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L'art d'être grand-père (1877) - Victor Hugo

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi Angelique, 25/11/2001.

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  1. Angelique

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    UN MANQUE
    Pourquoi donc s'en est-il allé, le doux amour ?
    Ils viennent un moment nous faire un peu de jour,
    Puis partent. Ces enfants, que nous croyons les nôtres,
    Sont à quelqu'un qui n'est pas nous. Mais les deux autres,
    Tu ne les vois donc pas, vieillard ? Oui, je les vois,
    Tous les deux. Ils sont deux, ils pourraient être trois.
    Voici l'heure d'aller se promener dans l'ombre
    Des grands bois, pleins d'oiseaux dont Dieu seul sait le nombre
    Et qui s'envoleront aussi dans l'inconnu.
    Il a son chapeau blanc, elle montre un pied nu,
    Tous deux sont côte à côte; on marche à l'aventure,
    Et le ciel brille, et moi je pousse la voiture.
    Toute la plaine en fleur a l'air d'un paradis;
    Le lézard court au pied des vieux saules, tandis
    Qu'au bout des branches vient chanter le rouge-gorge.
    Mademoiselle Jeanne a quinze mois, et George
    En a trente; il la garde; il est l'homme complet;
    Des filles comme ça font son bonheur; il est
    Dans l'admiration de ces jolis doigts roses,
    Leur compare, en disant toutes sortes de choses,
    Ses grosses mains à lui qui vont avoir trois ans,
    Et rit; il montre Jeanne en route aux paysans.
    Ah dame ! il marche, lui; cette mioche se traîne;
    Et Jeanne rit de voir Georges rire; une reine
    Sur un trône, c'est là Jeanne dans son panier;
    Elle est belle; et le chêne en parle au marronnier,
    Et l'orme la salue et la montre à l'érable,
    Tant sous le ciel profond l'enfance est vénérable.
    George a le sentiment de sa grandeur; il rit
    Mais il protège, et Jeanne a foi dans son esprit;
    Georges surveille avec un air assez farouche
    Cette enfant qui parfois met un doigt dans sa bouche;
    Les sentiers sont confus et nous nous embrouillons.
    Comme tout le bois sombre est plein de papillons,
    Courons, *** Georges. Il veut descendre. Jeanne est gaie.
    Avec eux je chancelle, avec eux je bégaie.
    Oh! l'adorable joie, et comme ils sont charmants!
    Quel hymne auguste au fond de leurs gazouillements!
    Jeanne voudrait avoir tous les oiseaux qui passent;
    Georges vide un pantin dont les ressorts se cassent,
    Et mé***e; et tous deux jasent; leurs cris joyeux
    Semblent faire partout dans l'ombre ouvrir des yeux;
    Georges, tout en mangeant des nèfles et des pommes,
    M'apporte son jouet; moi qui connais les hommes
    Mieux que Georges, et qui sait les secrets du destin,
    Je raccommode avec un fil son vieux pantin.
    Mon Georges, ne va pas dans l'herbe; elle est trempée.
    Et le vent berce l'arbre, et Jeanne sa poupée.
    On sent Dieu dans ce bois pensif dont la douceur
    Se mêle à la gaîté du frère et de la soeur;
    Nous obéissons, Jeanne et moi, Georges commande;
    La nourrice leur chante une chanson normande,
    De celles qu'on entend le soir sur les chemins,
    Et Georges bat du pied, et Jeanne bat des mains.
    Et je m'épanouis à leurs divins vacarmes,
    Je ris; mais vous voyez sous mon rire mes larmes,
    Vieux arbres, n'est-ce pas ? et vous n'avez pas cru
    Que j'oublierai jamais le petit disparu.
  2. Angelique

    Angelique Thành viên quen thuộc

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    JEANNE ENDORMIE. ??" I
    LA SIESTE
    Elle fait au milieu du jour son petit somme;
    Car l'enfant a besoin du rêve plus que l'homme,
    Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel !
    L'enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel,
    Ses camarades, Puck, Titania, les fées,
    Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées.
    Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions,
    Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons,
    Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages
    D'étoiles qui font signe aux enfants d'être sages,
    Ces apparitions, ces éblouissements !
    Donc, à l'heure où les feux du soleil sont calmants,
    Quand toute la nature écoute et se recueille,
    Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille
    La plus tremblante oublie un instant de frémir,
    Jeanne a cette habitude aimable de dormir;
    Et la mère un moment respire et se repose,
    Car on se lasse, même à servir une rose.
    Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr
    Dorment; et son berceau, qu'entoure un vague azur
    Ainsi qu'une auréole entoure une immortelle,
    Semble un nuage fait avec de la dentelle;
    On croit, en la voyant dans ce frais berceau-là,
    Voir une lueur rose au fond d'un falbala;
    On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse,
    Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse;
    L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer;
    Le vent retient son souffle et n'ose respirer.
    Soudain, dans l'humble et chaste alcôve maternelle,
    Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle,
    Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant,
    Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement
    Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre,
    Elle gazouille...??"Alors, de sa voix la plus tendre,
    Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner,
    Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner
    À sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère:
    ??"Te voilà réveillée, horreur! lui *** sa mère.
  3. Angelique

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    LA LUNE
    I
    Jeanne songeait, sur l'herbe assise, grave et rose;
    Je m'approchai:?"Dis-moi si tu veux quelque chose,
    Jeanne ??"car j'obéis à ces charmants amours,
    Je les guette, et je cherche à comprendre toujours
    Tout ce qui peut passer par ces divines têtes.
    Jeanne m'a répondu:?"Je voudrais voir des bêtes.
    Alors je lui montrai dans l'herbe une fourmi.
    ?"Vois! Mais Jeanne ne fut contente qu'à demi.
    ?"Non, les bêtes, c'est gros, me ***-elle.
    Leur rêve,
    C'est le grand. L'Océan les attire à sa grève,
    Les berçant de son chant rauque, et les captivant
    Par l'ombre, et par la fuite effrayante du vent;
    Ils aiment l'épouvante, il leur faut le prodige.
    ?"Je n'ai pas d'éléphant sous la main, répondis-je.
    Veux-tu quelque autre chose ? ô Jeanne, on te le doit !
    Parle.?"Alors Jeanne au ciel leva son petit doigt.
    ?"?a, ***-elle.?"C'était l'heure où le soir commence.
    Je vis à l'horizon surgir la lune immense.
    II
    CHOSES DU SOIR
    Le brouillard est froid, la bruyère est grise;
    Les troupeaux de boeufs vont aux abreuvoirs;
    La lune, sortant des nuages noirs,
    Semble une clarté qui vient par surprise.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    Le voyageur marche et la lande est brune;
    Une ombre est derrière, une ombre est devant;
    Blancheur au couchant, lueur au levant;
    Ici crépuscule, et là clair de lune.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    La sorcière assise allonge sa lippe;
    L'araignée accroche au toit son filet;
    Le lutin reluit dans le feu follet
    Comme un pistil d'or dans une tulipe.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    On voit sur la mer des chasse-marées;
    Le naufrage guette un mât frissonnant;
    Le vent ***: demain! l'eau ***: maintenant!
    Les voix qu'on entend sont désespérées.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    Le coche qui va d'Avranche à Fougère
    Fait claquer son fouet comme un vif éclair;
    Voici le moment où flottent dans l'air
    Tous ces bruits confus que l'ombre exagère.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    Dans les bois profonds brillent des flambées;
    Un vieux cimetière est sur un sommet;
    Où Dieu trouve-t-il tout ce noir qu'il met
    Dans les coeurs brisés et les nuits tombées ?
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    Des flaques d'argent tremblent sur les sables;
    L'orfraie est au bord des talus crayeux;
    Le pâtre, à travers le vent, suit des yeux
    Le vol monstrueux et vague des diables.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    Un panache gris sort des cheminées;
    Le bûcheron passe avec son fardeau;
    On entend, parmi le bruit des cours d'eau,
    Des frémissements de branches traînées.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    La faim fait rêver les grands loups moroses;
    La rivière court, le nuage fuit;
    Derrière la vitre où la lampe luit,
    Les petits enfants ont des têtes roses.
    Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
    Maître Yvon soufflait dans son biniou.
    III
    Ah ! vous voulez la lune ? Où ? dans le fond du puits ?
    Non; dans le ciel. Eh bien, essayons. Je ne puis.
    Et c'est ainsi toujours. Chers petits, il vous passe
    Par l'esprit de vouloir la lune, et dans l'espace
    J'étends mes mains, tâchant de prendre au vol Phoebé.
    L'adorable hasard d'être aïeul est tombé
    Sur ma tête, et m'a fait une douce fêlure.
    Je sens en vous voyant que le sort put m'exclure
    Du bonheur, sans m'avoir tout à fait abattu.
    Mais causons. Voyez-vous, vois-tu, Georges, vois-tu,
    Jeanne ? Dieu nous connaît, et sait ce qu'ose faire
    Un aïeul, car il est lui-même un peu grand-père;
    Le bon Dieu, qui toujours contre nous se défend,
    Craint ceci: le vieillard qui veut plaire à l'enfant;
    Il sait que c'est ma loi qui sort de votre bouche,
    Et que j'obéirais; il ne veut pas qu'on touche
    Aux étoiles, et c'est pour en être bien sûr
    Qu'il les accroche aux clous les plus hauts de l'azur.
    IV
    ?"Oh! comme ils sont goulus! *** la mère parfois.
    Il faut leur donner tout, les cerises des bois,
    Les pommes du verger, les gâteaux de la table;
    S'ils entendent la voix des vaches dans l'étable
    Du lait! vite! et leurs cris sont comme une forêt
    De Bondy quand un sac de bonbons apparaît.
    Les voilà maintenant qui réclament la lune!
    Pourquoi pas ? Le néant des géants m'importune;
    Moi j'admire, ébloui, la grandeur des petits.
    Ah! l'âme des enfants a de forts appétits,
    Certes, et je suis pensif devant cette gourmande
    Qui voit un univers dans l'ombre, et le demande.
    La lune! Pourquoi pas? vous dis-je. Eh bien, après?
    Pardieu! si je l'avais, je la leur donnerais.
    C'est vrai, sans trop savoir ce qu'ils en pourraient faire,
    Oui, je leur donnerais, lune, ta sombre sphère,
    Ton ciel, d'où Swedenborg n'est jamais revenu,
    Ton énigme, ton puits sans fond, ton inconnu!
    Oui, je leur donnerais, en disant: Soyez sages!
    Ton masque obscur qui fait le guet dans les nuages,
    Tes cratères tordus par de noirs aquilons,
    Tes solitudes d'ombre et d'oubli, tes vallons,
    Peut-être heureux, peut-être affreux, édens ou bagnes,
    Lune, et la vision de tes pâles montagnes.
    Oui, je crois qu'après tout, des enfants à genoux
    Sauraient mieux se servir de la lune que nous;
    Ils y mettraient leurs voeux, leur espoir, leur prière;
    Ils laisseraient mener par cette aventurière
    Leurs petits coeurs pensifs vers le grand Dieu profond.
    La nuit, quand l'enfant dort, quand ses rêves s'en vont,
    Certes, ils vont plus loin et plus haut que les nôtres.
    Je crois aux enfants comme on croyait aux apôtres;
    Et quand je vois ces chers petits êtres sans fiel
    Et sans peur, désirer quelque chose du ciel,
    Je le leur donnerais, si je l'avais. La sphère
    Que l'enfant veut, doit être à lui, s'il la préfère.
    D'ailleurs, n'avez-vous rien au delà de vos droits?
    Oh! je voudrais bien voir, par exemple, les rois
    S'étonner que des nains puissent avoir un monde!
    Oui, je vous donnerais, anges à tête blonde,
    Si je pouvais, à vous qui régnez par l'amour,
    Ces univers baignés d'un mystérieux jour,
    Conduits par des esprits que l'ombre a pour ministres,
    Et l'énorme rondeur des planètes sinistres.
    Pourquoi pas ? Je me fie à vous, car je vous vois,
    Et jamais vous n'avez fait de mal. Oui, parfois,
    En songeant à quel point c'est grand, l'âme innocente,
    Quand ma pensée au fond de l'infini s'absente,
    Je me dis, dans l'extase et dans l'effroi sacré,
    Que peut-être, là-haut, il est, dans l'Ignoré,
    Un dieu supérieur aux dieux que nous rêvâmes,
    Capable de donner des astres à des âmes.
  4. Angelique

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    LE POÈME
    DU JARDIN DES PLANTES
    I
    Le comte de Buffon fut bonhomme, il créa
    Ce jardin imité d'Évandre et de Rhéa
    Et plein d'ours plus savants que ceux de la Sorbonne,
    Afin que Jeanne y puisse aller avec sa bonne;
    Buffon avait prévu Jeanne, et je lui sais gré
    De s'être *** qu'un jour Paris un peu tigré,
    Complétant ses bourgeois par une variante,
    La bête, enchanterait cette âme souriante;
    Les enfants ont des yeux si profonds, que parfois
    Ils cherchent vaguement la vision des bois;
    Et Buffon paternel, c'est ainsi qu'il rachète
    Sa phrase sur laquelle a traîné sa manchette,
    Pour les marmots, de qui les anges sont jaloux,
    A fait ce paradis suave, orné de loups.
    J'approuve ce Buffon. Les enfants, purs visages,
    Regardent l'invisible, et songent, et les sages
    Tâchent toujours de plaire à quelqu'un de rêveur.
    L'été dans ce jardin montre de la ferveur;
    C'est un éden où juin rayonne, où les fleurs luisent,
    Où l'ours bougonne, et Jeanne et Georges m'y conduisent.
    C'est du vaste univers un raccourci complet.
    Je vais dans ce jardin parce que cela plaît
    À Jeanne, et que je suis contre elle sans défense.
    J'y vais étudier deux gouffres, Dieu, l'enfance,
    Le tremblant nouveau-né, le créateur flagrant,
    L'infiniment charmant et l'infiniment grand,
    La même chose au fond; car c'est la même flamme
    Qui sort de l'astre immense et de la petite âme.
    Je contemple, au milieu des arbres de Buffon,
    Le bison trop bourru, le babouin trop bouffon,
    Des bosses, des laideurs, des formes peu choisies,
    Et j'apprends à passer à Dieu ses fantaisies.
    Dieu, n'en déplaise au prêtre, au bonze, au caloyer,
    Est capable de tout, lui qui fait balayer
    Le bon goût, ce ruisseau, par Nisard, ce concierge,
    Livre au singe excessif la forêt, cette vierge,
    Et permet à Dupin de ressembler aux chiens.
    (Pauvres chiens!)??"Selon l'Inde et les manichéens,
    Dieu doublé du démon expliquerait l'énigme;
    Le paradis ayant l'enfer pour borborygme,
    La Providence un peu servante d'Anankè,
    L'infini mal rempli par l'univers manqué,
    Le mal faisant toujours au bien quelque rature,
    Telle serait la loi de l'aveugle nature;
    De là les contresens de la création.
    Dieu, certe, a des écarts d'imagination;
    Il ne sait pas garder la mesure; il abuse
    De son esprit jusqu'à faire l'oie et la buse;
    Il ignore, auteur fauve et sans frein ni cordeau,
    Ce point juste où Laharpe arrête Colardeau;
    Il se croit tout permis. Malheur à qui l'imite!
    Il n'a pas de frontière, il n'a pas de limite;
    Et fait pousser l'ivraie au beau milieu du blé,
    Sous prétexte qu'il est l'immense et l'étoilé;
    Il a d'affreux vautours qui nous tombent des nues;
    Il nous impose un tas d'inventions cornues,
    Le bouc, l'auroch, l'isard et le colimaçon;
    Il blesse le bon sens, il choque la raison;
    Il nous raille; il nous fait avaler la couleuvre!
    Au moment où, contents, examinant son oeuvre,
    Rendant pleine justice à tant de qualités,
    Nous admirons l'oeil d'or des tigres tachetés,
    Le cygne, l'antilope à la prunelle bleue,
    La constellation qu'un paon a dans sa queue,
    D'une cage insensée il tire le verrou,
    Et voilà qu'il nous jette au nez le kangourou!
    Dieu défait et refait, ride, éborgne, essorille,
    Exagère le nègre, hélas, jusqu'au gorille,
    Fait des taupes et fait des lynx, se contre***,
    Mêle dans les halliers l'histrion au ban***,
    Le mandrille au jaguar, le perroquet à l'aigle,
    Lie à la parodie insolente et sans règle
    L'épopée, et les laisse errer toutes les deux
    Sous l'âpre clair-obscur des branchages hideux;
    Si bien qu'on ne sait plus s'il faut trembler ou rire,
    Et qu'on croit voir rôder, dans l'ombre que déchire
    Tantôt le rayon d'or, tantôt l'éclair d'acier,
    Un spectre qui parfois avorte en grimacier.
    Moi, je n'exige pas que Dieu toujours s'observe,
    Il faut bien tolérer quelques excès de verve
    Chez un si grand poète, et ne point se fâcher
    Si celui qui nuance une fleur de pêcher
    Et courbe l'arc-en-ciel sur l'Océan qu'il dompte,
    Après un colibri nous donne un mastodonte!
    C'est son humeur à lui d'être de mauvais goût,
    D'ajouter l'hydre au gouffre et le ver à l'égout,
    D'avoir en toute chose une stature étrange,
    Et d'être un Rabelais d'où sort un Michel-Ange.
    C'est Dieu; moi je l'accepte.
    Et quant aux nouveau-nés,
    De même. Les enfants ne nous sont pas donnés
    Pour avoir en naissant les façons du grand monde;
    Les petits en maillot, chez qui la sève abonde,
    Poussent l'impolitesse assez loin quelquefois;
    J'en conviens. Et parmi les cris, les pas, les voix,
    Les ours et leurs cornacs, les marmots et leurs mères,
    Dans ces réalités semblables aux chimères,
    Ébahi par le monstre et le mioche, assourdi
    Comme par la rumeur d'une ruche à midi,
    Sentant qu'à force d'être aïeul on est apôtre,
    Questionné par l'un, escaladé par l'autre,
    Pardonnant aux bambins le bruit, la fiente aux nids,
    Et le rugissement aux bêtes, je finis
    Par ne plus être, au fond du grand jardin sonore,
    Qu'un bonhomme attendri par l'enfance et l'aurore,
    Aimant ce double feu, s'y plaisant, s'y chauffant,
    Et pas moins indulgent pour Dieu que pour l'enfant.
    II
    Les bêtes, cela parle; et Dupont de Nemours
    Les comprend, chants et cris, gaîté, colère, amours.
    C'est dans Perrault un fait, dans Homère un prodige;
    Phèdre prend leur parole au vol et la rédige;
    La Fontaine, dans l'herbe épaisse et le genêt
    Rôdait, guettant, rêvant, et les espionnait;
    Ésope, ce songeur bossu comme le Pinde,
    Les entendait en Grèce, et Pilpaï dans l'Inde;
    Les clairs étangs le soir offraient leurs noirs jargons
    A monsieur Florian, officier de dragons;
    Et l'âpre Ézéchiel, l'affreux prophète chauve,
    Homme fauve, écoutait parler la bête fauve.
    Les animaux naïfs dialoguent entr'eux.
    Et toujours, que ce soit le hibou ténébreux,
    L'ours qu'on entend gronder, l'âne qu'on entend braire,
    Ou l'oie apostrophant le dindon, son grand frère,
    Ou la guêpe insultant l'abeille sur l'Hybla,
    Leur bêtise à l'esprit de l'homme ressembla.
  5. Angelique

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    CE QUE *** LE PUBLIC
    CINQ ANS
    Les lions, c'est des loups.
    SIX ANS
    C'est très méchant, les bêtes.
    CINQ ANS
    Oui.
    SIX ANS
    Les petits oiseaux ce sont des malhonnêtes;
    Ils sont des sales.
    CINQ ANS
    Oui.
    SIX ANS, regardant les serpents.
    Les serpents...
    CINQ ANS, les examinant.
    C'est en peau.
    SIX ANS
    Prends garde au singe; il va te prendre ton chapeau.
    CINQ ANS, regardant le tigre.
    Encore un loup !
    SIX ANS
    Viens voir l'ours avant qu'on le couche.
    CINQ ANS, regardant l'ours.
    Joli !
    SIX ANS
    ??a grimpe.
    CINQ ANS, regardant l'éléphant.
    Il a des cornes dans la bouche.
    SIX ANS
    Moi, j'aime l'éléphant, c'est gros.
    SEPT ANS, survenant et les arrachant à la contemplation de l'éléphant.
    Allons! venez!
    Vous voyez bien qu'il va vous battre avec son nez.
  6. Angelique

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    À GEORGES
    Mon doux Georges, viens voir une ménagerie
    Quelconque, chez Buffon, au cirque, n'importe où;
    Sans sortir de Lutèce allons en Assyrie,
    Et sans quitter Paris partons pour Tombouctou.
    Viens voir les léopards de Tyr, les gypaètes,
    L'ours grondant, le boa formidable sans bruit,
    Le zèbre, le chacal, l'once, et ces deux poètes,
    L'aigle ivre de soleil, le vautour plein de nuit.
    Viens contempler le lynx sagace, l'amphisbène
    À qui Job comparait son faux ami Sepher,
    Et l'obscur tigre noir, dont le masque d'ébène
    A deux trous flamboyants par où l'on voit l'enfer.
    Voir de près l'oiseau fauve et le frisson des ailes,
    C'est charmant; nous aurons, sous de très sûrs abris,
    Le spectacle des loups, des jaguars, des gazelles,
    Et l'éblouissement divin des colibris.
    Sortons du bruit humain. Viens au jardin des plantes.
    Penchons-nous, à travers l'ombre où nous étouffons
    Sur les douleurs d'en bas, vaguement appelantes,
    Et sur les pas confus des inconnus profonds.
    L'animal, c'est de l'ombre errant dans les ténèbres;
    On ne sait s'il écoute, on ne sait s'il entend;
    Il a des cris hagards, il a des yeux funèbres;
    Une affirmation sublime en sort pourtant.
    Nous qui régnons, combien de choses inutiles
    Nous disons, sans savoir le mal que nous faisons !
    Quand la vérité vient, nous lui sommes hostiles,
    Et contre la raison nous avons des raisons.
    Corbière à la tribune et Frayssinous en chaire
    Sont fort inférieurs à la bête des bois;
    L'âme dans la forêt songe et se laisse faire;
    Je doute dans un temple, et sur un mont je crois.
    Dieu par les voix de l'ombre obscurément se nomme;
    Nul Quirinal ne vaut le fauve Pélion;
    Il est bon, quand on vient d'entendre parler l'homme,
    D'aller entendre un peu rugir le grand lion.
  7. Angelique

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    ENCORE DIEU,
    MAIS AVEC DES RESTRICTIONS
    Quel beau lieu ! Là le cèdre avec l'orme chuchote,
    L'âne est Iyrique et semble avoir vu Don Quichotte,
    Le tigre en cage a l'air d'un roi dans son palais,
    Les pachydermes sont effroyablement laids;
    Et puis c'est littéraire, on rêve à des idylles
    De Viennet en voyant bâiller les crocodiles.
    Là, pendant qu'au babouin la singesse se vend,
    Pendant que le baudet contemple le savant,
    Et que le vautour fait au hibou bon visage,
    Certes, c'est un emploi du temps digne d'un sage
    De s'en aller songer dans cette ombre, parmi
    Ces arbres pleins de nids, où tout semble endormi
    Et veille, où le refus consent, où l'amour lutte,
    Et d'écouter le vent, ce doux joueur de flûte.
    Apprenons, laissons faire, aimons, les cieux sont grands;
    Et devenons savants, et restons ignorants.
    Soyons sous l'infini des au***eurs honnêtes;
    Rien n'est muet ni sourd; voyons le plus de bêtes
    Que nous pouvons; tirons partie de leurs lec,ons.
    Parce qu'autour de nous tout rêve, nous pensons.
    L'ignorance est un peu semblable à la prière;
    L'homme est grand par devant et petit par derrière;
    C'est, d'Euclide à Newton, de Job à Réaumur,
    Un indiscret qui veut voir par-dessus le mur,
    Et la nature, au fond très moqueuse, paraphe
    Notre science avec le cou de la girafe.
    Tâchez de voir, c'est bien. Épiez. Notre esprit
    Pousse notre science à guetter; Dieu sourit,
    Vieux malin.
    Je l'ai ***, Dieu prête à la critique.
    Il n'est pas sobre. Il est débordant, frénétique,
    Inconvenant; ici le nain, là le géant,
    Tout à la fois; énorme; il manque de néant.
    Il abuse du gouffre, il abuse du prisme.
    Tout, c'est trop. Son soleil va jusqu'au gongorisme;
    Lumière outrée. Oui, Dieu vraiment est inégal;
    Ici la Sibérie, et là le Sénégal;
    Et partout l'antithèse I il faut qu'on s'y résigne;
    S'il fait noir le corbeau, c'est qu'il fit blanc le cygne;
    Aujourd'hui Dieu nous gèle, hier il nous chauffait.
    Comme à l'académie on lui dirait son fait !
    Que nous veut la comète ? À quoi sert le bolide ?
    Quand on est un pédant sérieux et solide,
    Plus on est ébloui, moins on est satisfait;
    La férule à Batteux, le sabre à Galifet
    Ne tolèrent pas Dieu sans quelque impatience;
    Dieu trouble l'ordre; il met sur les dents la science;
    À peine a-t-on fini qu'il faut recommencer;
    Il semble que l'on sent dans la main vous glisser
    On ne sait quel serpent tout écaillé d'aurore.
    Dès que vous avez ***: assez! il ***: encore !
    Ce démagogue donne au pauvre autant de fleurs
    Qu'au riche; il ne sait pas se borner; ses couleurs,
    Ses rayons, ses éclairs, c'est plus qu'on ne souhaite.
    Ah! tout cela fait mal aux yeux ! *** la chouette.
    Et la chouette, c'est la sagesse.
    Il est sûr
    Que Dieu taille à son gré le monde en plein azur;
    Il mêle l'ironie à son tonnerre épique;
    Si l'on plane il foudroie et si l'on broute il pique.
    (Je ne m'étonne pas que Planche eût l'air piqué.)
    Le vent, voix sans raison, sorte de bruit manqué,
    Sans jamais s'expliquer et sans jamais conclure,
    Rabâche, et l'océan n'est pas exempt d'enflure.
    Quant à moi, je serais, j'en fais ici l'aveu,
    Curieux de savoir ce que diraient de Dieu,
    Du monde qu'il régit, du ciel qu'il exagère,
    De l'infini, sinistre et confuse étagère,
    De tout ce que ce Dieu prodigue, des amas
    D'étoiles de tout genre et de tous les formats,
    De sa facon d'emplir d'astres le télescope,
    Nonotte et Baculard dans le café Procope.
  8. Angelique

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    À JEANNE
    Je ne te cache pas que j'aime aussi les bêtes;
    Cela t'amuse. et moi cela m'instruit; je sens
    Que ce n'est pas pour rien qu'en oes farouches têtes
    Dieu met le clair-obscur des grands bois frémissants.
    Je suis le curieux qui, né pour croire et plaindre,
    Sonde, en voyant l'aspic sous des roses rampant,
    Les sombres lois qui font que la femme doit craindre
    Le démon, quand la fleur n'a pas peur du serpent.
    Pendant que nous donnons des ordres à la terre,
    Rois copiant le singe et par lui copiés,
    Doutant s'il est notre oeuvre ou s'il est notre pére,
    Tout en bas, dans l'horreur fatale, sous nos pieds,
    On ne sait quel noir monde étonné nous regarde
    Et songe, et sous un joug, trop souvent odieux,
    Nous courbons l'humble monstre et la brute hagarde
    Qui, nous voyant démons, nous prennent pour des dieux.
    Oh ! que d'étranges lois! quel tragique mélange !
    Voit-on le dernier fait, sait-on le dernier mot,
    Quel spectre peut sortir de Vénus, et quel ange
    Peut naître dans le ventre affreux de Béhémoth ?
    Transfiguration ! mystère ! gouffre et cime!
    L'âme rejettera le corps, sombre haillon;
    La créature abjecte un jour sera sublime,
    L'être qu'on hait chenille on l'aime papillon.
  9. Angelique

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    Tous les bas âges sont épars sous ces grands arbres.
    Certes, l'alignement des vases et des marbres,
    Ce parterre au cordeau, ce cèdre résigné,
    Ce chêne que monsieur Despréaux eut signé,
    Ces barreaux noirs croisés sur la fleur odorante,
    Font honneur à Buffon qui fut l'un des Quarante
    Et mêla, de façon à combler tous nos voeux,
    Le peigne de Lenôtre aux effrayants cheveux
    De Pan, dieu des halliers, des rochers et des plaines;
    Cela n'empêche pas les roses d'être pleines
    De parfums, de désirs, d'amour et de clarté;
    Cela n'empêche pas l'été d'être l'été;
    Cela n'ôte à la vie aucune confiance;
    Cela n'empêche pas l'aurore en conscience
    D'apparaitre au zénith qui semble s'élargir,
    Les enfants de jouer, les monstres de rugir.
    Un bon effroi joyeux emplit ces douces têtes.
    Écoutez-moi ces cris charmants. ??" Viens voir les bêtes!
    Ils courent. Quelle extase! On s'arrête devant
    Des cages où l'on voit des oiseaux bleus rêvant
    Comme s'ils attendaient le mois où l'on émigre.
    ??"Regarde ce gros chat.??"Ce gros chat c'est le tigre.
    Les grands font aux petits vénérer les guenons,
    Les pythons, les chacals, et nomment par leurs noms
    Les vieux ours qui, ***-on, poussent l'humeur maligne
    Jusqu'à manger parfois des soldats de la ligne.
    Spectacle monstrueux! Les gueules, les regards
    De dragon, lueur fauve au fond des bois hagards,
    Les écailles, les dards, la griffe qui s'allonge,
    Une apparition d'abîme, l'affreux songe
    Réel que l'oeil troublé des prophètes amers
    Voit sous la transparence effroyable des mers
    Et qui se traîne épars dans l'horreur inouïe,
    L'énorme bâillement du gouffre qui s'ennuie,
    Les mâchoires de l'hydre ouvertes tristement,
    On ne sait quel chaos blême, obscur, inclément,
    Un essai d'exister, une ébauche de vie
    D'où sort le bégaiement furieux de l'envie.
    C'est cela l'animal; et c'est ce que l'enfant
    Regarde, admire et craint, vaguement triomphant;
    C'est de la nuit qu'il vient contempler, lui l'aurore.
    Ce noir fourmillement mugit, hurle, dévore;
    On est un chérubin rose, frêle et tremblant;
    On va voir celui-ci que l'hiver fait tout blanc,
    Cet autre dont l'oeil jette un éclair du tropique;
    Tout cela gronde, hait, menace, siffle, pique,
    Mord; mais par sa nourrice on se sent protéger;
    Comme c'est amusant d'avoir peur sans danger!
    Ce que l'homme contemple, il croit qu'il le découvre.
    Voir un roi dans son antre, un tigre dans son Louvre,
    Cela plaît à l'enfance.??"Il est joliment laid!
    Viens voir!??"Étrange instinct! Grâce à qui l'horreur plaît!
    On vient chercher surtout ceux qu'il faut qu'on évite.
    ??"Par ici !??"Non, par là !??"Tiens, regarde !??"Viens vite!
    ??"Jette-leur ton gâteau.??"Pas tout.??"Jette toujours.
    ??"Moi, j'aime bien les loups.??"Moi, j'aime mieux les ours.
    Et les fronts sont riants, et le soleil les dore,
    Et ceux qui, nés d'hier, ne parlent pas encore
    Pendant ces brouhahas sous les branchages verts,
    Sont là, mystérieux, les yeux tout grands ouverts,
    Et mé***ent.
    Afrique aux plis infranchissables,
    Ô gouffre d'horizons sinistres, mer des sables,
    Sahara, Dahomey, lac Nagain, Darfour,
    Toi, l'Amérique, et toi, l'Inde, âpre carrefour
    Où Zoroastre fait la rencontre d'Homère,
    Paysages de lune où rôde la chimère,
    Où l'orang-outang marche un bâton à la main,
    Où la nature est folle et n'a plus rien d'humain,
    Jungles par les sommeils de la fièvre rêvées,
    Plaines où brusquement on voit des arrivées
    De fleuves tout à coup grossis et déchaînés,
    Où l'on entend rugir les lions étonnés
    Que l'eau montante enferme en des îles subites,
    Déserts dont les gavials sont les noirs cénobites,
    Où le boa, sans souffle et sans tressaillement,
    Semble un tronc d'arbre à terre et dort affreusement,
    Terre des baobabs, des bambous, des lianes,
    Songez que nous avons des Georges et des Jeannes,
    Créez des monstres; lacs, forêts, avec vos monts
    Vos noirceurs et vos bruits, composez des mammons;
    Abîmes, condensez en eux toutes vos gloires,
    Donnez-leur vos rochers pour dents et pour mâchoires,
    Pour voix votre ouragan, pour regard votre horreur;
    Donnez-leur des aspects de pape et d'empereur,
    Et faites, par-dessus les halliers, leur étable
    Et leur palais, bondir leur joie épouvantable.
    Certes, le casoar est un bon sénateur,
    L'oie a l'air d'un évêque et plaît par sa hauteur,
    Dieu quand il fit le singe a rêvé Scaramouche,
    Le colibri m'enchante et j'aime l'oiseau-mouche;
    Mais ce que de ta verve, ô nature, j'attends
    Ce sont les Béhémoths et les Léviathans.
    Le nouveau-né qui sort de l'ombre et du mystère
    Ne serait pas content de ne rien voir sur terre;
    Un immense besoin d'étonnement, voilà
    Toute l'enfance, et c'est en songeant à cela
    Que j'applaudis, nature, aux géants que tu formes;
    L'oeil bleu des innocents veut des bêtes énormes;
    Travaillez, dieux affreux! Soyez illimités
    Et féconds, nous tenons à vos difformités
    Autant qu'à vos parfums, autant qu'à vos dictames,
    Ô déserts, attendu que les hippopotames,
    Que les rhinocéros et que les éléphants
    Sont évidemment faits pour les petits enfants.
  10. Angelique

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    C'est une émotion étrange pour mon âme
    De voir l'enfant, encor dans les bras de la femme,
    Fleur ignorant l'hiver, ange ignorant Satan,
    Secouant un hochet devant Léviathan,
    Approcher doucement la nature terrible.
    Les beaux séraphins bleus qui passent dans la bible,
    Envolés d'on ne sait quel ciel mystérieux,
    N'ont pas une plus pure aurore dans les yeux
    Et n'ont pas sur le front une plus sainte flamme
    Que l'enfant innocent riant au monstre infâme.
    Ciel noir! Quel vaste cri que le rugissement!
    Quand la bête, âme aveugle et visage écumant,
    Lance au loin, n'importe où, dans l'étendue hostile
    Sa voix lugubre, ainsi qu'un sombre projectile,
    C'est tout le gouffre affreux des forces sans clarté
    Qui hurle; c'est l'obscène et sauvage Astarté,
    C'est la nature abjecte et mau***e qui gronde;
    C'est Némée, et Stymphale, et l'Afrique profonde
    C'est le féroce Atlas, c'est l'Athos plus hanté
    Par les foudres qu'un lac par les mouches d'été;
    C'est Lerne, Pélion, Ossa, c'est Érymanthe,
    C'est Calydon funeste et noir, qui se lamente.
    *
    L'enfant regarde l'ombre où sont les lions roux.
    La bête grince; à qui s'adresse ce courroux ?
    L'enfant jase; sait-on qui les enfants appellent ?
    Les deux voix, la tragique et la douce se mêlent
    L'enfant est l'espérance et la bête est la faim;
    Et tous deux sont l'attente; il gazouille sans fin
    Et chante, et l'animal écume sans relâche;
    Ils ont chacun en eux un mystère qui tâche
    De dire ce qu'il sait et d'avoir ce qu'il veut
    Leur langue est prise et cherche à dénouer le noeud.
    Se parlent-ils ? Chacun fait son essai, l'un triste
    L'autre charmant; l'enfant joyeusement existe;
    Quoique devant lui l'Être effrayant soit debout
    Il a sa mère, il a sa nourrice, il a tout;
    Il rit.
    *
    De quelle nuit sortent ces deux ébauches ?
    L'une sort de l'azur; l'autre de ces débauches,
    De ces accouplements du nain et du géant,
    De ce hideux baiser de l'abîme au néant
    Qu'un nomme le chaos.
    Oui, cette **** immonde,
    Dont le soupirail blême apparaît sous le monde,
    Le chaos, ces chocs noirs, ces danses d'ouragans,
    Les éléments gâtés et devenus brigands
    Et changés en fléaux dans le cloaque immense,
    Le rut universel épousant la démence,
    La fécondation de Tout produisant Rien,
    Cet engloutissement du vrai, du beau, du bien,
    Qu'Orphée appelle Hadès, qu'Homère appelle Érèbe,
    Et qui rend fixe l'oeil fatal des sphinx de Thèbe,
    C'est cela, c'est la folle et mauvaise action
    Qu'en faisant le chaos fit la création,
    C'est l'attaque de l'ombre au soleil vénérable,
    C'est la convulsion du gouffre misérable
    Essayant d'opposer l'informe à l'idéal,
    C'est Tisiphone offrant son ventre à Bélial,
    C'est cet ensemble obscur de forces échappées
    Où les éclairs font rage et tirent leurs épées,
    Où périrent Janus, l'âge d'or et Rhéa,
    Qui, si nous en croyons les mages, procréa
    L'animal; et la bête affreuse fut rugie
    Et vomie au milieu des nuits par cette orgie.
    C'est de là que nous vient le monstre inquiétant.
    L'enfant, lui, pur songeur rassurant et content,
    Est l'autre énigme; il sort de l'obscurité bleue.
    Tous les petits oiseaux, mésange, hochequeue,
    Fauvette, passereau, bavards aux fraîches voix,
    Sont ses frères, tandis que ces marmots des bois
    Sentent pousser leur aile, il sent croître son âme
    Des azurs embaumés de myrrhe et de cinname,
    Des entre-croisements de fleurs et de rayons,
    Ces éblouissements sacrés que nous voyons
    Dans nos profonds sommeils quand nous sommes des justes,
    Un pêle-mêle obscur de branchages augustes
    Dont les anges au vol divin sont les oiseaux,
    Une lueur pareille au clair reflet des eaux
    Quand, le soir, dans l'étang les arbres se renversent,
    Des lys vivants, un ciel qui rit, des chants qui bercent,
    Voilà ce que l'enfant, rose, a derrière lui.
    Il s'éveille ici-bas, vaguement ébloui;
    Il vient de voir l'éden et Dieu; rien ne l'effraie,
    Il ne croit pas au mal; ni le loup, ni l'orfraie,
    Ni le tigre, démon taché, ni ce trompeur,
    Le renard, ne le font trembler; il n'a pas peur,
    Il chante; et quoi de plus touchant pour la pensée
    Que cette confiance au paradis, poussée
    Jusqu'à venir tout près sourire au sombre enfer!
    Quel ange que l'enfant! Tout, le mal, sombre mer,
    Les hydres qu'en leurs flots roulent les vils avernes,
    Les griffes, ces forêts, les gueules, ces ****rnes,
    Les cris, les hurlements, les râles, les abois,
    Les rauques visions, la fauve horreur des bois,
    Tout, Satan, et sa morne et féroce puissance,
    S'évanouit au fond du bleu de l'innocence!
    C'est beau. Voir Caliban et rester Ariel!
    Avoir dans son humble âme un si merveilleux ciel
    Que l'apparition indignée et sauvage
    Des êtres de la nuit n'y fasse aucun ravage,
    Et se sentir si plein de lumière et si doux
    Que leur souffle n'éteigne aucune étoile en vous!
    *
    Et je rêve. Et je crois entendre un dialogue
    Entre la tragédie effroyable et l'églogue;
    D'un côté l'épouvante, et de l'autre l'amour;
    Dans l'une ni dans l'autre il ne fait encor jour;
    L'enfant semble vouloir expliquer quelque chose;
    La bête gronde, et, monstre incliné sur la rose,
    Écoute...??"Et qui pourrait comprendre, ô firmament,
    Ce que le bégaiement *** au rugissement ?
    Quel que soit le secret, tout se dresse et mé***e,
    La fleur bénie ainsi que l'épine mau***e;
    Tout devient attentif; tout tressaille; un frisson
    Agite l'air, le flot, la branche, le buisson,
    Et dans les clairs-obscurs et dans les crépuscules,
    Dans cette ombre où jadis combattaient les Hercules,
    Où les Bellérophons s'envolaient, où planait
    L'immense Amos criant: Un nouveau monde naît!
    On sent on ne sait quelle émotion sacrée,
    Et c'est, pour la nature où l'éternel Dieu crée,
    C'est pour tout le mystère un attendrissement
    Comme si l'on voyait l'aube au rayon calmant
    S'ébaucher par-dessus d'informes promontoires,
    Quand l'âme blanche vient parler aux âmes noires.

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