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HAMLET - ACTE CINQUIÈME

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi despi, 23/08/2001.

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  1. despi

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    29/04/2001
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    HAMLET - ACTE CINQUIÈME

    ACTE CINQUIẩME

    SCẩNE I

    ------------------------------------

    UN CIMETIẩRE
    Entrent DEUX PAYSANS, avec des bờches

    PREMIER PAYSAN
    Doit-elle ờtre ensevelie en sộpulture chrộtienne, celle qui volontairement devance l'heure de son salut?

    DEUXIẩME PAYSAN
    Je te dis que oui. Donc creuse sa tombe sur-le-champ. Le coroner a tenu enquờte sur elle, et conclu la sộpulture chrộtienne.

    PREMIER PAYSAN
    Comment est-ce possible, moins qu'elle ne soit noyộe son corps dộfendant?

    DEUXIẩME PAYSAN
    Eh bien! la chose a ộtộ jugộe ainsi.

    PREMIER PAYSAN
    Il est ộvident qu'elle est morte se offendendo, cela ne peut ờtre autrement. Ici est le point de droit: si je me noie de propos dộlibộrộ, cela dộnote un acte, et un acte a trois branches : le mouvement, l'action et l'exộcution : argo, elle s'est noyộe de propos dộlibộrộ.

    DEUXIẩME PAYSAN
    Certainement; mais ộcoutez-moi, bonhomme piocheur.

    PREMIER PAYSAN
    Permets. Ici est l'eau : bon! ici se tient l'homme: bon! Si l'homme va l'eau et se noie, c'est, en dộpit de tout, parce qu'il y est allộ : remarque bien ỗa. Mais si l'eau vient l'homme et le noie, ce n'est pas lui qui se noie : argo, celui qui n'est pas coupable de sa mort n'abrốge pas sa vie.

    DEUXIẩME PAYSAN
    Mais est-ce la loi?

    PREMIER PAYSAN
    Oui, pardieu, ỗa l'est : la loi sur l'enquờte du coroner.

    DEUXIẩME PAYSAN
    Veux-tu avoir la vộritộ sur ceci? Si la morte n'avait pas ộtộ une femme de qualitộ, elle n'aurait pas ộtộ ensevelie en sộpulture chrộtienne.

    PREMIER PAYSAN
    Oui, tu l'as *** : et c'est tant pis pour les grands qu'ils soient encouragộs en ce monde se noyer ou se pendre, plus que leurs ộgaux chrộtiens. Allons, ma bờche! il n'y a de vieux gentilshommes que les jardiniers, les terrassiers et les fossoyeurs : ils continuent le mộtier d'Adam.

    DEUXIẩME PAYSAN
    Adam ộtait-il gentilhomme?

    PREMIER PAYSAN
    Il est le premier qui ait jamais portộ des armes.

    DEUXIẩME PAYSAN
    Comment! il n'en avait pas.

    PREMIER PAYSAN
    Quoi! es-tu paùen? Comment comprends-tu l'ẫcriture? L'ẫcriture ***: Adam bờchait. Pouvait-il bờcher sans bras? Je vais te poser une autre question: si tu ne rộponds pas pộremptoirement, avoue-toi...

    DEUXIẩME PAYSAN
    Va toujours.

    PREMIER PAYSAN
    Quel est celui qui bõtit plus solidement que le maỗon, le constructeur de navires et le charpentier?

    DEUXIẩME PAYSAN
    Le faiseur de potences; car cette construction-l survit des milliers d'occupants.

    PREMIER PAYSAN
    Ton esprit me plaợt, ma foi! La potence fait bien. Mais comment fait-elle bien? Elle fait bien pour ceux qui font mal : or tu fais mal de dire que la potence est plus solidement bõtie que l'ẫglise : argo, la potence ferait bien ton affaire. Cherche encore, allons!

    DEUXIẩME PAYSAN
    Qui bõtit plus solidement qu'un maỗon, un constructeur de navires ou un charpentier?

    PREMIER PAYSAN
    Oui, dis-le-moi, et tu peux dộbõter.

    DEUXIẩME PAYSAN
    Parbleu! je peux te le dire prộsent.

    PREMIER PAYSAN
    Voyons.

    DEUXIẩME PAYSAN
    Par la messe ! je ne peux pas.

    Entrent HAMLET et HORATIO, distance

    PREMIER PAYSAN
    Ne fouette pas ta cervelle plus longtemps; car l'õne rộtif ne hõte point le pas sous les coups. Et la prochaine fois qu'on te fera cette question, rộponds: C'est un fossoyeur. Les maisons qu'il bõtit durent jusqu'au jugement dernier. Allons ! va chez Vaughan me chercher une chopine de liqueur. (Sort le deuxiốme paysan.) (Il chante en bờchant.)
    Dans ma jeunesse, quand j'aimais, quand j'aimais,
    Il me semblait qu'il ộtait bien doux,
    Oh ! bien doux d'abrộger le temps. Ah! pour mon usage
    Il me semblait, oh! que rien n'ộtait trop bon.

    HAMLET
    Ce gaillard-l n'a donc pas le sentiment de ce qu'il fait? Il chante en creusant une fosse.

    HORATIO
    L'habitude lui a fait de cela un exercice aisộ.

    HAMLET
    C'est juste : la main qui travaille peu a le tact plus dộlicat.

    PREMIER PAYSAN, chantant
    Mais l'õge, venu pas furtifs,
    M'a empoignộ dans sa griffe,
    Et embarquộ sous terre,
    En dộpit de mes goỷts.

    (Il fait sauter un crõne.)

    HAMLET
    Ce crõne contenait une langue et pouvait chanter jadis. Comme ce drụle le heurte terre! comme si c'ộtait la mõchoire de Caùn, qui fit le premier meurtre! Ce que cet õne ộcrase ainsi ộtait peut-ờtre la caboche d'un homme d'ẫtat qui croyait pouvoir circonvenir Dieu! Pourquoi pas?

    HORATIO
    C'est possible, monseigneur.

    HAMLET
    Ou celle d'un courtisan qui savait dire : Bonjour, doux seigneur! Comment vas-tu, bon seigneur? Peut-ờtre celle de monseigneur un tel qui vantait le cheval de monseigneur un tel, quand il prộtendait l'obtenir! Pourquoi pas?

    HORATIO
    Sans doute, monseigneur.

    HAMLET
    Oui, vraiment! Et maintenant cette tờte est Milady Vermine; elle n'a plus de lốvres, et la bờche d'un fossoyeur lui brise la mõchoire. Rộvolution bien ộdifiante pour ceux qui sauraient l'observer! Ces os n'ont-ils tant coỷtộ nourrir que pour servir un jour de jeu de quilles? Les miens me font mal rien que d'y penser.

    PREMIER PAYSAN, chantant
    Une pioche et une bờche, une bờche!
    Et un linceul pour drap,
    Puis, hộlas! un trou faire dans la boue,
    C'est tout ce qu'il faut pour un tel hụte!

    (Il fait sauter un autre crõne.)

    HAMLET
    En voici un autre! Qui sait Si ce n'est pas le crõne d'un homme de loi? Oự sont donc maintenant ses distinctions, ses subtilitộs, ses arguties, ses clauses, ses passe-droits? Pourquoi souffre-t-il que ce grossier manant lui cogne la tờte avec sa sale pelle, et ne lui intente-t-il pas une action pour voie de fait? Humph! ce gaillard-l pouvait ờtre en son temps un grand acquộreur de terres, avec ses hypothốques, ses reconnaissances, ses amendes, ses doubles garanties, ses recouvrements. Est-ce donc pour lui l'amende de ses amendes et le recouvrement de ses recouvrements que d'avoir sa belle caboche pleine de belle boue? Est-ce que toutes ses acquisitions, ses garanties, toutes doubles qu'elles sont, ne lui garantiront rien de plus qu'une place longue et large comme deux grimoires? C'est peine si ses seuls titres de propriộtộ tiendraient dans ce coffre; faut-il que le propriộtaire lui-mờme n'en ait pas davantage? Ha!

    HORATIO
    Pas une ligne de plus, monseigneur.

    HAMLET
    Est-ce que le parchemin n'est pas fait de peau de mouton?

    HORATIO
    Si, monseigneur, et de peau de veau aussi.

    HAMLET
    Ce sont des moutons et des veaux, ceux qui recherchent une assurance sur un titre pareil... Je vais parler ce garỗon-l... Qui occupe cette fosse, drụle?

    PREMIER PAYSAN
    Moi, monsieur. (Chantant.)
    Hộlas! un trou faire dans la boue,
    C'est tout ce qu'il faut pour un tel hụte!

    HAMLET
    Vraiment, je crois que tu l'occupes, en ce sens que tu es dedans.

    PREMIER PAYSAN
    Vous ờtes dehors, et aussi vous ne l'occupez pas; pour ma part, je ne suis pas dedans et cependant je l'occupe.

    HAMLET
    Tu veux me mettre dedans en me disant que tu l'occupes. Cette fosse n'est pas faite pour un vivant, mais pour un mort. Tu vois! tu veux me mettre dedans.

    PREMIER PAYSAN
    Dộmenti pour dộmenti. Vous voulez me mettre dedans en me disant que je suis dedans.

    HAMLET
    Pour quel homme creuses-tu ici?

    PREMIER PAYSAN
    Ce n'est pas pour un homme.

    HAMLET
    Pour quelle femme, alors?

    PREMIER PAYSAN
    Ce n'est ni pour un homme ni pour une femme.

    HAMLET
    Qui va-t-on enterrer l?

    PREMIER PAYSAN
    Une crộature qui ộtait une femme, monsieur; mais, que son õme soit en paix! elle est morte.

    HAMLET
    Comme ce maraud est rigoureux! Il faut lui parler la carte la main: sans cela, la moindre ộquivoque nous perd. Par le ciel! Horatio, voil trois ans que j'en fais la remarque : le siốcle devient singuliốrement pointu, et l'orteil du paysan touche de si prốs le talon de l'homme de cour qu'il l'ộcorche... Combien de temps as-tu ộtộ fossoyeur?

    PREMIER PAYSAN
    Je me suis mis au mộtier, le jour, fameux entre tous les jours, oự feu notre roi Hamlet vainquit Fortinbras.

    HAMLET
    Combien y a-t-il de cela?

    PREMIER PAYSAN
    Ne pouvez-vous pas le dire ? Il n'est pas d'imbộcile qui ne le puisse. C'ộtait le jour mờme oự est nộ le jeune Hamlet, celui qui est fou et qui a ộtộ envoyộ en Angleterre.

    HAMLET
    Oui-da! Et pourquoi a-t-il ộtộ envoyộ en Angleterre?

    PREMIER PAYSAN
    Eh bien! parce qu'il ộtait fou: il retrouvera sa raison l-bas; ou, s'il ne la retrouve pas, il n'y aura pas grand mal.

    HAMLET
    Pourquoi?

    PREMIER PAYSAN
    ầa ne se verra pas : l-bas tous les hommes sont aussi fous que lui.

    HAMLET
    Comment est-il devenu fou?

    PREMIER PAYSAN
    Trốs ộtrangement, ce qu'on ***.

    HAMLET
    Comment cela?

    PREMIER PAYSAN
    Eh bien! en perdant la raison.

    HAMLET
    Sous l'empire de quelle cause?

    PREMIER PAYSAN
    Tiens! sous l'empire de notre roi en Danemark. J'ai ộtộ fossoyeur ici, enfant et homme, pendant trente ans.

    HAMLET
    Combien de temps un homme peut-il ờtre en terre avant de pourrir?

    PREMIER PAYSAN
    Ma foi! s'il n'est pas pourri avant de mourir (et nous avons tous les jours des corps vộrolộs qui peuvent peine supporter l'inhumation), il peut vous durer huit ou neuf ans. Un tanneur vous durera neuf ans.

    HAMLET
    Pourquoi lui plus qu'un autre?

    PREMIER PAYSAN
    Ah! sa peau est tellement tannộe par le mộtier qu'il a fait, qu'elle ne prend pas l'eau avant longtemps; et vous savez que l'eau est le pire destructeur de votre corps mort, nộ de putain. Tenez! voici un crõne: ce crõne-l a ộtộ en terre vingt-trois ans.

    HAMLET
    A qui ộtait-il?

    PREMIER PAYSAN
    A un fou nộ d'une de ces filles-l. qui croyez-vous?

    HAMLET
    Ma foi ! je ne sais pas.

    PREMIER PAYSAN
    Peste soit de l'enragộ farceur! Un jour, il m'a versộ un flacon de vin sur la tờte! Ce mờme crõne, monsieur, ộtait le crõne de Yorick, le bouffon du roi.

    HAMLET, prenant le crõne
    Celui-ci?

    PREMIER PAYSAN
    Celui-l mờme.

    HAMLET
    Hộlas! pauvre Yorick !... Je l'ai connu, Horatio! C'ộtait un garỗon d'une verve infinie, d'une fantaisie exquise; il m'a portộ sur son dos mille fois. Et maintenant quelle horreur il cause mon imagination! Le coeur m'en lốve. Ici pendaient ces lốvres que j'ai baisộes, je ne sais combien de fois. Oự sont vos plaisanteries maintenant? vos escapades? vos chansons? et ces ộclairs de gaietộ qui faisaient rugir la table de rires? Quoi! plus un mot prộsent pour vous moquer de votre propre grimace? plus de lốvres ?... Allez maintenant trouver madame dans sa chambre, et ***es-lui qu'elle a beau se mettre un pouce de fard, il faudra qu'elle en vienne cette figure-l! Faites-la bien rire avec ỗa... Je t'en prie, Horatio, dis-moi une chose.

    HORATIO
    Quoi, monseigneur?

    HAMLET
    Crois-tu qu'Alexandre ait eu cette mine-l dans la terre?

    HORATIO
    Oui, sans doute.

    HAMLET
    Et cette odeur-l ?... Pouah! (Il jette le crõne.)

    HORATIO
    Oui, sans doute, monseigneur.

    HAMLET
    quels vils usages nous pouvons ờtre ravalộs, Horatio! Qui empờche l'imagination de suivre la noble poussiốre d'Alexandre jusqu' la retrouver bouchant le trou d'un tonneau?

    HORATIO
    Ce serait une recherche un peu forcộe que celle-l.

    HAMLET
    Non, ma foi! pas le moins du monde: nous pourrions, sans nous ộgarer, suivre ses restes avec grande chance de les mener jusque-l. Par exemple, ộcoute: Alexandre est mort, Alexandre a ộtộ enterrộ, Alexandre est retournộ en poussiốre; la poussiốre, c'est de la terre; avec la terre, nous faisons de l'argile, et avec cette argile, en laquelle Alexandre s'est enfin changộ, qui empờche de fermer un baril de biốre?
    L'impộrial Cộsar, une fois mort et changộ en boue,
    Pourrait boucher un trou et arrờter le vent du dehors.
    Oh! que cette argile, qui a tenu le monde en effroi,
    Serve calfeutrer un mur et repousser la rafale d'hiver!
    Mais chut! chut !...ộcartons-nous !... Voici le roi.

    Entrent en procession des prờtres, etc. Le corps d' OPHẫLIA, LAERTES et les pleureuses suivent; puis LE ROI, LA REINE et leur suite

    HAMLET, continuant
    La reine! les courtisans! De qui suivent-ils le convoi? Pourquoi ces rites tronquộs? Ceci annonce que le corps qu'ils suivent a, d'une main dộsespộrộe, attentộ sa propre vie. C'ộtait quelqu'un de qualitộ. Cachons-nous un moment, et observons. (Il se retire avec Horatio.)

    LAERTES
    Quelle cộrộmonie reste-t-il encore?

    HAMLET, part
    C'est Laertes, un bien noble jeune homme! Attention!

    LAERTES
    Quelle cộrộmonie encore?

    PREMIER PRấTRE
    Ses obsốques ont ộtộ cộlộbrộes avec toute la latitude qui nous ộtait permise. Sa mort ộtait suspecte; et, si un ordre souverain n'avait dominộ la rốgle, elle eỷt ộtộ placộe dans une terre non bộnite jusqu' la derniốre trompette. Au lieu de priốres charitables, des tessons, des cailloux, des pierres, eussent ộtộ jetộs sur elle. Et pourtant on lui a accordộ les couronnes virginales, l'ensevelissement des jeunes filles, et la translation en terre sainte au son des cloches.

    LAERTES
    N'y a-t-il plus rien faire?

    PREMIER PRấTRE
    Plus rien faire : nous profanerions le service des morts en chantant le grave requiem, en implorant pour elle le mờme repos que pour les õmes parties en paix.

    LAERTES
    Mettez-la dans la terre; et puisse-t-il de sa belle chair immaculộe ộclore des violettes! Je te le dis, prờtre brutal, ma soeur sera un ange gardien, quand toi, tu hurleras dans l'abợme.

    HAMLET
    Quoi! la belle Ophộlia!

    LA REINE, jetant des fleurs sur le cadavre Fleurs sur fleur! Adieu! J'espộrais te voir la femme de mon Hamlet. Je comptais, douce fille, dộcorer ton lit nuptial et non joncher ta tombe.

    LAERTES
    Oh! qu'un triple malheur tombe dix fois triplộ sur la tờte mau***e de celui dont la cruelle conduite t'a privộe de ta noble intelligence! Retenez la terre un moment, que je la prenne encore une fois dans mes bras.
    (Il saute dans la fosse.) Maintenant entassez votre poussiốre sur le vivant et sur la morte, jusqu' ce que vous ayez fait de cette surface une montagne qui dộpasse le vieux Pộlion ou la tờte cộleste de l'Olympe
    azurộ.

    HAMLET, s'avanỗant
    Quel est celui dont la douleur montre une telle emphase? dont le cri de dộsespoir conjure les astres errants et les force s'arrờter, au***eurs blessộs d'ộtonnement? Me voici, moi, Hamlet le Danois! (Il saute dans la fosse.)

    LAERTES, l'empoignant
    Que le dộmon prenne ton õme!

    HAMLET
    Tu ne pries pas bien. ễte tes doigts de ma gorge, je te prie. Car, bien que je ne sois ni hargneux ni violent, j'ai cependant en moi quelque chose de
    dangereux que tu feras sagement de craindre. A bas la main!

    LE ROI
    Arrachez-les l'un l'autre.

    LA REINE
    Hamlet! Hamlet!

    HORATIO
    Mon bon seigneur, calmez-vous. (Les assistants les sộparent, et ils sortent
    de la fosse.)

    HAMLET
    Oui, je veux lutter avec lui pour cette cause, jusqu' ce que mes paupiốres aient cessộ de remuer.

    LA REINE
    O mon fils, pour quelle cause?

    HAMLET
    J'aimais Ophộlia. Quarante mille frốres ne pourraient pas, avec tous leurs amours rộunis, parfaire la somme du mien. (A Laertes.) Qu'es-tu prờt faire pour elle?

    LE ROI
    Oh! il est fou, Laertes.

    LA REINE
    Pour l'amour de Dieu, laissez-le dire!

    HAMLET
    Morbleu! montre-moi ce que tu veux faire. Veuxưtu pleurer? Veux-tu te battre? Veux-tu jeỷner? Veux-tu te dộchirer? Veux-tu avaler l'Issel? manger un crocodile? Je ferai tout cela... Viens-tu ici pour geindre? Pour me dộfier en sautant dans sa fosse? Sois enterrộ vif avec elle, je le serai aussi, moi! Et puisque tu bavardes de montagnes, qu'on les entasse sur nous par millions d'acres, jusqu' ce que notre tertre ait le sommet roussi par la zone brỷlante et fasse l'Ossa comme une verrue! Ah! si tu brailles, je rugirai aussi bien que toi.

    LA REINE
    Ceci est pure folie! et son accốs va le travailler ainsi pendant quelque temps. Puis, aussi patient que la colombe, dont la couvộe dorộe vient d'ộclore, il tombera dans un silencieux abattement.

    HAMLET, Laertes
    ẫcoutez, monsieur! Pour quelle raison me traitez-vous ainsi? Je vous ai toujours aimộ. Mais n'importe! Hercule lui-mờme aurait beau faire !... Le chat peut miauler, le chien aura sa revanche. (Il sort.)

    LE ROI
    Je vous en prie, bon Horatio, accompagnez-le.
    (Horatio sort.) (A Laertes.) Fortifiez votre patience dans nos paroles d'hier soir. Nous allons sur-le-champ amener l'affaire au dộnouement.
    (A la reine.) Bonne Gertrude, faites surveiller votre fils. ( part.) Il faut cette fosse un monument vivant. L'heure du repos viendra bientụt pour nous. Jusque-l, procộdons avec patience. (Ils sortent.)

    SCẩNE II

    ------------------------------------------

    DANS LE CHTEAU
    Entrent HAMLET et HORATIO

    HAMLET
    Assez sur ce point, mon cher! Maintenant, venons l'autre. Vous rappelez-vous toutes les circonstances?

    HORATIO
    Je me les rappelle, monseigneur.

    HAMLET
    Mon cher, il y avait dans mon coeur une sorte de combat qui m'empờchait de dormir je me sentais plus mal l'aise que des mutins mis aux fers. Je payai d'audace, et bộnie soit l'audace en ce cas!... Sachons que notre imprudence nous sert quelquefois bien, quand nos calculs les plus profonds avortent. Et cela doit nous apprendre qu'il est une divinitộ qui donne la forme nos destinộes, de quelque faỗon que nous les ộbauchions.

    HORATIO
    Voil qui est bien certain.

    HAMLET
    ẫvadộ de ma cabine, ma robe de voyage en ộcharpe autour de moi, je marchai tõtons dans les tộnốbres pour les trouver; j'y rộussis. J'empoignai le paquet, et puis je me retirai de nouveau dans ma chambre. Je m'enhardis, mes frayeurs oubliant les scrupules, jusqu' dộcacheter leurs messages officiels. Et qu'y dộcouvris-je, Horatio ? une scộlộratesse royale un ordre formel (lardộ d'une foule de raisons diverses, le Danemark sauver, et l'Angleterre aussi... ah! et le danger de laisser vivre un tel loupưgarou, un tel croque-mitaine !), un ordre qu'au reỗu de la dộpờche, sans dộlai, non, sans mờme prendre le temps d'aiguiser la hache, on me tranchõt la tờte.

    HORATIO
    Est-il possible

    HAMLET
    Voici le message tu le liras plus loisir. Mais veux-tu savoir maintenant ce que je fis?

    HORATIO
    Parlez, je vous supplie.

    HAMLET
    Ainsi empờtrộ dans leur guet-apens, je n'aurais pas eu le temps de deviner le prologue qu'ils auraient dộj commencộ la piốce! Je m'assis; j'imaginai un autre message ; je l'ộcrivis de mon mieux. Je croyais jadis, comme nos hommes d'ẫtat, que c'est un avilissement de bien ộcrire, et je me suis donnộ beaucoup de peine pour oublier ce talent-l. Mais alors, mon cher, il me ren*** le service d'un greffier. Veux-tu savoir la teneur de ce que j'ộcrivis?

    HORATIO
    Oui, mon bon seigneur.

    HAMLET
    Une requờte pressante adressộe par le roi son cousin d'Angleterre, comme un tributaire fidốle si celui-ci voulait que la palme de l'affection pỷt fleurir entre eux deux, que la paix gardõt toujours sa couronne d'ộpis et restõt comme un trait d'union entre leurs amitiộs, et par beaucoup d'autres considộrations de grand poids, il devait, aussitụt la dộpờche vue et lue, sans autre forme de procốs, sans leur laisser le temps de se confesser, faire mettre mort surưle-champ les porteurs.

    HORATIO
    Comment avez-vous scellộ cette dộpờche?

    HAMLET
    Eh bien, ici encore s'est montrộe la Providence cộleste. J'avais dans ma bourse le cachet de mon pốre, qui a servi de modốle au sceau de Danemark. Je pliai cette lettre dans la mờme forme que l'autre, j'y mis l'adresse, je la cachetai, je la mis soigneusement en place, et l'on ne s'aperỗut pas de l'enfant substituộ. Le lendemain, eut lieu notre combat sur mer; et ce qui s'ensuivit, tu le sais dộj.

    HORATIO
    Ainsi, Guildenstern et Rosencrantz vont tout droit
    la chose.

    HAMLET
    Ma foi, l'ami! ce sont eux qui ont recherchộ cette commission; ils ne gờnent pas ma conscience; leur ruine vient de leur propre imprudence. Il est dangereux pour des crộatures infộrieures de se trouver, au milieu d'une passe, entre les ộpộes terribles et flamboyantes de deux puissants adversaires.

    HORATIO
    Ah! quel roi!

    HAMLET
    Ne crois-tu pas que quelque chose m'est imposộ maintenant? Celui qui a tuộ mon pốre et fait de ma mốre une putain, qui s'est fourrộ entre la volontộ du peuple et mes espộrances, qui a jetộ son hameỗon ma propre vie, et avec une telle perfidie! ne dois-je pas, en toute conscience, le chõtier avec ce bras. Et n'est-ce pas une action damnable de laisser ce chancre de l'humanitộ continuer ses ravages?

    HORATIO
    Il apprendra bientụt d'Angleterre quelle est l'issue de l'affaire.

    HAMLET
    Cela ne tardera pas. L'intộrim est moi; la vie d'un homme, ce n'est que le temps de dire un. Pourtant je suis bien fõchộ, mon cher Horatio, de m'ờtre oubliộ vis--vis de Laertes. Car dans ma propre cause je vois l'image de la sienne. Je tiens son amitiộ mais, vraiment, la jactance de sa douleur avait exaltộ ma rage jusqu'au vertige.

    HORATIO
    Silence! Qui vient l?

    Entre OSRIC

    OSRIC, se dộcouvrant
    Votre Seigneurie est la bienvenue son retour en Danemark.

    HAMLET
    Je vous remercie humblement, monsieur. ( Horatio.) Connais-tu ce moucheron?

    HORATIO
    Non, mon bon seigneur.

    HAMLET
    Tu n'en es que mieux en ộtat de grõce; car c'est un vice de le connaợtre. Il a beaucoup de terres, et de fertiles. Qu'un animal soit le seigneur d'autres animaux, il aura sa mangeoire la table du roi. C'est un perroquet; mais, comme je te le dis, vaste propriộtaire de boue.

    OSRIC
    Doux seigneur, si Votre Seigneurie en a le loisir, j'ai une communication lui faire de la part de Sa Majestộ.

    HAMLET
    Je la recevrai, monsieur, avec tout empressement d'esprit. Faites de votre chapeau son vộritable usage il est pour la tờte.

    OSRIC
    Je remercie Votre Seigneurie il fait trốs chaud.

    HAMLET
    Non, croyez-moi, il fait trốs froid, le vent est au nord.

    OSRIC
    En effet, monseigneur, Il fait passablement froid.

    HAMLET
    Mais pourtant, il me semble qu'il fait une chaleur ộtouffante pour mon tempộrament.

    OSRIC
    Excessive, monseigneur! une chaleur ộtouffante, un point.., que je ne saurais dire... Mais, monseigneur, Sa Majestộ m'a chargộ de vous signifier qu'elle avait tenu sur vous un grand pari... Voici, monsieur, ce dont il s'agit.

    HAMLET, lui faisant signe de se couvrir
    De grõce, souvenez-vous...

    OSRIC
    Non, sur ma foi! je suis plus l'aise, sur ma foi! Monsieur, nous avons un nouveau venu la cour, Laertes: croyez-moi, c'est un gentilhomme accompli, douộ des perfections les plus variộes, de trốs douces maniốres et de grande mine. En vộritộ, pour parler de lui avec tact, il est le calendrier, la carte de la gentry; vous trouverez en lui le meilleur monde qu'un gentilhomme puisse connaợtre.

    HAMLET
    Monsieur, son signalement ne perd rien dans votre bouche, et pourtant, je le sais, s'il fallait faire son inventaire dộtaillộ, la mộmoire y embrouillerait son arithmộtique : elle ne pourrait jamais qu'ộvaluer en gros une cargaison emportộe sur un si fin voilier. Quant moi, pour rester dans la vộritộ de l'enthousiasme, je le tiens pour une õme de grand article: il y a en lui un tel mộlange de raretộs et de curiositộs, que, parler vrai de lui, il n'a de semblable que son miroir, et tout autre portrait ne serait qu'une ombre, rien de plus.

    OSRIC
    Votre Seigneurie parle de lui en juge infaillible.

    HAMLET
    A quoi bon tout ceci, monsieur? Pourquoi affublons-nous ce gentilhomme de nos phrases grossiốres?

    OSRIC
    Monsieur?

    HORATIO, Hamlet
    On peut donc parler n'importe qui sa langue? Vraiment, vous auriez ce talent-l, seigneur?

    HAMLET
    Que fait la question le nom de ce gentilhomme?

    OSRIC
    De Laertes?

    HORATIO, part, Hamlet
    Sa bourse est dộj vide : toutes ses paroles d'or sont dộpensộes.

    HAMLET
    De lui, monsieur.

    OSRIC
    Je pense que vous n'ờtes pas sans savoir...

    HAMLET
    Tant mieux si vous avez de moi cette opinion; mais quand vous l'auriez, cela ne prouverait rien en ma faveur... Eh bien, monsieur?

    OSRIC
    Vous n'ờtes pas sans savoir de quelle supộrioritộ Laertes est ...

    HAMLET
    Je n'ose faire cet aveu, de peur de me comparer lui : pour bien connaợtre un homme, il faut le connaợtre par soi-mờme.

    OSRIC
    Je ne parle, monsieur, que de sa supộrioritộ aux armes; d'aprốs la rộputation qu'on lui a faite, il a un talent sans ộgal.

    HAMLET
    Quelle est son arme?

    OSRIC
    L'ộpộe et la dague.

    HAMLET
    Ce sont deux de ses armes! Eh bien! aprốs?

    OSRIC
    Le roi, monsieur, a pariộ six chevaux barbes, contre lesquels, m'a-t-on ***, Laertes risque six rapiốres et six poignards de France avec leurs montures, ceinturon, bandouliốre, et ainsi de suite. Trois des trains sont vraiment d'une invention rare, parfaitement adaptộs aux poignộes, d'un travail trốs dộlicat et trốs somptueux.

    HAMLET
    Qu'appelez-vous les trains?

    HORATIO, Hamlet
    Vous ne le lõcherez pas, je sais bien, avant que ses explications ne vous aient ộdifiộ.

    OSRIC
    Les trains, monsieur, ce sont les ộtuis suspendre les ộpộes.

    HAMLET
    L'expression serait plus juste si nous portions une piốce de canon au cụtộ; en attendant, contentons-nous de les appeler des pendants de ceinturon. Six chevaux barbes contre six ộpộes de France, leurs accessoires, avec trois ceinturons trốs ộlộgants voil l'enjeu danois contre l'enjeu franỗais. Et sur quoi ce pari?

    OSRIC
    Le roi a pariộ, monsieur, que, sur douze bottes ộchangộes entre vous et Laertes, celui-ci n'en porterait pas trois de plus que vous; Laertes a pariộ vous toucher neuf fois sur douze. Et la question serait soumise une ộpreuve immộdiate, si Votre Seigneurie daignait rộpondre.

    HAMLET
    Comment? Si je rộponds non?

    OSRIC
    Je veux dire, monseigneur, si vous daigniez opposer votre personne cette ộpreuve.

    HAMLET
    Monsieur, je vais me promener ici dans cette salle : si cela convient Sa Majestộ, voici pour moi l'heure de la rộcrộation. Qu'on apporte les fleurets, si ce gentilhomme y consent; et pour peu que le roi persiste dans sa gageure, je le ferai gagner, si je peux; sinon, j'en serai quitte pour la honte et les bottes de trop.

    OSRIC
    Rapporterai-je ainsi votre rộponse?

    HAMLET
    Dans ce sens-l, monsieur; ajoutez-y toutes les fleurs votre goỷt.

    OSRIC
    Je recommande mon dộvouement Votre Seigneurie.
    (Il sort.)

    HAMLET
    Son dộvouement! son dộvouement ! ... Il fait bien de le recommander lui-mờme : il n'y a pas d'autres langues pour s'en charger.

    HORATIO
    On dirait un vanneau qui fuit ayant sur la tờte la coque de son oeuf.

    HAMLET
    Il faisait des compliments la mamelle de sa nourrice avant de la tộter. Comme beaucoup d'autres de la mờme volộe dont je vois raffoler le monde superficiel, il se borne prendre le ton du jour et les usages extộrieurs de la sociộtộ. Sorte d'ộcume que la fermentation fait monter au sommet de l'opinion ardente et agitộe : soufflez seulement sur ces bulles pour en faire l'ộpreuve, elles crốvent!

    (Entre un seigneur.)

    LE SEIGNEUR
    Monseigneur, le roi vous a fait complimenter par le jeune Osric qui lui a rapportộ que vous l'attendiez dans cette salle. Il m'envoie savoir si c'est votre bon plaisir de commencer la partie avec Laertes, ou de l'ajourner.

    HAMLET
    Je suis constant dans mes rộsolutions, elles suivent le bon plaisir du roi. Si Laertes est prờt, je le suis; sur-le-champ, ou n'importe quand, pourvu que je sois aussi dispos qu' prộsent.

    LE SEIGNEUR
    Le roi, la reine et toute la cour vont descendre.

    HAMLET
    Ils seront les bienvenus.

    LE SEIGNEUR
    La reine vous demande de faire un accueil cordial Laertes avant de vous mettre la partie.

    HAMLET
    Elle me donne un bon conseil. (Sort le seigneur.)

    HORATIO
    Vous perdrez ce pari, monseigneur.

    HAMLET
    Je ne crois pas : depuis qu'il est parti pour la France, je me suis continuellement exercộ : avec l'avantage qui m'est fait, je gagnerai. Mais tu ne saurais croire quel mal j'ộprouve ici, du cụtộ du coeur. N'importe!

    HORATIO
    Pourtant, monseigneur...

    HAMLET
    C'est une niaiserie : une sorte de pressentiment qui suffirait peut-ờtre troubler une femme.

    HORATIO
    Si vous avez dans l'esprit quelque rộpugnance, obộissez-y. Je vais les prộvenir de ne pas se rendre ici, en leur disant que vous ờtes indisposộ.

    HAMLET
    Pas du tout. Nous bravons le prộsage : il y a une providence spộciale pour la chute d'un moineau. Si mon heure est venue, elle n'est pas venir; si elle n'est pas venir, elle est venue: que ce soit prộsent ou pour plus tard, soyons prờts. Voil tout. Puisque l'homme n'est pas maợtre de ce qu'il quitte, qu'importe qu'il le quitte de bonne heure!

    Entrent LE ROI, LA REINE, LAERTES, OSRIC,
    des seigneurs, des serviteurs portant des fleurets, des gantelets, une table et des flacons de vin

    LE ROI
    Venez, Hamlet, venez, et prenez cette main que je vous prộsente.
    (Le roi met la main de Laertes dans celle d'Hamlet.)

    HAMLET
    Pardonnez-moi, monsieur, je vous ai offensộ, mais pardonnez-moi en gentilhomme. Ceux qui sont ici prộsents savent et vous devez avoir appris de quel cruel ộgarement j'ai ộtộ affligộ. Si j'ai fait quelque chose qui ait pu irriter votre caractere, votre honneur, votre rancune, je le proclame ici acte de folie. Est-ce Hamlet qui a offensộ Laertes? Ce n'a jamais ộtộ Hamlet. Si Hamlet est enlevộ lui-mờme, et si, n'ộtant plus lui-mờme, il offense Laertes, alors, ce n'est pas Hamlet qui agit: Hamlet renie l'acte. Qui agit donc? sa folie. S'il en est ainsi, Hamlet est du parti des offensộs, le pauvre Hamlet a sa folie pour ennemi. Monsieur, aprốs ce dộsaveu de toute intention mauvaise fait devant cet au***oire, puissộ-je n'ờtre condamnộ dans votre gộnộreuse pensộe que comme si, lanỗant une flốche par-dessus la maison, j'avais blessộ mon frốre!

    LAERTES
    Mon coeur est satisfait, et ce sont ses inspirations qui, dans ce cas, me poussaient le plus la vengeance; mais sur le terrain de l'honneur, je reste l'ộcart et je ne veux pas de rộconciliation, jusqu' ce que des arbitres plus õgộs, d'une loyautộ connue, m'aient imposộ, d'aprốs les prộcộdents, une sentence de paix qui sauvegarde mon nom. Jusque-l j'accepte comme bonne amitiộ l'amitiộ que vous m'offrez, et je ne ferai rien pour la blesser.

    HAMLET
    J'embrasse franchement cette assurance, et je m'engage loyalement dans cette joute fraternelle. Donnez-nous les fleurets, allons!

    LAERTES
    Voyons! qu'on m'en donne un!

    HAMLET
    Je vais ờtre votre plastron, Laertes auprốs de mon inexpộrience, comme un astre dans la nuit la plus noire, votre talent va ressortir avec ộclat.

    LAERTES
    Vous vous moquez de moi, monseigneur.

    HAMLET
    Non, je le jure.

    LE ROI
    Donnez-leur les fleurets, jeune Osric. Cousin Hamlet, vous connaissez la gageure?

    HAMLET
    Parfaitement, monseigneur. Votre Grõce a pariộ bien gros pour le cụtộ le plus faible.

    LE ROI
    Je n'en suis pas inquiet je vous ai vus tous deux... D'ailleurs, puisque Hamlet est avantagộ, la chance est pour nous.

    LAERTES, essayant un fleuret
    Celui-ci est trop lourd, voyons-en un autre.

    HAMLET
    Celui-ci me va. Ces fleurets ont tous la mờme longueur?

    OSRIC
    Oui, mon bon seigneur. (Ils se mettent en garde.)

    LE ROI
    Posez-moi les flacons de vin sur cette table si Hamlet porte la premiốre ou la seconde botte, ou s'il riposte la troisiốme, que les batteries fassent feu de toutes leurs piốces ! Le roi boira la santộ d'Hamlet, et jettera dans la coupe une perle plus prộcieuse que celles que les quatre rois nos prộdộcesseurs ont portộes sur la couronne de Danemark. Donnez-moi les coupes. Que les timbales disent aux trompettes, les trompettes aux canons du dehors, les canons aux cieux, les cieux la terre, que le roi boit Hamlet! Allons, commencez! Et vous, juges, ayez l'oeil attentif!

    HAMLET
    En garde, monsieur!

    LAERTES
    En garde, monseigneur! (Ils commencent l'assaut.)

    HAMLET
    Une!

    LAERTES
    Non.

    HAMLET
    Jugement!

    OSRIC
    Touchộ! trốs positivement touchộ!

    LAERTES
    Soit! Recommenỗons.

    LE ROI
    Attendez qu'on me donne boire. Hamlet, cette perle est toi; je bois ta santộ. Donnez-lui la coupe. (Les trompettes sonnent; bruit du canon au-dehors.)

    HAMLET
    Je veux auparavant terminer cet assaut: mettez-la de cụtộ un moment. Allons! (L'assaut recommence.) Encore une! Qu'en ***es-vous?

    LAERTES
    Touchộ, touchộ ! je l'avoue.

    LE ROI
    Notre fils gagnera.

    LA REINE
    Il est gras et de courte haleine... Tiens, Hamlet, prends mon mouchoir et frotte-toi le front. La reine boit ton succốs, Hamlet.

    HAMLET
    Bonne madame!

    LE ROI
    Gertrude, ne buvez pas!

    LA REINE, prenant la coupe
    Je boirai, monseigneur; excusez-moi, je vous prie.

    LE ROI, part
    C'est la coupe empoisonnộe! Il est trop tard.

    HAMLET
    Je n'ose pas boire encore, madame ; tout l'heure.

    LA REINE
    Viens, laisse-moi essuyer ton visage.

    LAERTES, au roi
    Monseigneur, je vais le toucher cette fois.

    LE ROI
    Je ne le crois pas.

    LAERTES, part
    Et pourtant c'est presque contre ma conscience.

    HAMLET
    Allons, la troisiốme, Laertes! Vous ne faites que vous amuser; je vous en prie, tirez de votre plus belle force; j'ai peur que vous ne me traitiez en enfant.

    LAERTES
    Vous ***es cela? En garde! (Ils recommencent.)

    OSRIC
    Rien des deux parts.

    LAERTES
    vous, maintenant! (Laertes blesse Hamlet. Puis, en ferraillant, ils ộchangent leurs fleurets, et Hamlet blesse Laertes.)

    LE ROI
    Sộparez-les; ils sont enflammộs.

    HAMLET
    Non. Recommenỗons! (La reine tombe.)

    OSRIC
    Secourez la reine! l! ho!

    HORATIO
    Ils saignent tous les deux. Comment cela se fait-il, monseigneur?

    OSRIC
    Comment ờtes-vous, Laertes?

    LAERTES
    Ah! comme une buse prise son propre piốge, Osric ! je suis tuộ justement par mon guet-apens.

    HAMLET
    Comment est la reine?

    LE ROI
    Elle s'est ộvanouie la vue de leur sang.

    LA REINE
    Non! non! le breuvage! le breuvage! ễ mon Hamlet chộri! le breuvage! le breuvage! Je suis empoisonnộe. (Elle meurt.)

    HAMLET
    ễ infamie ! ... Hol! qu'on ferme la porte! Il y a une trahison : qu'on la dộcouvre!

    LAERTES
    La voici, Hamlet : Hamlet, tu es assassinộ; nul remốde au monde ne peut te sauver; en toi il n'y a plus une demi-heure de vie; l'arme traợtresse est dans ta main, dộmouchetộe et venimeuse; le coup hideux s'est retournộ contre moi. Tiens! je tombe ici, pour ne jamais me relever; ta mốre est empoisonnộe... Je n'en puis plus... Le roi... le roi est le coupable.

    HAMLET
    La pointe empoisonnộe aussi! Alors, venin, ton oeuvre!
    (Il frappe le roi.)

    OSRIC et LES SEIGNEURS
    Trahison! trahison!

    LE ROI
    Oh! dộfendez-moi encore, mes amis; je ne suis que blessộ!

    HAMLET
    Tiens! toi, incestueux, meurtrier, damnộ Danois! Bois le reste de cette potion !... Ta perle y est-elle? Suis ma mốre. (Le roi meurt.)

    LAERTES
    Il a ce qu'il mộrite : c'est un poison prộparộ par lui-mờme. ẫchange ton pardon avec le mien, noble Hamlet. Que ma mort et celle de mon pốre ne retombent pas sur toi, ni la tienne sur moi! (Il meurt.)

    HAMLET
    Que le ciel t'en absolve! Je vais te suivre... Je meurs, Horatio... Reine misộrable, adieu !... Vous qui põlissez et tremblez devant cette catastrophe, muets au***eurs de ce drame, si j'en avais le temps, si la mort, ce recors farouche, ne m'arrờtait si strictement, oh! je pourrais vous dire... Mais rộsignonsưnous... Horatio, je meurs; tu vis, toi! justifie-moi, explique ma cause ceux qui l'ignorent.

    HORATIO
    Ne l'espộrez pas. Je suis plus un Romain qu'un Danois. Il reste encore ici de la liqueur.

    HAMLET
    Si tu es un homme, donne-moi cette coupe, lõche-la ;... par le ciel, je l'aurai! Dieu! quel nom blessộ, Horatio, si les choses restent ainsi inconnues, vivra aprốs moi! Si jamais tu m'as portộ dans ton coeur, absente-toi quelque temps encore de la fộlicitộ cộleste, et exhale ton souffle pộnible dans ce monde rigoureux, pour raconter mon histoire. (Marche militaire au loin; bruit de mousqueterie derriốre le thộõtre.) Quel est
    ce bruit martial?

    OSRIC
    C'est le jeune Fortinbras qui arrive vainqueur de Pologne, et qui salue les ambassadeurs d'Angleterre de cette salve guerriốre.

    HAMLET
    Oh! je meurs, Horatio; le poison puissant ộtreint mon souffle; je ne pourrai vivre assez pour savoir les nouvelles d'Angleterre; mais je prộdis que l'ộlection s'abattra sur Fortinbras; il a ma voix mourante; raconte-lui, avec plus ou moins de dộtails, ce qui a provoquộ... Le reste... c'est silence... (Il meurt.)

    HORATIO
    Voici un noble coeur qui se brise. Bonne nuit, doux prince! que des essaims d'anges te bercent de leurs chants ! ... Pour quoi ce bruit de tambours ici?
    (Marche militaire derriốre la scốne.)

    Entrent FORTINBRAS, LES AMBASSADEURSd'Angleterre et autres

    FORTINBRAS
    Oự est ce spectacle?

    HORATIO
    Qu'est-ce que vous voulez voir? Si c'est un malheur ou un prodige, ne cherchez pas plus loin.

    FORTINBRAS
    Ce monceau crie : Carnage ! ... ễ fiốre mort! quel festin prộpares-tu dans ton antre ộternel, que tu as, d'un seul coup, abattu dans le sang tant de princes?

    PREMIER AMBASSADEUR
    Ce spectacle est effrayant; et nos dộpờches arrivent trop tard d'Angleterre. Il a l'oreille insensible celui qui devait nous ộcouter, qui nous devions dire que ses ordres sont remplis, que Rosencrantz et Guildenstern sont morts. D'oự recevrons-nous nos remerciements?

    HORATIO
    Pas de sa bouche, lors mờme qu'il aurait le vivant pouvoir de vous remercier: il n'a jamais commandộ leur mort. Mais puisque vous ờtes venus si brusquement au milieu de cette crise sanglante, vous, de la guerre de Pologne, et vous, d'Angleterre, donnez ordre que ces corps soient placộs sur une haute estrade la vue de tous, et laissez-moi dire au monde qui l'ignore encore, comment ceci est arrivộ. Alors vous entendrez parler d'actes charnels, sanglants, contre nature; d'accidents expiatoires; de meurtres involontaires; de morts causộes par la perfidie ou par une force majeure; et, pour dộnouement, de complots retombộs par mộprise sur la tờte des auteurs. Voil tout ce que je puis vous raconter sans mentir.

    FORTINBRAS
    Hõtons-nous de l'entendre, et convoquons les plus nobles l'au***oire. Pour moi, c'est avec douleur que j'accepte ma fortune : j'ai sur ce royaume des droits non oubliộs, que mon intộrờt m'invite revendiquer.

    HORATIO
    J'ai mission de parler sur ce point, au nom de quelqu'un dont la voix en entraợnera bien d'autres. Mais agissons immộdiatement, tandis que les esprits sont encore ộtonnộs, de peur qu'un complot ou une mộprise ne cause de nouveaux malheurs.

    FORTINBRAS
    Que quatre capitaines portent Hamlet, comme un combattant, sur l'estrade; car, probablement s'il eỷt ộtộ mis l'ộpreuve, c'eỷt ộtộ un grand roi! et que, sur son passage, la musique militaire et les salves guerriốres retentissent hautement en son honneur! Enlevez les corps : un tel spectacle ne sied qu'au champ de bataille; ici, il fait mal. Allez! ***es aux soldats de faire feu. (Marche funốbre. Ils sortent en portant les cadavres;
    aprốs quoi, on entend une dộcharge d'artillerie.)



    Sayonara!!! Good Night, sleep tight, don't let the bed bugs bite.

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