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L??Timage de l??Tadolescent rebelle dans la littérature du 19ème siècle

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi despi, 24/11/2001.

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  1. despi

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    L?Timage de l?Tadolescent rebelle dans la littérature du 19ème siècle

    L?Timage de l?Tadolescent rebelle dans la littérature du 19ème siècle
    par Francis Marcoin, chercheur à l?Tuniversité d?TArtois



    En préambule, Francis Marcoin présente l'activité d?Té***ion qu'il mène au sein de l'université d'Artois :



    une sous-collection aux Presses universitaires d'Artois, qui a publié plusieurs ouvrages de réflexion sur la littérature de jeunesse.


    une revue de recherche en littérature de jeunesse, Les cahiers Robinson, qui aborde les question de littérature et d'enfance. le dernier numéro s'intitule L'enfant des colonies. L'un des prochains sera L'enfant sauvage, dont le thème du sauvageon rejoint la thématique du rebelle.




    Intervention de Francis Marcoin


    Même si je m?Tintéresse à la question de la lecture contemporaine, je suis plutôt 19èmiste. Ce thème du rebelle dans la littérature de jeunesse ne me paraissait pas évident à traiter dans la mesure où il a toujours été convenu que le XIXe siècle était une époque de répression et de soumission, par opposition à la nôtre et en tout cas pour ce qui est du domaine de la littérature de jeunesse. La situation est en fait un petit peu plus complexe, comme je vais essayer de le montrer, étant entendu que l?Taspect historique ne m?Tintéresse ici qu?Ten raison du parallèle que l?Ton peut faire avec aujourd?Thui.


    Il me semble que l'é***ion contemporaine court le risque d?Tune sorte d?Tinstitutionnalisation du rebelle. Des personnes " ordinaires " comme nous tous, des enseignants, des bibliothécaires, rougiraient de considérer des auteurs qui ne se diraient pas insoumis. Dans la littérature, il y a une sorte d?Tinjonction, commencée dès le premier âge, disant à l'enfant qu'il doit être rebelle. Ce paradoxe risque d?Tenfermer la jeunesse, l?Tautre paradoxe étant que la rébellion survient dans une situation de censure ou d?Tinter***, si bien que la société actuelle, plutôt " permissive ", n?Test en fait nullement favorable à une véritable révolte. Plus généralement, c?Test l?Tartiste lui-même qui se définit aujourd'hui comme un perpétuel adolescent, qui tend à se figer dans cette adolescence, suivant un mouvement qui naît au milieu du XIXe siècle. L?Tartiste, qui était jusqu?Talors une figure institutionnelle, s'efforce désormais de se distinguer du bourgeois.



    Rimbaud est le modèle de l'adolescent, mais ce sont les filles qui sont présentes dans la littérature


    On remarquera simplement que, parmi les adolescents du XIXe siècle, Rimbaud ne se disait pas artiste. Il ne faisait pas le tour des écoles et n?Tétait pas en résidence aux frais de tel ou tel général, " pourri " par définition. Rimbaud était le fruit d?Tune éducation tout à fait classique : c?Tétait un brillant élève et l'un de ses premiers poèmes publié, Les étrennes des orphelins, provient d?Tun exercice de thème latin, à partir d?Tun poème d?Tun poète boulanger, un nommé Reboul de Nîmes, lui-même admirateur de Lamartine. On peut également trouver chez lui le modèle d'Hugo et même de Coppée, écrivain réactionnaire s?Til en est. Rimbaud est l?Tadolescent par excellence, mais un adolescent très différent de celui que l?Ton prétend construire aujourd?Thui. La figure de Rimbaud est essentielle dans la mesure où elle se pose contre son temps, contre le XIXe siècle tel que nous le connaissons, mais où en même temps elle est le produit de son temps. Pourquoi ce XIXe siècle a-t-il donné un authentique rebelle comme Rimbaud, alors que notre époque semble incapable d?Ten produire un équivalent ?


    Par ailleurs, le mot " adolescent " au XIXe siècle était employé d?Tune manière très vague, comme aujourd?Thui du reste, puisque des individus de trente ou trente-cinq ans peuvent se dire adolescents. Le mot " adolescent " est très ancien, on le trouve déjà chez Ronsard. Rimbaud l?Temploie assez peu. Au XIXe siècle, on parle plutôt des " jeunes gens " pour désigner les garçons à partir de quatorze ans. Lorsqu?Til s?Tagit des filles, on *** " jeunes personnes ", " demoiselles " ou " jeunes filles ", trois termes qui sont concurrents. Et si je voulais parler de l?Tadolescent au XIXe siècle en littérature de jeunesse, je parlerais plutôt de l?Tadolescente puisqu?Til est très clair que cette adolescente y occupe une place beaucoup plus grande que l?Tadolescent, pour la raison que la scolarisation des garçons, sans être encore généralisée, était plus avancée que celle des jeunes filles et qu?Tà ses débuts, la littérature de jeunesse occupe pour les filles une fonction éducative et instructive, puisqu?Telle remplit la fonction qui manque, l?Técole. Cette sous-scolarisation explique le caractère éducatif d?Tune production é***oriale qui n?Test pas pensée ou perçue réellement comme une littérature au sens moderne du terme. Vous n'entendrez jamais parler de littérature de jeunesse, mais d?Touvrages d?Téducation. Cette expression a un sens précis et émancipateur. Elle signifie que des textes qui nous paraissent aujourd?Thui rétrogrades permettent à la jeune fille ou à l?Tadolescente d?Têtre au contact du savoir, considéré à l?Tépoque comme une ouverture importante de l'horizon masculin.


    Au XIXe siècle, la littérature destinée aux entants est avant tout une littérature d'éducation


    Ces caractéristiques ont souvent été dénoncées par les critiques, en particulier Isabelle Jan, qui oppose volontiers la littérature de jeunesse anglaise et la littérature de jeunesse française. Elle regrette que l'é***ion française ait été trop longtemps liée à l?Técole et qu'elle continue de l?Têtre, dans la mesure où les relations entre les auteurs et l?Técole restent très fortes. Cette spécificité française se comprend par ses origines, puisque l?Tidée même de littérature de jeunesse n?Texiste pas. On produit d?Tabord des ouvrages d?Téducation qui ont une fonction d?Tenseignement et de transmission d'une morale. Cette caractéristique n'exclut d?Tailleurs pas la frivolité puisque l'on trouve de nombreux articles de mode dans les journaux pour jeunes filles. Ce qui est curieux, c'est que ces articles sont écrits par des femmes qui sont elles-mêmes en révolte dans la société, cette révolte ne se traduisant pas dans les mêmes termes qu?Taujourd?Thui. Autour de 1830, beaucoup de femmes, beaucoup de poétesses provinciales sont montées à Paris pour participer au mouvement saint-simonien qui a prôné pendant un certain temps une certaine égalité entre les deux ***es. On a vu des femmes en rupture de banc vivre de leur plume, George Sand mais bien d?Tautres aussi qui étaient à certains égards des révolutionnaires et pour cela souvent ennemies du roman, accusé de cantonné les femmes dans les problèmes sentimentaux et de les empêcher d'évoluer ; pour elles comme pour de nombreux militants, la femme (mais aussi le peuple) devait avoir des lectures utiles et instructives. D?Toù le paradoxe de ces textes qui nous paraissent très conventionnels aujourd'hui et qui pouvaient être rédigés par des auteurs féminins ou féministes, d'une façon ou d'une autre en rupture avec la société mais qui vivaient plus ou moins bien comme " publicistes ", de cette multitude d?Tarticles comprenant aussi bien de la vulgarisation scientifique, du conte moral que de la poésie ou des textes sur la manière de traiter les domestiques ou de cultiver les roses.


    On n?Timagine pas aujourd'hui que la littérature puisse recouvrir tous ces domaines. La vraie littérature pour nous, c?Test celle qui permet l?Timagination, le rêve, la poésie. Il faut rappeler que le mot " littérature " a eu pendant longtemps un sens beaucoup plus large et a englobé tout ce qui s?Técrit. Aujourd'hui, si vous assistez à une thèse de médecine, vous entendrez le doctorant dire " la littérature sur ce sujet *** que... ". Il ne désignera pas des romans, mais les ouvrages scientifiques écrits sur le même sujet. Certaines disciplines ont conservé le vieux sens du mot " littérature " qui n?Ta rien à voir avec celui que lui donnent les " littéraires ".


    Un siècle qui mise sur les valeurs de la raison : ce qui est bon est beau


    Le grand risque pour nous, c?Test de lire la littérature d?Tautrefois, notamment la littérature de jeunesse du XIXe siècle, à la lueur de ce que nous nous pensons être de la vraie littérature. D?Tautant que nous nous définissons comme des êtres libérés alors que par définition, le XIXe aurait été une époque noire. Léon Daudet par exemple parlait du " stupide dix-neuvième siècle ", et une multitude de livres voudraient nous démontrer que nous avons tout inventé, et en particulier la liberté. La liberté contre le carcan de la raison.


    Au début du XIXème, on sort de la grande période de la Révolution, des Lumières qui ont mis en avant les notions d'utilité et de raison. Aujourd?Thui, s'il est bon d?Têtre déraisonnable ou du moins de le paraître si l?Ton est jeune et artiste, c'est que la valeur de la raison est reconnue. La Révolution a construit son modèle sur l?Thomme romain, fait de raison et de vertu. Elle a contribué à lancer un mouvement qui ne s?Tappelait pas "littérature de jeunesse" mais qui y conduisait, puisqu?Til s?Tagissait d?Técrire de nouveaux ouvrages pour les enfants, ouvrages fondés sur cette raison et non plus sur le merveilleux des contes de fées qui étaient considérés comme déraisonnables, parce qu'ils amenaient les enfants vers des chimères.


    A cette époque, on a écrit également beaucoup d?Tannales de la vertu. Il s?Tagissait de produire des ouvrages qui proposaient des modèles d?Texistence, des modèles de courage et d?Théroïsme, comme celui de ce jeune enfant qui expose sa vie pour la Révolution ou qui refuse de crier " vive le Roi " devant les Prussiens. Tout cela paraît très moral, mais relève avant tout d'une esthétique. Nous voyons uniquement en termes de morale ce qui relevait aussi de la beauté, et nous parlons bien encore d?T" une belle action, d?T " un beau geste ". Le beau et le bon sont alors indissociables. Il faudra attendre Baudelaire pour voir critiquer cette littérature moralisatrice à laquelle il reprochera de pas dire la vérité. Baudelaire, entres autres, a montré que l?Ton peut faire du beau à partir du laid. J?Ty repensais en entendant tout à l?Theure la lecture de certains extraits d?Touvrages contemporains. En quoi l?Tinjure, le gros mot, l?Tobscénité qui nous choquent peuvent-ils devenir les éléments d?Tun projet artistique ? Même si l'on peut récuser le procédé, la vulgarité est une donnée qui peut relever d?Tunr esthétique. C?Test-à-dire qu?Tun gros mot peut rester un gros mot dans un livre mais qu?Til peut aussi devenir autre chose s'il est lié par exemple à un " style ". Le même gros mot, la même injure n?Tauront pas forcément la même fonction, le même sens dans telle ou telle "uvre, selon que l?Tauteur aura réussi ou non à inventer une manière de dire ce mot, comme Céline, pour prendre un exemple en dehors de la littérature de jeunesse. Cette idée, tout à fait étrangère à nos ancêtres, s?Test construite petit à petit en procédant à une inversion. Une belle action peut être jugée aujourd?Thui esthétiquement inintéressante, et la mauvaise action ou l?Timmoralité plus productives sur le plan de l'imagination.


    De la littérature d'éducation à la littérature de jeunesse, le passage par l'aventure


    On va donc voir naître petit à petit au 19e siècle une littérature de jeunesse. On se sert d?Tabord de l?Taventure pour faire passer un message moral ou éducatif, et il faut voir que le véritable roman d'aventures est venu dans un second temps. Il n?Ty a pas eu un roman d?Taventure que l?Ton aurait dénaturé pour en faire un ouvrage éducatif, mais au contraire, d?Tabord une littérature d?Téducation et petit à petit une " vraie " littérature de jeunesse, qui va prendre le relais et se libérer progressivement de sa fonction didactique ou morale Comme le disait Bakhtine dans Théorie et Esthétique du roman, pour donner une moralité, il faut provoquer un malheur, pour provoquer ce malheur, il faut un naufrage, pour un naufrage il faut une mer et un bateau. D?Tune certaine manière, c'est ainsi que le livre d?Taventure va naître, d?Tune matrice originellement instructive et morale. Ainsi L?Tîle au trésor de Stevenson paraît à la fin du 19e siècle et non au début.

    La robinsonnade représente une étape intermédiaire dans ce processus. Le genre met en scène de jeunes robinsons de douze ou de quatorze ans qui, par leur situation, sont placés en dehors de la société et doivent s?Tassumer. Évidemment, c?Test l?Toccasion d?Tapprendre des choses sur les plantes, les animaux, mais c?Test aussi une manière de dessiner un héros ou une héroïne qui ne sont pas encore des rebelles, mais qui vont se montrer capables de résister. A cette époque, la lutte est dirigée davantage contre les obstacles naturels que contre la société. Aujourd?Thui, la situation ne se prête plus à la lutte contre les éléments naturels, puisque le monde d?Taujourd?Thui est en quelque sorte balisé et connu.


    Premiers signes de révolte contre la société. L'objet de la contestation est l'éducation


    On commence cependant à trouver une peinture de l?Tenfant révolté par l?Téducation qu?Ton lui a donnée. Bien entendu, ce message apparaît peu et surtout il n'apparaît pas explicitement. On n?Timagine pas alors pouvoir lire des propos du genre de ceux qu?Ton a pu entendre dans certains extraits, ce matin. Mais si l?Ton prend un ouvrage de Mme Guizot, L?TEcolier ou Raoul et Victor, on découvre une trame quelque peu inattendue chez l?Tépouse d?T un des ministres qui ont pris des mesures importantes en faveur de l?Técole. Mme Guizot essayait de concevoir des livres au service de la politique de son mari et des milieux bourgeois qui étaient en train de prendre le pouvoir. A travers la littérature d'éducation, le projet est de dessiner le type nouveau du jeune homme qui va s'intégrer dans cette société que l?Ton appelée à partir de 1830 " la société du juste milieu ". Ce qui donne un livre conformiste dans son apparence et dans son projet, mais qui laisse pourtant la place de manière inattendue à la critique. Il s?Tagit d?Tun adolescent fugueur qui quitte sa famille, ce qui est pratiquement considéré comme un crime à l'époque. En même temps, ce garçon est d?Tune très grande violence avec son père qui veut le contraindre. Si on veut bien lire, on s?Taperçoit qu'il y a là, peut-être involontairement, la critique d?Tune certaine éducation. Il y a là un père qui applique la rigueur morale à l'intérieur de sa famille avec une telle inflexibilité qu'il en devient inhumain et provoque la révolte de son fils.


    Le père n'est pas mauvais dans le sens où il ne s?Toccuperait pas de l?Téducation de son fils. Il est presque trop juste avec lui, c?Test-à-dire qu'il punit toute infraction et qu?Til récompense les bonnes actions, mais de manière rigide. L?Tauteur est en apparence d?Taccord avec ce type d'éducation à la romaine, mais ce qu'elle écrit montre en fait une distance : il faut toujours, face à un texte littéraire, faire la différence entre le propos affiché et ce qui est *** réellement. L?Tauteur, comme Balzac, peut être réactionnaire dans ses intentions et nous raconter une histoire qui ne l?Test pas, et inversement. On peut très bien tenir un propos tout à fait libertaire et construire une histoire qui, dans ses structures les plus profondes, n?Taide aucunement à construire une liberté.


    La révolte contre le père


    Par ailleurs, dans cet ouvrage apparaît aussi la figure importante du tuteur. Très souvent la littérature de jeunesse propose comme une dévalorisation de la figure paternelle, sans doute parce qu'il n'y pas de récit si cette structure fonctionne correctement. Ainsi, l?Tenfant est-il souvent orphelin, ce qui règle le problème. Le nombre extravagant de parents en quelque sorte " massacrés " dans les romans du XIXe siècle ne fait que renvoyer à cette nécessité structurelle. Aujourd?Thui, si l?Ton en juge ne serait-ce que par l?Textrait qui nous a été lu tout à l?Theure, c?Test le père qui ne veut plus être le père, qui refuse d?Toccuper sa place. Problème de société amplement commenté dans les medias, mais qui permet à la littérature de jeunesse de se relancer parce qu?Telle a besoin de figures qui ne marchent pas ; sinon, il n'y aurait pas de roman.


    Le tuteur prend donc au XIX° le relais du père. Cette figure peut faire scandale aujourd?Thui. De nos jours, si quelqu?Tun voulait prendre en charge un enfant qui n?Test pas " à lui ", il serait traîné tout de suite devant les tribunaux. Relisez Sans famille, un roman très conventionnel, du moins en apparence. Hector Malot a été obligé de passer par la figure d?Tun orphelin, même si Rémi retrouve sa mère à la fin de l?Thistoire. Il est éduqué par des maîtres qui ne sont absolument pas des figures conventionnelles, Vitalis notamment se présentant comme un marginal qui permet un type d?Téducation impensable sous l?Tautorité d?Tun père. Si bien que Rémi, sans être un révolté et tout en illustrant la morale la plus " bourgeoise ", soutient une sorte de contestation de la société injuste en même temps que trop bien réglée.

    Hector Malot, qui prétendait ne pas trop aimer ce qu?Ton avait écrit avant lui pour la jeunesse, connaissait pourtant une "uvre qui l?Ta inspiré, Les Mésaventures de Jean-Paul Choppart, de Louis Desnoyers, parues en feuilleton en 1832 dans Le Journal des Enfans (sic) puis chez un é***eur de caricatures. Bien qu'il n?Ty soit pas question à proprement parler d'adolescents mais d?Tenfants plus jeunes, ce roman nous propose déjà une figure d?Tenfant terrible, issu d?Tun milieu bourgeois et avide de liberté. Cette révolte n?Test que provisoire, et la règle qui préside à ce type d?Thistoire est bien entendu que tout rentre dans l'ordre à la fin, mais l?Tauteur ouvre ainsi quelques horizons au jeune lecteur.


    Retour à l'état sauvage : aujourd'hui la sauvagerie est située dans les banlieues


    Il y a donc dans ces romans une virtualité de révolte qui ne peut pas être exprimée très clairement. Mais la recherche nous fait parfois découvrir des choses étonnantes dont on ne pouvait soupçonner l?Texistence. C?Test le cas d?Tun ouvrage intitulé Les Jeunes insulaires (d?TOrtaire Fournier, un auteur de l?Tentourage de Desnoyers), qui annonce déjà vers 1840 Sa majesté des mouches de William Golding, où un groupe de collégiens anglais laissés à eux-mêmes sur une île déserte retourne à l'état de barbarie. Il s'agit en fait d'un retournement de la robinsonnade. Là où Robinson construisait un univers, on constate au contraire une destruction des règles. Ces garçons sont embarqués malgré eux sur un bateau, ils arrivent sur une île où ils s'ensauvagent. L?Tensauvagement est l'un des thèmes majeurs de la littérature de jeunesse. La question fait peur en même temps qu?Telle fait rêver. Bien des romans du XIXe siècle jouent déjà sur cette idée : il ne s'agit pas de rébellion, ni même de contestation, mais d?Tune sorte de retour à la nature qui pourrait représenter un retour à des origines idéales, mais qui conduit plutôt à l?Tinhumanité. Ce que montrent ces romans, c?Test la fragilité de la " civilisation ", et la crainte d?Tune remise en cause radicale des règles que se sont donné les humains pour vivre ensemble.


    Cette crainte était alors transposée dans un lieu exotique, une île., alors qu?Taujourd?Thui la sauvagerie est observée ou imaginée dans la ville. Des hommes politiques ont parlé récemment de " sauvageons " pour désigner certains jeunes de certaines banlieues, de la même manière que les romans-feuilletons du XIXe siècle mettaient en scène des " Apaches " aux barrières de Paris. Des romans faisaient déjà de la ville un espace d'aventures, aussi dangereux et même plus dangereux et mystérieux que l?TAmérique de Fenimore Cooper. Dans les Misérables, Victor Hugo parle des " bas-fonds ", mot qui vient du vocabulaire maritime et des histoires de pirates écrites par Eugène Sue avant ses Mystères de Paris. C?Test lui qui impose l?Timage de la grande ville comme une sorte d?Tocéan ou l?Ton se perd, avec ses bas-fonds, c?Test-à-dire ses endroits inconnus des gens ordinaires, vivant selon des lois particulières et menaçant l?Tordre établi. Aujourd?Thui, les romanciers s?Tintéressent beaucoup plus aux quartiers excentrés, et les banlieues sont devenues des espaces qui peuvent produire de l?Taventure. Socialement, cela va mal dans les banlieues, mais littérairement cela va bien. Sans les problèmes sociaux (réels ou fantasmés) des banlieues, toute une partie de l?Tinspiration romanesque tomberait, car le roman ne fait que parler des aspects ténébreux de la société. Il y a bien une fascination pour la marge, comme celle de Victor Hugo pour les barrières. Dans Sans famille, Rémi revenait vers ces barrières, là se trouve le monde des Thénardier, ce monde qui déclenche l?Timagination.


    Cette fascination, lisible très tôt dans les histoires pour enfants (avec ses enlèvements, ses saltimbanques, ses cours des miracles), a peut-être été oubliée parce que la postérité a privilégié une autre inspiration, celle qui, plus tardivement, s?Test développée après les événements de 1870, à savoir la défaite de la France face à la Prusse. Cette défaite cause un traumatisme qui va avoir une influence démesurée sur toute la littérature de jeunesse, mise dès lors au service de la partie. Jusqu?Talors, les notions de morale, de vertu n?Tétaient pas liées spécifiquement au patriotisme. L?Tobligation de former un bon petit Français valeureux est donc tardive et circonstancielle. Elle se fait très pesante mais ne doit pas être invoquée pour définir toute la littérature de jeunesse du XIXème siècle.

    . Un paradoxe : la rébellion vient des milieux les plus conservateurs


    Y a-t-il encore place alors pour une forme de rébellion ? En apparence, non, mais on a également oublié la persistance d?Tune littérature pour jeunes filles, donc pour adolescentes, qui est paradoxalement presque rebelle tout étant réactionnaire. Pourquoi ? Parce que les milieux catholiques et notamment ultramontains, qu'on appellerait aujourd?Thui " intégristes ", qui refusent le progrès social tout en étant eux-mêmes très sociaux, continuent de publier des ouvrages, des journaux à destination de la jeune fille. Dans leur opposition à tout ce qui est " moderne ", ils en viennent à refuser la vie ordinaire qui est d?Tailleurs ingrate pour ces jeunes filles, beaucoup plus instruites et avancées qu?Tau début du XIXe siècle mais sans avoir encore trouvé une juste place dans la société. Elle se sentent encore enfermées dans une sorte de carcan, et la religion apparaît comme un moyen de s?Texiler de cette société injuste, gouvernée par des hommes décevants. On voit se multiplier les récits où la jeune fille finit par prendre le voile et par épouser le Christ. Ce discours très doloriste, mais très critique à l?Tégard de la société, la fascination même pour les martyrs, traduisent une difficulté à se situer dans la société. Delly, un auteur de romans à " l?Teau de rose " qui connu un succès considérable, est issue de ce milieu. Elle a commencé à écrire dans des journaux pour jeunes filles et elle en a elle-même lu pendant son enfance. Les rares renseignements que nous avons sur Delly nous apprennent qu'elle est issue d?Tune famille conventionnelle, qu'elle ne s?Test jamais mariée, après une déception amoureuse et le constat que les hommes ne valaient rien. Malgré son succès, elle n?Test jamais apparue en public, même chez ses é***eurs, ses affaires étaint traitées par son frère. Elle était donc en rupture avec la société tout en produisant une "uvre très conformiste par bien des traits, véritable " opium " ou anesthésiant conduisant illusoirement la lectrice dans un monde idéal. Cette fin du XIXe est totalement prise dans ces contradictions qui nous apparaissent aujourd?Thui très lointaines et presque obscures.


    Début du 20e siècle : la généralisation scolaire libère la littérature de ses contraintes éducatives


    Mais le début du 20ème siècle va voir apparaître de nouvelles formes d'ouvrages, notamment des bandes dessinées comme les Pieds Nickelés, et toute une nouvelle presse jugée nocive parce qu?Telle ne se donne plus de visées éducatives. On peut penser que les lois des années 1880, en généralisant la fréquentation scolaire, ont contribué à réduire la mission instructive confiée à la littérature de jeunesse. L?Tinstruction étant maintenant assurée par l'école, c?Test la récréation et elle seule qui va définir cette littérature, allant de plus en plus vers l?Tirrévérence. Au début des aventures des Pieds Nickelés, Croquignol sort de prison sans qu?Ton nous invite à le blâmer. Est-il pour autant un rebelle ? Il donne plutôt le modèle d?Tune certaine décontraction. Personne ne pense alors qu?Til s?Tagit de littérature, mais le ton est donné. A partir de cet instant, la littérature va tendre à se définir contre l?Tesprit de sérieux, en dehors de l?Técole, pour en arriver à se poser bien souvent contre l?Técole.

    Contre l?Técole, et en même temps tout contre, puisque les livres et leurs auteurs n?Tont peut-être jamais été aussi présents dans les classes. Désormais, le modèle du rebelle, quasiment officialisé dans le discours des artistes et défini comme anti-scolaire, se trouve diffusé dans une école dont on ne sait s?Til faut dénoncer l?Topportunisme ou louer la faculté d?Tadaptation au nouveau cours des choses.


    Francis Marcoin, Professeur de littérature du 19ème siècle, Université d'Artois, Arras.


    Despair is not Hopeless!​

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