d'y rsister, de sorte que leur propre duret peut aller jusqu' la plus extrme cruaut sans que cela fasse leurs yeux qu'aggraver d'autant la culpabilit de l'tre assez indlicat pour souffrir, pour avoir raison, et leur causer ainsi lchement la douleur d'agir contre leur propre piti. [GI 341]



    196. L'amour, mme en ses plus humbles commencements, est un exemple frappant du peu qu'est la ralit pour nous. [AD 208]



    197. L'art n'est pas seul mettre du charme et du mystre dans les choses les plus insignifiantes; ce mme pouvoir de les mettre en rapport intime avec nous, est dvolu aussi la douleur. [AD 108]



    198. La manire dsastreuse dont est construit l'univers psycho-pathologique veut que l'acte maladroit, l'acte qu'il faudrait avant tout viter, soit justement l'acte calmant, l'acte qui, ouvrant pour nous, jusqu' ce que nous en sachions le rsultat, de nouvelles perspectives d'esprance, nous dbarrasse momentanment de la douleur intolrable que le refus a fait naỵtre en nous. De sorte que, quand la douleur est trop forte, nous nous prcipitons dans la maladresse qui consiste crire, faire prier par quelqu'un, aller voir, prouver qu'on ne peut se passer de celle qu'on aime. [AD 59]



    199. L'adolescence est le seul temps ó l'on ait appris quelque chose. [JF 368]



    200. Et duss-je, maintenant que j'tais souffrant et que je ne sortais pas seul, ne jamais pouvoir faire l'amour avec elles, j'tais tout de mme heureux comme un enfant n dans une prison ou dans un hơpital et qui, ayant cru longtemps que l'organisme humain ne peut digrer que du pain sec et des mdicaments, a appris tout d'un coup que les pches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments dlicieux et assimilables. Mme si son geơlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ces beaux fruits, le monde cependant lui paraỵt meilleur et l'existence plus clmente. Car un dsir nous semble plus beau, nous nous appuyons lui avec plus de confiance quand nous savons qu'en dehors de nous la ralit s'y conforme, mme si pour nous il n'est pas ralisable. Et nous pensons avec plus de joie une vie ó - con***ion que nous cartions pour un instant de notre pense le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empche personnellement de le faire, - nous pouvons nous imaginer l'assouvissant. Pour les belles jeunes filles qui passaient, du jour ó j'avais su que leurs joues pouvaient tre embrasses, j'tais devenu curieux de leur me. Et l'univers m'avait paru plus intressant. [JF 346]



    201. Je n'tais pas encore assez g et j'tais rest trop sensible pour avoir renonc au dsir de plaire aux tres et de les possder. [JF 301]



    202. La photographie acquiert un peu de la dignit qui lui manque, quand elle cesse d'tre une reproduction du rel et nous montre des choses qui n'existent plus. [JF 409]



    203. Si tranquille qu'on se croie quand on aime, on a toujours l'amour dans son cour en tat d'quilibre instable. [P 268]



    204. La nature ne semble gure capable de donner que des maladies assez courtes. Mais la mdecine s'est annex l'art de les prolonger. [P 216]



    205. Quand on veut se rappeler de quelle faon on a commenc d'aimer une femme, on aime dj; les rveries d'avant, on ne se disait pas : c'est le prlude d'un amour, faisons attention; et elles avanaient par surprise, peine remarques de nous. [P 181]



    206. Nous sommes des sculpteurs. Nous voulons obtenir d'une femme une statue entirement diffrente de celle qu'elle nous a prsente. [P 168]



    207. Nous n'arrivons pas changer les choses suivant notre dsir, mais peu peu notre dsir change. [AD 51]



    208. La ralit des tres ne survit pour nous que peu de temps aprs leur mort, et au bout de quelques annes ils sont comme ces dieux des religions abolies qu'on offense sans crainte parce qu'on a cess de croire leur existence. [AD 257]



    209. La vieillesse nous rend d'abord incapable d'entreprendre, mais non de dsirer. [AD 302]



    210. Les homo***uels seraient les meilleurs maris du monde s'ils ne jouaient pas la comdie d'aimer les femmes. [AD 368]



    211. Il n'y avait pas d'anormaux quand l'homo***ualit tait la norme. [SG 25]



    212. Elle avait vu par ma gentillesse pour elle qu'elle n'avait pas besoin de m'en montrer autant qu'aux autres pour en obtenir plus que d'eux. [P 66]



    213. Elle glissait dans ma bouche sa langue, comme un pain quotidien, comme un aliment nourrissant et ayant le caractre presque sacr de toute chair qui les souffrances que nous avons endures cause d'elle ont fini par confrer une sorte de douceur morale. [P 8]



    214. L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au coeur. [P 464]



    215. On n'aime que ce en quoi on poursuit quelque chose d'inaccessible, on n'aime que ce qu'on ne possde pas. [P 462]



    216. La souffrance dans l'amour cesse par instants, mais pour reprendre d'une faon diffrente. Nous pleurons de voir celle que nous aimons ne plus avoir avec nous ces lans de sympathie, ces avances amoureuses du dbut, nous souffrons plus encore que, les ayant perdus pour nous, elle les retrouve pour d'autres. [P 120]



    217. Je me demandais comment, puisque tant de peintres cherchent renouveler les portraits fminins du XVIIIme sicle ó l'ingnieuse mise en scne est un prtexte aux expressions de l'attente, de la bouderie, de l'intrt, de la rverie, comment aucun de nos modernes Boucher [.] ne peignit, au lieu de "la Lettre", du "Clavecin" etc., cette scne qui pourrait s'appeler : "Devant le tlphone". [P 116]



    218. Un chirurgien qui nous fait mal nous reste indiffrent. [P 110]



    219. Comment a-t-on le courage de souhaiter vivre, comment peut-on faire un mouvement pour se prserver de la mort, dans un monde ó l'amour n'est provoqu que par le mensonge et consiste seulement dans notre besoin de voir nos souffrances apaises par l'tre qui nous a fait souffrir ? [P 110]



    220. Qu'y a-t-il de plus potique que Xerxs, fils de Darius, faisant fouetter de verges la mer qui avait englouti ses vaisseaux ? [P 53]



    221. J'avais dj bu beaucoup de porto, et si je demandais en prendre encore, c'tait moins en vue du bien-tre que les verres nouveaux m'apporteraient que par l'effet du bien-tre produit par les verres prcdents. [JF 464]



    222. C'est en somme une faon comme une autre de rsoudre le problme de l'existence, qu'approcher suffisamment les choses et les personnes qui nous ont paru de loin belles et mystrieuses, pour nous rendre compte qu'elles sont sans mystre et sans bont; c'est une des hygines entre lesquelles on peut opter, une hygine qui n'est peut-tre pas trs recommandable, mais elle nous donne un certain calme pour passer la vie, et aussi - comme elle permet de ne rien regretter, en nous persuadant que nous avons atteint le meilleur, et que le meilleur n'tait pas grand'chose - pour nous rsigner la mort. [JF 624]



    223. Il en est du sommeil comme de la perception du monde extrieur. Il suffit d'une modification dans nos habitudes pour le rendre potique, il suffit qu'en nous dshabillant nous nous soyons endormi sans le vouloir sur notre lit, pour que les dimensions du sommeil soient changes et sa beaut sentie. On s'veille, on voit quatre heures sa montre, ce n'est que quatre heures du matin, mais nous croyons que toute la journe s'est coule, tant ce sommeil de quelques minutes et que nous n'avions pas cherch nous a paru descendu du ciel, en vertu de quelque droit divin, norme et plein comme le globe d'or d'un empereur. [GI 102]



    224. Que nous croyions qu'un tre participe une vie inconnue ó son amour nous ferait pntrer, c'est, de tout ce qu'exige l'amour pour naỵtre, ce quoi il tient le plus, et qui lui fait faire bon march du reste. Mme les femmes, qui prtendent ne juger un homme que sur son physique, voient en ce physique l'manation d'une vie spciale. C'est pourquoi elles aiment les militaires, les pompiers; l'uniforme les rend moins difficiles pour le visage; elles croient baiser sous la cuirasse un cour diffrent, amoureux et doux; et un jeune souverain, un prince hritier, pour faire les plus flatteuses conqutes, dans les pays qu'il visite, n'a pas besoin du profil rgulier qui serait peut-tre indispensable un coulissier. [S 121]



    225. S'il peut quelquefois suffire pour que nous aimions une femme qu'elle nous regarde avec mpris, et que nous pensions qu'elle ne pourra jamais nous appartenir, quelquefois aussi il peut suffire qu'elle nous regarde avec bont et que nous pensions qu'elle pourra nous appartenir. [S 209]



    226. Pour parcourir les jours, les natures un peu nerveuses, comme tait la mienne, disposent, comme les voitures automobiles, de "vitesses" diffrentes. Il y a des jours montueux et malaiss qu'on met un temps infini gravir et des jours en pente qui se laissent descendre fond de train en chantant. [S 453]



    227. La porte du palier ne se refermait d'elle mme trs lentement, sur les courants d'air de l'escalier, qu'en excutant les hachures de phrases voluptueuses et gmissantes qui se superposent au choeur des Plerins, vers la fin de l'ouverture de Tannhuser. [GII 110]



    228. Ce n'tait pas la premire fois que je sentais que ceux qui aiment et ceux qui ont du plaisir ne sont pas les mmes. [JF 267]



    229. Un vnement que nous dsirons ne se produisant jamais comme nous avons pens, dfaut des avantages sur lesquels nous croyions pouvoir compter, d'autres, que nous n'esprions pas, se sont prsents, le tout se compense. [JF 520]



    230. Nous pouvons causer pendant toute une vie sans rien dire que rpter indfiniment le vide d'une minute. [JF 575]



    231. Dans un bois l'amateur d'oiseaux distingue aussitơt ces gazouillis particuliers chaque oiseau, que le vulgaire confond. L'amateur de jeunes filles sait que les voix humaines sont encore bien plus varies. [JF 577]



    232. La vie en se retirant venait d'emporter les dsillusions de la vie. [GII 49]



    233. Nous sommes attirs par toute vie qui nous reprsente quelque chose d'inconnu, par une dernire illusion dtruire. [GII 336]



    234. Dans les familles bourgeoises, on voit parfois naỵtre des jalousies si la soeur cadette se marie avant l'aỵne. [GII 292]



    235. Notre mmoire et notre cour ne sont pas assez grands pour pouvoir tre fidles. [GII 291]



    236. Au besoin, quelque fait normal, par exemple : vouloir faire payer les riches plus que les pauvres, la lumire sur une iniquit, prfrer la paix la guerre, il le trouvera scandaleux et y verra une offense certains principes auxquels il n'avait pas pens en effet, qui ne sont pas inscrits dans le cour de l'homme, mais qui meuvent fortement cause des acclamations qu'ils dchaỵnent et des compactes majorits qu'ils rassemblent. [GII 217]



    237. Dans une langue que nous savons, nous avons substitu l'opacit des sons la transparence des ides. [JF 190]



    238. De mme que les prtres ayant la plus grande exprience du cour, peuvent le mieux pardonner aux pchs qu'ils ne commettent pas, de mme le gnie ayant la plus grande exprience de l'intelligence, peut le mieux comprendre les ides qui sont le plus opposes celles qui forment le fond de ses propres ouvres. [JF 173]



    239. Il paraỵt que, rien que dans mon petit bout de jardin, il se passe en plein jour plus de choses inconvenantes que la nuit...dans le bois de Boulogne ! Seulement cela ne se remarque pas parce qu'entre fleurs cela se fait trs simplement, on voit une petite pluie orange, ou bien une mouche trs poussireuse qui vient essuyer ses pieds ou prendre une douche avant d'entrer dans une fleur. Et tout est consomm ! [GII 272]



    240. J'ouvris Le Figaro. Quel ennui ! [AD 210]



    241. Je comprenais maintenant les veufs qu'on croit consols et qui prouvent au contraire qu'ils sont inconsolables, parce qu'ils se remarient avec leur belle-soeur. [AD 191]



    242. C'est seulement par la pense qu'on possde les choses, et on nepossde pas un tableau parce qu'on l'a dans sa salle manger si on ne sait pas le comprendre, ni un pays parce qu'on y rside sans mme le regarder. [AD 188]



    243. Elle avait appris dans sa jeunesse, caresser les phrases, au long col sinueux et dmesur, de Chopin, si libres, si flexibles, si tactiles, qui commencent par chercher et essayer leur place en dehors et bien loin de la direction de leur dpart, bien loin du point ó on avait pu esprer qu'atteindrait leur attouchement, et qui ne se jouent dans cet cart de fantaisie que pour revenir plus dlibrment - d'un retour plus prm***, avec plus de prcision, comme sur un cristal qui rsonnerait jusqu' faire crier - vous frapper au coeur. [S 384]



    244. La constante nullit intellectuelle qui habitait sous le front songeur d'Octave avait fini par lui donner, malgr son air calme,d'inefficaces dmangeaisons de penser qui la nuit l'enpechaient de dormir. [JF 543]



    245. Ce que je reproche aux journaux, c'est de nous faire faire attention tous les jours des choses insignifiantes, tandis que nous lisons trois au quatre fois dans notre vie les livres ó il y a des choses essentielles. [S 37]



    246. Tchez de garder toujours un morceau de ciel au dessus de votre vie. [S 67]








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