<TITRE L'art d'tre grand-pre (1877)> <AUTEUR Hugo, Victor> I A GUERNESEY I L'EXIL SATISFAIT Solitude! silence! oh! le dsert me tente. L'me s'apaise l, svrement contente; L d'on ne sait quelle ombre on se sent l'claireur. Je vais dans les forts chercher la vague horreur; La sauvage paisseur des branches me procure Une sorte de joie et d'pouvante obscure; Et j'y trouve un oubli presque gal au tombeau. Mais je ne m'teins pas; on peut rester flambeau Dans l'ombre, et, sous le ciel, sous la crypte sacre, Seul, frissonner au vent profond de l'empyre. Rien n'est diminu dans l'homme pour avoir Jet la sonde au fond tnbreux du devoir. Qui voit de haut, voit bien; qui voit de loin, voit juste. La conscience sait qu'une croissance auguste Est possible pour elle, et va sur les hauts lieux Rayonner et grandir, loin du monde oublieux. Donc je vais au dsert, mais sans quitter le monde. Parce qu'un songeur vient, dans la fort profonde Ou sur l'escarpement des falaises, s'asseoir Tranquille et m***ant l'immensit du soir, Il ne s'isole point de la terre ó nous sommes. Ne sentez-vous donc pas qu'ayant vu beaucoup d'hommes On a besoin de fuir sous les arbres pais, Et que toutes les soifs de vrit, de paix, D'quit, de raison et de lumire, augmentent Au fond d'une me, aprs tant de choses qui mentent ? Mes frres ont toujours tout mon coeur, et, lointain Mais prsent, je regarde et juge le destin; Je tiens, pour complter l'me humaine bauche, L'urne de la piti sur les peuples penche, Je la vide sans cesse et je l'emplis toujours. Mais je prends pour abri l'ombre des grands bois sourds. Oh! j'ai vu de si prs les foules misrables, Les cris, les chocs, l'affront aux ttes vnrables, Tant de lches grandis par les troubles civils, Des juges qu'on ẻt d juger, des prtres vils Servant et souillant Dieu, prchant pour, prouvant contre, J'ai tant vu la laideur que notre beaut montre, Dans notre bien le mal, dans notre vrai le faux, Et le nant passant sous nos arcs triomphaux, J'ai tant vu ce qui mord, ce qui fuit, ce qui ploie Que, vieux, faible et vaincu, j'ai dsormais pour joie De rver immobile en quelque sombre lieu; L, saignant, je m***e; et, lors mme qu'un dieu M'offrirait pour rentrer dans les villes la gloire, La jeunesse, l'amour, la force, la victoire, Je trouve bon d'avoir un trou dans les forts, Car je ne sais pas trop si je consentirais. II Qu'est-ce que cette terre ? Une tempte d'mes. Dans cette ombre, ó, nochers errants, nous n'abordmes Jamais qu' des cueils, les prenant pour des ports; Dans l'orage des cris, des dsirs, des transports, Des amours, des douleurs, des veux, tas de nues; Dans les fuyants baisers de ces prostitues Que nous nommons fortune, ambition, succs; Devant Job qui, souffrant, ***: Qu'est-ce que je sais? Et Pascal qui, tremblant, ***: Qu'est-ce que je pense ? Dans cette monstrueuse et froce dpense De papes, de csars, de rois, que fait Satan; En prsence du sort tournant son cabestan Par qui toujours-de l l'effroi des philosophes- Sortent des mmes flots les mmes catastrophes; Dans ce nant qui mord, dans ce chaos qui ment, Ce que l'homme finit par voir distinctement, C'est, par-dessus nos deuils, nos chutes, nos descentes, La souverainet des choses innocentes. tant donns le coeur humain, l'esprit humain, Notre hier tnbreux, notre obscur lendemain, Toutes les guerres, tous les chocs, toutes les haines, Notre progrs coup d'un traỵnement de chaỵnes, Partout quelque remords, mme chez les meilleurs, Et par les vents soufflant du fond des cieux en pleurs La foule des vivants sans fin bouleverse, Certe, il est salutaire et bon pour la pense, Sous l'entre-croisement de tant de noirs rameaux, De contempler parfois, travers tous nos maux Qui sont entre le ciel et nous comme des voiles, Une profonde paix toute faite d'toiles; C'est cela que Dieu songeait quand il a mis Les potes auprs des berceaux endormis. III JEANNE FAIT SON ENTRE Jeanne parle; elle *** des choses qu'elle ignore; Elle envoie la mer qui gronde, au bois sonore, A la nue, aux fleurs, aux nids, au firmament, A l'immense nature un doux gazouillement, Tout un discours, profond peut-tre, qu'elle achve Par un sourire ó flotte une me, ó tremble un rve, Murmure indistinct, vague, obscur, confus, brouill, Dieu, le bon vieux grand-pre, coute merveill. IV VICTOR, SED VICTUS Je suis, dans notre temps de chocs et de fureurs, Belluaire, et j'ai fait la guerre aux empereurs; J'ai combattu la foule immonde des Sodomes, Des millions de flots et des millions d'hommes Ont rugi contre moi sans me faire cder; Tout le gouffre est venu m'attaquer et gronder, Et j'ai livr bataille aux vagues cumantes, Et sous l'norme assaut de l'ombre et des tourmentes Je n'ai pas plus courb la tte qu'un cueil; Je ne suis pas de ceux qu'effraie un ciel en deuil, Et qui, n'osant sonder les styx et les avernes, Tremblent devant la bouche obscure des ****rnes; Quand les tyrans lanaient sur nous, du haut des airs, Leur noir tonnerre ayant des crimes pour clairs, J'ai jet mon vers sombre ces passants sinistres; J'ai traỵn tous les rois avec tous leurs ministres, Tous les faux dieux avec tous les principes faux, Tous les trơnes lis tous les chafauds, L'erreur, le glaive infme et le sceptre sublime, J'ai traỵn tout cela ple-mle l'abỵme; J'ai devant les csars, les princes, les gants De la force debout sur l'amas des nants, Devant tous ceux que l'homme adore, excre, encense, Devant les Jupiters de la toute-puissance, t quarante ans fier, indompt, triomphant; Et me voil vaincu par un petit enfant. V L'AUTRE Viens, mon George. Ah! les fils de nos fils nous enchantent, Ce sont de jeunes voix matinales qui chantent. Ils sont dans nos logis lugubres le retour Des roses, du printemps, de la vie et du jour! Leur rire nous attire une larme aux paupires Et de notre vieux seuil fait tressaillir les pierres; De la tombe entr'ouverte et des ans lourds et froids Leur regard radieux dissipe les effrois; Ils ramnent notre me aux premires annes; Ils font rouvrir en nous toutes nos fleurs fanes; Nous nous retrouvons doux, nạfs, heureux de rien; Le coeur serein s'emplit d'un vague ắrien; En les voyant on croit se voir soi-mme clore; Oui, devenir ạeul, c'est rentrer dans l'aurore. Le vieillard gai se mle aux marmots triomphants. Nous nous rapetissons dans les petits enfants. Et, calms, nous voyons s'envoler dans les branches Notre me sombre avec toutes ces mes blanches. VI GEORGES ET JEANNE Moi qu'un petit enfant rend tout fait stupide, J'en ai deux; George et Jeanne; et je prends l'un pour guide Et l'autre pour lumire, et j'accours leur voix, Vu que George a deux ans et que Jeanne a dix mois. Leurs essais d'exister sont divinement gauches; On croit, dans leur parole ó tremblent des bauches, Voir un reste de ciel qui se dissipe et fuit; Et moi qui suis le soir, et moi qui suis la nuit, Moi dont le destin ple et froid se dcolore, J'ai l'attendrissement de dire: Ils sont l'aurore. Leur dialogue obscur m'ouvre des horizons; Ils s'entendent entr'eux, se donnent leurs raisons. Jugez comme cela disperse mes penses. En moi, dsirs, projets, les choses insenses, Les choses sages, tout, leur tendre lueur, Tombe, et je ne suis plus qu'un bonhomme rveur. Je ne sens plus la trouble et secrte secousse Du mal qui nous attire et du sort qui nous pousse. Les enfants chancelants sont nos meilleurs appuis. Je les regarde, et puis je les coute, et puis Je suis bon, et mon coeur s'apaise en leur prsence; J'accepte les conseils sacrs de l'innocence, Je fus toute ma vie ainsi; je n'ai jamais Rien connu, dans les deuils comme sur les sommets, De plus doux que l'oubli qui nous envahit l'me Devant les tres purs d'ó monte une humble flamme; Je contemple, en nos temps souvent noirs et ternis, Ce point du jour qui sort des berceaux et des nids. Le soir je vais les voir dormir. Sur leurs fronts calmes. Je distingue bloui l'ombre que font les palmes Et comme une clart d'toile son lever, Et je me dis: quoi peuvent-ils donc rver ? Georges songe aux gteaux, aux beaux jouets tranges, Au chien, au coq, au chat; et Jeanne pense aux anges. Puis, au rveil, leurs yeux s'ouvrent, pleins de rayons. Ils arrivent, hlas! l'heure ó nous fuyons. Ils jasent. Parlent-ils ? Oui, comme la fleur parle A la source des bois; comme leur pre Charle, Enfant, parlait jadis leur tante Dd; Comme je vous parlais, de soleil inond, Ơ mes frres, au temps ó mon pre, jeune homme, Nous regardait jouer dans la caserne, Rome, A cheval sur sa grande pe, et tout petits. Jeanne qui dans les yeux a le myosotis, Et qui, pour saisir l'ombre entr'ouvrant ses doigts frles, N'a presque pas de bras ayant encor des ailes, Jeanne harangue, avec des chants ó flotte un mot, Georges beau comme un dieu qui serait un marmot. Ce n'est pas la parole, ơ ciel bleu, c'est le verbe; C'est la langue infinie, innocente et superbe Que soupirent les vents, les forts et les flots; Les pilotes Jason, Palinure et Typhlos Entendaient la sirne avec cette voix douce Murmurer l'hymne obscur que l'eau profonde mousse; C'est la musique parse au fond du mois de mai Qui fait que l'un ***: J'aime, et l'autre, hlas: J'aimai; C'est le langage vague et lumineux des tres Nouveau-ns, que la vie attire ses fentres, Et qui, devant avril, perdus, hsitants, Bourdonnent la vitre immense du printemps. Ces mots mystrieux que Jeanne *** George, C'est l'idylle du cygne avec le rouge-gorge, Ce sont les questions que les abeilles font, Et que le lys nạf pose au moineau profond; C'est ce dessous divin de la vaste harmonie, Le chuchotement, l'ombre ineffable et bnie Jasant, balbutiant des bruits de vision, Et peut-tre donnant une explication; Car les petits enfants taient hier encore Dans le ciel, et savaient ce que la terre ignore. Ơ Jeanne! Georges! voix dont j'ai le coeur saisi ! Si les astres chantaient, ils bgaieraient ainsi. Leur front tourn vers nous nous claire et nous dore. Oh ! d'ó venez-vous donc, inconnus qu'on adore ? Jeanne a l'air tonn; Georges a les yeux hardis. Ils trbuchent, encore ivres du paradis. VII Parfois, je me sens pris d'horreur pour cette terre; Mon vers semble la bouche ouverte d'un cratre; J'ai le farouche moi Que donne l'ouragan monstrueux au grand arbre; Mon coeur prend feu; je sens tout ce que j'ai de marbre Devenir lave en moi; Quoi! rien de vrai ! le scribe a pour appui le reỵtre; Toutes les robes, juge et vierge, femme et prtre, Mentent ou mentiront; Le dogme boit du sang, l'autel bnit le crime; Toutes les vrits, groupe triste et sublime, Ont la rougeur au front; La sinistre lueur des rois est sur nos ttes; Le temple est plein d'enfer; la clart de nos ftes Obscurcit le ciel bleu; L'me a le penchement d'un navire qui sombre; Et les religions, ttons, ont dans l'ombre Pris le dmon pour Dieu! Oh ! qui me donnera des paroles terribles ? Oh! je dchirerai ces chartes et ces bibles, Ces codes, ces korans! Je pousserai le cri profond des catastrophes; Et je vous saisirai, sophistes, dans mes strophes, Dans mes ongles, tyrans. Ainsi, frmissant, ple, indign, je bouillonne; On ne sait quel essaim d'aigles noirs tourbillonne Dans mon ciel embras; Deuil! guerre ! une eumnide en mon me est close ! Quoi! le mal est partout! Je regarde une rose Et je suis apais. VIII LỈTITIA RERUM Tout est pris d'un frisson subit. L'hiver s'enfuit et se drobe. L'anne ơte son vieil habit; La terre met sa belle robe. Tout est nouveau, tout est debout; L'adolescence est dans les plaines; La beaut du diable, partout, Rayonne et se mire aux fontaines. L'arbre est coquet; parmi les fleurs C'est qui sera la plus belle; Toutes talent leurs couleurs, Et les plus laides ont du zle. Le bouquet jaillit du rocher; L'air baise les feuilles lgres; Juin rit de voir s'endimancher Le petit peuple des fougres. C'est une fte en vrit, Fte ó vient le chardon, ce rustre; Dans le grand palais de l't Les astres allument le lustre. On fait les foins. Bientơt les bls. Le faucheur dort sous la cpe; Et tous les souffles sont mls D'une senteur d'herbe coupe. Qui chante l ? Le rossignol. Les chrysalides sont parties. Le ver de terre a pris son vol Et jet le froc aux orties; L'aragne sur l'eau fait des ronds; Ơ ciel bleu! l'ombre est sous la treille; Le jonc tremble, et les moucherons Viennent vous parler l'oreille; On voit rơder l'abeille jeun, La gupe court, le frelon guette; A tous ces buveurs de parfum Le printemps ouvre sa guinguette. Le bourdon, aux excs enclin Entre en chiffonnant sa chemise; Un oeillet est un verre plein Un lys est une nappe mise. La mouche boit le vermillon Et l'or dans les fleurs demi-closes, Et l'ivrogne est le papillon, Et les cabarets sont les roses. De joie et d'extase on s'emplit, L'ivresse, c'est la dlivrance; Sur aucune fleur on ne lit: Socit de temprance. Le faste providentiel Partout brille, clate et s'panche Et l'unique livre, le ciel, Est par l'aube dor sur tranche. Enfants, dans vos yeux clatants Je crois voir l'empyre clore; Vous riez comme le printemps Et vous pleurez comme l'aurore. IX Je prendrai par la main les deux petits enfants; J'aime les bois ó sont les chevreuils et les faons, O les cerfs tachets suivent les biches blanches Et se dressent dans l'ombre effrays par les branches; Car les fauves sont pleins d'une telle vapeur Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur. Les arbres ont cela de profond qu'ils vous montrent Que l'den seul est vrai, que les coeurs s'y rencontrent, Et que, hors les amours et les nids, tout est vain; Thocrite souvent dans le hallier divin Crut entendre marcher doucement la mnade. C'est l que je ferai ma lente promenade Avec les deux marmots. J'entendrai tour tour Ce que Georges conseille Jeanne, doux amour, Et ce que Jeanne enseigne George. En patriarche Que mnent les enfants, je rglerai ma marche Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas, Et sur la petitesse aimable de leurs pas. Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mres. Ơ vaste apaisement des forts! ơ murmures! Avril vient calmer tout, venant tout embaumer. Je n'ai point d'autre affaire ici-bas que d'aimer. X PRINTEMPS Tout rayonne, tout luit, tout aime, tout est doux; Les oiseaux semblent d'air et de lumire fous; L'me dans l'infini croit voir un grand sourire. quoi bon exiler, rois ? quoi bon proscrire ? Proscrivez-vous l't ? m'exilez-vous des fleurs ? Pouvez-vous empcher les souffles, les chaleurs, Les clarts, d'tre l, sans joug, sans fin, sans nombre, Et de me faire fte, moi banni, dans l'ombre ? Pouvez-vous m'amoindrir les grands flots haletants, L'ocan, la joyeuse cume, le printemps Jetant les parfums comme un prodigue en dmence, Et m'ơter un rayon de ce soleil immense ? Non. Et je vous pardonne. Allez, trơnez, vivez, Et tchez d'tre rois longtemps, si vous pouvez. Moi, pendant ce temps-l, je maraude, et je cueille, Comme vous un empire, un brin de chvrefeuille, Et je l'emporte, ayant pour conqute une fleur. Quand, au-dessus de moi, dans l'arbre, un querelleur, Un mle, cherche noise sa douce femelle, Ce n'est pas mon affaire et pourtant je m'en mle, Je dis: Paix l, messieurs les oiseaux, dans les bois ! Je les rconcilie avec ma grosse voix; Un peu de peur qu'on fait aux amants les rapproche. Je n'ai point de ruisseau, de torrent, ni de roche; Mon gazon est troit, et, tout prs de la mer, Mon bassin n'est pas grand, mais il n'est pas amer. Ce coin de terre est humble et me plaỵt; car l'espace Est sur ma tte, et l'astre y brille, et l'aigle y passe, Et le vaste Bore y plane perdument. Ce parterre modeste et ce haut firmament Sont moi; ces bouquets, ces feuillages, cette herbe M'aiment, et je sens croỵtre en moi l'oubli superbe. Je voudrais bien savoir comment je m'y prendrais Pour me souvenir, moi l'hơte de ces forts Qu'il est quelqu'un, l-bas, au loin, sur cette terre, Qui s'amuse proscrire, et rgne, et fait la guerre, Puisque je suis l seul devant l'immensit, Et puisqu'ayant sur moi le profond ciel d't O le vent souffle avec la douceur d'une lyre, J'entends dans le jardin les petits enfants rire. XI FENTRES OUVERTES LE MATIN. - EN DORMANT J'entends des voix. Lueurs travers ma paupire. Une cloche est en branle l'glise Saint-Pierre . Cris des baigneurs. Plus prs! plus loin ! non, par ici ! Non, par l! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi. Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle. Grincement d'une faulx qui coupe le gazon. Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison. Bruits du port. Sifflement des machines chauffes. Musique militaire arrivant par bouffes. Brouhaha sur le quai. Voix franaises. Merci. Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici Que vient tout prs de moi chanter mon rouge-gorge. Vacarme de marteaux lointains dans une forge. L'eau clapote. On entend haleter un steamer. Une mouche entre. Souffle immense de la mer. XII UN MANQUE Pourquoi donc s'en est-il all, le doux amour ? Ils viennent un moment nous faire un peu de jour, Puis partent. Ces enfants, que nous croyons les nơtres, Sont quelqu'un qui n'est pas nous. Mais les deux autres, Tu ne les vois donc pas, vieillard ? Oui, je les vois, Tous les deux. Ils sont deux, ils pourraient tre trois. Voici l'heure d'aller se promener dans l'ombre Des grands bois, pleins d'oiseaux dont Dieu seul sait le nombre Et qui s'envoleront aussi dans l'inconnu. Il a son chapeau blanc, elle montre un pied nu, Tous deux sont cơte cơte; on marche l'aventure, Et le ciel brille, et moi je pousse la voiture. Toute la plaine en fleur a l'air d'un paradis; Le lzard court au pied des vieux saules, tandis Qu'au bout des branches vient chanter le rouge-gorge. Mademoiselle Jeanne a quinze mois, et George En a trente; il la garde; il est l'homme complet; Des filles comme a font son bonheur; il est Dans l'admiration de ces jolis doigts roses, Leur compare, en disant toutes sortes de choses, Ses grosses mains lui qui vont avoir trois ans, Et rit; il montre Jeanne en route aux paysans. Ah dame ! il marche, lui; cette mioche se traỵne; Et Jeanne rit de voir Georges rire; une reine Sur un trơne, c'est l Jeanne dans son panier; Elle est belle; et le chne en parle au marronnier, Et l'orme la salue et la montre l'rable, Tant sous le ciel profond l'enfance est vnrable. George a le sentiment de sa grandeur; il rit Mais il protge, et Jeanne a foi dans son esprit; Georges surveille avec un air assez farouche Cette enfant qui parfois met un doigt dans sa bouche; Les sentiers sont confus et nous nous embrouillons. Comme tout le bois sombre est plein de papillons, Courons, *** Georges. Il veut descendre. Jeanne est gaie. Avec eux je chancelle, avec eux je bgaie. Oh! l'adorable joie, et comme ils sont charmants! Quel hymne auguste au fond de leurs gazouillements! Jeanne voudrait avoir tous les oiseaux qui passent; Georges vide un pantin dont les ressorts se cassent, Et m***e; et tous deux jasent; leurs cris joyeux Semblent faire partout dans l'ombre ouvrir des yeux; Georges, tout en mangeant des nfles et des pommes, M'apporte son jouet; moi qui connais les hommes Mieux que Georges, et qui sait les secrets du destin, Je raccommode avec un fil son vieux pantin. Mon Georges, ne va pas dans l'herbe; elle est trempe. Et le vent berce l'arbre, et Jeanne sa poupe. On sent Dieu dans ce bois pensif dont la douceur Se mle la gaỵt du frre et de la soeur; Nous obissons, Jeanne et moi, Georges commande; La nourrice leur chante une chanson normande, De celles qu'on entend le soir sur les chemins, Et Georges bat du pied, et Jeanne bat des mains. Et je m'panouis leurs divins vacarmes, Je ris; mais vous voyez sous mon rire mes larmes, Vieux arbres, n'est-ce pas ? et vous n'avez pas cru Que j'oublierai jamais le petit disparu. ANGELIQUE
Babel fish dich = may vi tinh, khong dung lam WITH GUERNESEY I THE EXILED SATISFIED ONE Loneliness! silence! oh! the desert tries me. The heart calms down there, severly satisfies; There of one does not know which shade one feels the scout. I in the forests will seek the vague horror; The savage thickness of the branches gets to me A kind of joy and obscure terror; And I find there a lapse of memory almost equal to the tomb. But I do not die out; one can remain torch In the shade, and, under the sky, the crowned crypt, Only, to shiver with the deep wind of empyrée. Nothing is decreased in the man to have Jeté the probe at the dark bottom of the duty. Who sees top, sees well; who sees by far, sees just. The conscience knows that a majestic growth Is possible for it, and goes on the high spot To radiate and grow, far from the oublieux world. Therefore I go to the desert, but without leaving the world. Because thoughtful comes, in the deep forest Or on the escarpment of cliffs, to sit down Quiet and contemplating the vastness of the evening, It is not isolated from the ground where we are. Thus do not smell you only having seen many men One needs to flee under the thick trees, And that all thirsts for truth, peace, By equity, by reason and light, increase At the bottom of a heart, after so much of things which lie? My brothers always have all my heart, and, distance But present, I look at and judge the destiny; I hold, *****pplement the outlined human heart, The ballot box of pity on the people leaning, I empty it unceasingly and I always filled up it. But I take for shelter the shade of large drink deaf. Oh! I saw of so close miserable crowd, Cries, shocks, the affront with the worthy heads, So many cowards grown by the civil disorders, Judges whom one had had to judge, of the cheap priests Serving and soiling God, preaching for, proving against, I so much saw the ugliness which our beauty shows, In our good evil, our truth the forgery, And nothing passing under our triumphal arches, I so much saw what bites, which flees, which ploie That, old man, weak and overcome, I have from now on as a joy To dream motionless in some dark place; There, bleeding, I me***ate; and, at the time same as a god Would offer to me to re-enter in the cities glory, Youth, love, the force, victory, I find good to have a hole in the forests, Because I do not know too much if I would agree. II What this ground? A storm of hearts. In this shade, where, nochers wandering, we did not approach Never that with shelves, taking them for ports; In the storm of the cries, desires, transport, Loves, pains, want, heap of clouds; In the reducing kisses of these prostitutes That we name fortune, ambition, success; In front of Job which, suffering, known as: What do I know? And Pascal who, trembling, known as: What do I think? In this monstrous and wild expen***ure Popes, of césars, kings, whom makes Satan; In the presence of the fate turning its capstan By which always -- from there the fear of the philosophers -- Come out of the same floods the same catastrophes; In this nothing which bites, in this chaos which lies, What the man ends up seeing distinctly, It is, over our mournings, our falls, our descents, The sovereignty of the innocent things. Being given the human heart, the human spirit, Our yesterday dark, our obscure following day, All wars, all shocks, all hatreds, Our progress cut of tranement of chains, Everywhere the some remorse, even at best, And by the winds blowing of the bottom of the skies in tears The crowd of alive without upset end, Certe, it is salutary and good for the thought, Under the between-crossing of so much of blacks branches, To contemplate sometimes, through all our evils Who are between the sky and us like veils, A deep done everything star peace; It is with that that God thought when it put Poets near the deadened cradles. III JEANNE MAKES HER INPUT Jeanne speaks; she says things which she is unaware of; She sends to the sea which thunders, with sound wood, With the cloud, the flowers, the nests, with firmament, With immense nature a soft chirp, A whole speech, major perhaps, which it completes By a smile where fleet a heart, where trembles a dream, Murmur indistinct, vague, obscure, confused, scrambled, God, the good old man grandfather, listening filled with wonder. IV VICTOR, SED VICTUS I am, in our time of shocks and furies, Belluaire, and I made the war with the emperors; I fought crowd immonde of Sodomes, Million floods and million men Howled against me without me to make yield; All the pit came to attack me and thunder, And I delivered battle with the foaming waves, And under the enormous attack of the shade and the storms I did not curve the head more than a shelf; I am not those which frightens a sky in mourning, And which, not daring to probe the styx and the avernes, Tremble in front of the obscure mouth of the ****s; When the tyrants launched on us, the top of the airs, Their black thunder having crimes for flashes, I threw my worms dark with these sinister passers by; I trailed all the kings with all their ministers, All false gods with all the false principles, All thrones related to all the scaffolds, The error, the glaive infamous one and the sublime sceptre, I trailed all that pêle-mixes with the abyss; I have in front of the césars, the princes, the giants Force upright on the cluster of nothings, In front of all those which the man adores, exècre, encense, In front of Jupiters of the absolute power, Summer forty years proud, untamed, triumphing; And overcome here me is by a little child. V THE OTHER Come, my George. Ah! the wire of our sons enchant us, In fact young morning voices sing. They are in our home lugubrious the return Pinks, spring, life and day! Their laughter attracts us a tear with the eyelids And of our old threshold makes tressaillir the stones; Tomb between open and of the heavy and cold years Their radiant glance dissipates fears; They bring back our heart to the first years; They make reopen in us all our faded flowers; We find ourselves soft, naive, happy of nothing; The serene heart fills up of an air vagueness; By seeing them one believes to see oneself hatching; Yes, to become grandfather, it is to re-enter in the dawn. The merry old man mixes with the triumphing kids. We reduce ourselves in the little children. And, calmed, we see flying away in the branches Our heart sinks with all these white hearts. VI GEORGE AND JEANNE Me that a little child makes completely stupid, I have two of them; George and Jeanne; and I take one for guide And the other for light, and I run to their voice, Considering George is two years old and that Jeanne has ten months. Their tests to exist are divinement left; One believes, in their word where tremble of the outlines, See a remainder of sky which is dissipated and fled; And me which am the evening, and me which am the night, Me whose pale and cold destiny is faded, I have the tenderizing to say: They are the dawn. Their obscure dialogue opens horizons to me; They get along between them, give each other their reasons. Judge as that disperses my thoughts. In me, desires, projects, the foolish things, Wise things, T *** TRANSLATION ENDS HERE *** ANGELIQUE