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L'art d'être grand-père (1877) - Victor Hugo

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi Angelique, 25/11/2001.

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  1. Angelique

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    Que voulez-vous? L'enfant me tient en sa puissance;
    Je finis par ne plus aimer que l'innocence;
    Tous les hommes sont cuivre et plomb, l'enfance est or.
    J'adore Astyanax et je gourmande Hector.
    Es-tu s?ằr d'avoir fait ton devoir envers Troie ?
    Mon ciel est un azur, qui, par instants, foudroie.
    Bont?â, fureur, c'est là mon flux et mon reflux,
    Et je ne suis born?â d'aucun côt?â, pas plus
    Quand ma bouche sourit que lorsque ma voix gronde;
    Je me sens plein d'une ?Âme ?âtoil?âe et profonde;
    Mon coeur est sans fronti?ăre, et je n'ai pas d'endroit
    O?ạ finisse l'amour des petits, et le droit
    Des faibles, et l'appui qu'on doit aux mis?ârables;
    Si c'est un mal, il faut me mettre aux Incurables.
    Je ne vois pas qu'allant du ciel au genre humain,
    Un rayon de soleil s'arr?ête à mi-chemin;
    La mod?âration du vrai m'est inconnue;
    Je veux le rire franc, je veux l'?âtoile nue.
    Je suis vieux, vous passez, et moi, triste ou content,
    J'ai la paternit?â du si?ăcle sur l'instant.
    Trouvez-moi quelque chose, et quoi que ce puisse ?être
    D'extr?ême, appartenant à mon emploi d'anc?être,
    Bl?Âme aux uns ou secours aux autres, je le fais.
    Un jour, je fus parmi les vainqueurs, j'?âtouffais;
    Je sentais à quel point vaincre est impitoyable;
    Je pris la fuite. Un roc, une plage de sable
    M'accueillirent. La Mort vint me parler. " Proscrit,
    Me ***-elle, salut! " Et quelqu'un me sourit,
    Quelqu'un de grand qui r?êve en moi, ma conscience.
    Et j'aimai les enfants, ne voyant que l'enfance,
    ?" ciel myst?ârieux, qui val?ằt mieux que moi.
    L'enfant, c'est de l'amour et de la bonne foi.
    Le seul ?être qui soit dans cette sombre vie
    Petit avec grandeur puisqu'il l'est sans envie,
    C'est l'enfant.
    C'est pourquoi j'aime ces passereaux.
    *
    Pourtant, ces myrmidons je les r?êve h?âros.
    France, j'attends qu'ils soient au devoir saisissables.
    D?ăs que nos fils sont grands, je les sens responsables;
    Je cesse de sourire; et je me dis qu'il faut
    Livrer une bataille immense à l'?âchafaud,
    Au trône, au sceptre, au glaive, aux Louvres, aux repaires.
    Je suis tendre aux petits, mais rude pour les p?ăres.
    C'est ma fa?Đon d'aimer les hommes faits; je veux
    Qu'on pense à la patrie, empoign?âe aux cheveux
    Et par les pieds tra?đn?âe autour du camp vandale;
    Lorsqu'à Rome, à Berlin, la b?ête f?âodale
    Rena?đt et rouvre, affront pour le soleil levant,
    Deux gueules qui d'ailleurs s'entremordent souvent,
    Je m'indigne. Je sens, ô supr?ême souffrance,
    La diminution tragique de la France,
    Et j'accuse quiconque a la barbe au menton;
    Quoi ! ce grand imb?âcile a l'?Âge de Danton!
    Quoi! ce drôle est Jocrisse et pourrait ?être Hoche!
    Alors l'aube à mes yeux surgit comme un reproche,
    Tout s'?âclipse, et je suis de la tombe envieux.
    Morne, je me souviens de ce qu'ont fait les vieux;
    Je songe à l'oc?âan assi?âgeant les falaises,
    Au vaste ?âcroulement qui suit les Marseillaises,
    Aux portes de la nuit, aux Hydres, aux dragons,
    A tout ce que ces preux ont jet?â hors des gonds!
    Je les revois m?êlant aux ?âclairs leur banni?ăre;
    Je songe à la joyeuse et farouche mani?ăre
    Dont ils tordaient l'Europe entre leurs poings d'airain;
    Oh! ces soldats du Nil, de l'Argonne et du Rhin,
    Ces lutteurs, ces vengeurs, je veux qu'on les imite!
    Je vous le dis, je suis un aïeul sans limite;
    Apr?ăs l'ange je veux l'archange au firmament;
    Moi grand-p?ăre indulgent, mais anc?être incl?âment,
    Aussi doux d'un côt?â que s?âv?ăre de l'autre,
    J'aime la gloire ?ânorme et je veux qu'on s'y vautre
    Quand cette gloire est sainte et sauve mon pays!
    Dans les Herculanums et dans les Pomp?âïs
    Je ne veux pas qu'on puisse un jour compter nos villes;
    Je ne vois pas pourquoi les ?Âmes seraient viles;
    Je ne vois pas pourquoi l'on n'?âgalerait pas
    Dans l'audace, l'effort, l'espoir, dans le tr?âpas,
    Les hommes d'I?âna, d'Ulm et des Pyramides;
    Les vaillants ont-ils donc engendr?â les timides ?
    Non, vous avez du sang aux veines, jeunes gens!
    Nos aïeux ont ?ât?â des h?âros outrageants
    Pour le vieux monde inf?Âme; il reste de la place
    Dans l'avenir; soyez peuple et non populace;
    Soyez comme eux g?âants! Je n'ai pas de raisons
    Pour ne point souhaiter les m?êmes horizons,
    Les m?êmes nations en chantant d?âlivr?âes,
    Le m?ême arrachement des fers et des livr?âes,
    Et la m?ême grandeur sans tache et sans remords
    ?? nos enfants vivants qu'à nos anc?êtres morts!
  2. Angelique

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    CHANSON DE GRAND-PÈRE
    Dansez, les petites filles,
    Toutes en rond.
    En vous voyant si gentilles,
    Les bois riront.
    Dansez, les petites reines,
    Toutes en rond.
    Les amoureux sous les frênes
    S'embrasseront.
    Dansez, les petites belles,
    Toutes en rond.
    Les bouquins dans les écoles
    Bougonneront.
    Dansez, les petites belles,
    Toutes en rond.
    Les oiseaux avec leurs ailes
    Applaudiront.
    Dansez, les petites fées,
    Toutes en rond.
    Dansez, de bleuets coiffées,
    L'aurore au front.
    Dansez, les petites femmes,
    Toutes en rond.
    Les messieurs diront aux dames
    Ce qu'ils voudront.
  3. Angelique

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    CHANSON D'ANCÊTRE
    Parlons de nos aïeux sous la verte feuillée.
    Parlons de nos pères, fils!??"Ils ont rompu leurs fers,
    Et vaincu; leur armure est aujourd'hui rouillée.
    Comme il tombe de l'eau d'une éponge mouillée,
    De leur âme dans l'ombre il tombait des éclairs,
    Comme si dans la foudre on les avait trempées.
    Frappez, écoliers,
    Avec les épées
    Sur les boucliers.
    Ils craignaient le vin sombre et les pâles ménades;
    Ils étaient indignés, ces vieux fils de Brennus,
    De voir les rois passer fiers sous les colonnades,
    Les cortèges des rois étant des promenades
    De prêtres, de soldats, de femmes aux seins nus,
    D'hymnes et d'encensoirs, et de têtes coupées.
    Frappez, écoliers,
    Avec les épées
    Sur les boucliers.
    Ils ont voulu, couvé, créé la délivrance;
    Ils étaient les titans, nous sommes les fourmis;
    Ils savaient que la Gaule enfanterait la France;
    Quand on a la hauteur, on a la confiance;
    Les montagnes, à qui le rayon est promis,
    Songent, et ne sont point par l'aurore trompées.
    Frappez, écoliers,
    Avec les épées
    Sur les boucliers.
    Quand une ligue était par les princes construite,
    Ils grondaient, et, pour peu que la chose en valût
    La peine, et que leur chef leur criât: Tout de suite !
    Ils accouraient; alors les rois prenaient la fuite
    En hâte, et les chansons d'un vil joueur de luth
    Ne sont pas dans les airs plus vite dissipées.
    Frappez, écoliers,
    Avec les épées
    Sur les boucliers.
    Lutteurs du gouffre, ils ont découronné le crime,
    Brisé les autels noirs, détruit les dieux brigands;
    C'est pourquoi, moi vieillard, penché sur leur abîme,
    Je les déclare grands, car rien n'est plus sublime
    Que l'océan avec ses profonds ouragans,
    Si ce n'est l'homme avec ses sombres épopées.
    Frappez, écoliers,
    Avec les épées
    Sur les boucliers.
    Hélas! sur leur flambeau, nous leurs fils, nous soufflâmes.
    Fiers aïeux! ils disaient au faux prêtre: Va-t'en !
    Du bûcher misérable ils éteignaient les flammes,
    Et c'est par leur secours que plusieurs grandes âmes,
    Mises injustement au bagne par Satan,
    Tu le sais, Dieu! se sont de l'enfer échappées.
    Frappez, écoliers,
    Avec les épées
    Sur les boucliers.
    Levez vos fronts; voyez oe pur sommet, la gloire,
    Ils étaient là; voyez cette cime, l'honneur,
    Ils étaient là; voyez ce hautain promontoire,
    La liberté; mourir libres fut leur victoire;
    Il faudra, car l'orgie est un lâche bonheur,
    Se remettre à gravir ces pentes escarpées.
    Frappez, chevaliers,
    Avec les épées
    Sur les boucliers.
  4. Angelique

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    JEANNE ENDORMIE.??"IV
    L'oiseau chante; je suis au fond des rêveries.
    Rose, elle est là qui dort sous les branches fleuries,
    Dans son berceau tremblant comme un nid d'alcyon,
    Douce, les yeux fermés, sans faire attention
    Au glissement de l'ombre et du soleil sur elle.
    Elle est toute petite, elle est surnaturelle.
    Ô suprême beauté de l'enfant innocent!
    Moi je pense, elle rêve; et sur son front descend
    Un entrelacement de visions sereines;
    Des femmes de l'azur qu'on prendrait pour des reines,
    Des anges, des lions ayant des airs benins,
    De pauvres bons géants protégés par des nains,
    Des triomphes de fleurs dans les bois, des trophées
    D'arbres célestes, pleins de la lueur des fées,
    Un nuage où l'éden apparaît à demi,
    Voilà ce qui s'abat sur l'enfant endormi.
    Le berceau des enfants est le palais des songes;
    Dieu se met à leur faire un tas de doux mensonges;
    De là leur frais sourire et leur profonde paix.
    Plus d'un dira plus tard: Bon Dieu, tu me trompais.
    Mais le bon Dieu répond dans la profondeur sombre:
    ??"Non. Ton rêve est le ciel. Je t'en ai donné l'ombre.
    Mais ce ciel, tu l'auras. Attends l'autre berceau;
    La tombe.??"
    Ainsi je songe. Ô printemps! Chante, oiseau!
  5. Angelique

    Angelique Thành viên quen thuộc

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    PATRIE
    Ô France, ton malheur m'indigne et m'est sacré.
    Je l'ai ***, et jamais je ne me lasserai
    De le redire, et c'est le grand cri de mon âme,
    Quiconque fait du mal à ma mère est infâme.
    En quelque lieu qu'il soit caché, tous mes souhaits
    Le menacent; sur terre ou là-haut, je le hais.
    César, je le flétris; destin, je le secoue.
    Je questionne l'ombre et je fouille la boue;
    L'empereur, ce brigand, le hasard, ce ban***,
    Eveillent ma colère; et ma strophe mau***
    Avec des pleurs sanglants, avec des cris funèbres,
    Le sort, ce mauvais drôle errant dans les ténèbres;
    Je rappelle la nuit, le gouffre, le ciel noir,
    Et les événements farouches, au devoir.
    Je n'admets pas qu'il soit permis aux sombres causes
    Qui mêlent aux droits vrais l'aveuglement des choses
    De faire rebrousser chemin à la raison;
    Je dénonce un revers qui vient par trahison;
    Quand la gloire et l'honneur tombent dans une embûche,
    J'affirme que c'est Dieu lui-même qui trébuche;
    J'interpelle les faits tortueux et rampants,
    La victoire, l'hiver, l'ombre et ses guet-apens;
    Je dis à ces passants quelconques de l'abîme
    Que je les vois, qu'ils sont en train de faire un crime,
    Que nous ne sommes point des femmes à genoux,
    Que nous réfléchissons, qu'ils prennent garde à nous,
    Que ce n'est pas ainsi qu'on doit traiter la France,
    Et que, même tombée au fond de la souffrance,
    Même dans le sépulcre, elle a l'étoile au front.
    Je voudrais bien savoir ce qu'ils me répondront.
    Je suis un curieux, et je gênerai, certe,
    Le destin qu'un regard sévère déconcerte,
    Car on est responsable au ciel plus qu'on ne croit.
    Quand le progrès devient boiteux, quand Dieu décroît
    En apparence, ayant sur lui la nuit barbare,
    Quand l'homme est un esquif dont Satan prend la barre,
    Il est certain que l'âme humaine est au cachot,
    Et qu'on a dérangé quelque chose là-haut.
    C'est pourquoi je demande à l'ombre la parole.
    Je ne suis pas de ceux dont la fierté s'envole,
    Et qui, pour avoir vu régner des ruffians
    Et des gueux, cessent d'être à leur droit confiants;
    Je lave ma sandale et je poursuis ma route;
    Personne n'a jamais vu mon âme en déroute;
    Je ne me trouble point parce qu'en ses reflux
    Le vil destin sur nous jette un Rosbach de plus;
    La défaite me fait songer à la victoire;
    J'ai l'obstination de l'altière mémoire;
    Notre linceul toujours eut la vie en ses plis;
    Quand je lis Waterloo, je prononce Austerlitz.
    Le deuil donne un peu plus de hauteur à ma tête.
    Mais ce n'est pas assez, je veux qu'on soit honnête
    Là-haut, et je veux voir ce que les destins font
    Chez eux, dans la forêt du mystère profond,
    Car ce qu'ils font chez eux, c'est chez nous qu'on le souffre.
    Je prétends regarder face à face le gouffre.
    Je sais que l'ombre doit rendre compte aux esprits.
    Je désire savoir pourquoi l'on nous a pris
    Nos villes, notre armée, et notre force utile;
    Et pourquoi l'on filoute et pourquoi l'on mutile
    L'immense peuple aimant d'où sortent les clartés;
    Je veux savoir le fond de nos calamités,
    Voir le dedans du sort misérable, et connaître
    Ces recoins où trop peu de lumière pénètre;
    Pourquoi l'assassinat du Midi par le Nord,
    Pourquoi Paris vivant vaincu par Berlin mort,
    Pourquoi le bagne à l'ange et le trône au squelette;
    Ô France, je prétends mettre sur la sellette
    La guerre, les combats, nos affronts, nos malheurs,
    Et je ferai vider leur poche à ces voleurs,
    Car juger le hasard, c'est le droit du prophète.
    J'affirme que la loi morale n'est pas faite
    Pour qu'on souffle dessus là-haut, dans la hauteur,
    Et qu'un événement peut être un malfaiteur.
    J'avertis l'inconnu que je perds patience;
    Et c'est là la grandeur de notre conscience
    Que, seule et triste, ayant pour appui le berceau,
    L'innocence, le droit des faibles, le roseau,
    Elle est terrible; elle a, par ce seul mot: Justice,
    Entrée au ciel; et, si la comète au solstice
    S'égare, elle pourrait lui montrer son chemin;
    Elle requiert Dieu même au nom du genre humain;
    Elle est la vérité, blanche, pâle, immortelle;
    Pas une force n'est la force devant elle;
    Les lois qu'on ne voit pas penchent de son côté;
    Oui, c'est là la puissance et c'est là la beauté
    De notre conscience,??"écoute ceci, prêtre,??"
    Qu'elle ne comprend pas qu'un attentat puisse être
    Par quelqu'un qui serait juste, prémé***é;
    Oui, sans armes, n'ayant que cette nu***é,
    Le vrai, quand un éclair tombe mal sur la terre,
    Quand un des coups obscurs qui sortent du mystère
    Frappe à tâtons, et met les peuples en danger,
    S'il lui plaisait d'aller là-haut l'interroger
    Au milieu de cette ombre énorme qu'on vénère,
    Tranquille, elle ferait bégayer le tonnerre.
  6. Angelique

    Angelique Thành viên quen thuộc

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    PERSÉVÉRANCE
    N'importe. Allons au but, continuons. Les choses,
    Quand l'homme tient la clef, ne sont pas longtemps closes.
    Peut-être qu'elle-même, ouvrant ses pâles yeux,
    La nuit, lasse du mal, ne demande pas mieux
    Que de trouver celui qui saura la convaincre.
    Le devoir de l'obstacle est de se laisser vaincre.
    L'obscurité nous craint et recule en grondant
    Regardons les penseurs de l'âge précédent,
    Ces héros, ces géants qu'une même âme anime,
    Détachés par la mort de leur travail sublime,
    Passer, les pieds poudreux et le front étoilé;
    Saluons la sueur du relais dételé;
    Et marchons. Nous aussi, nous avons notre étape.
    Le pied de l'avenir sur notre pavé frappe;
    En route! Poursuivons le chemin commencé;
    Augmentons l'épaisseur de l'ombre du passé;
    Laissons derrière nous, et le plus loin possible,
    Toute l'antique horreur de moins en moins visible.
    Déjà le précurseur dans ces brumes brilla;
    Platon vint jusqu'ici, Luther a monté là;
    Voyez, de grands rayons marquent de grands passages;
    L'ombre est pleine partout du flamboiement des sages;
    Voici l'endroit profond où Pascal s'est penché.
    Criant: gouffre! Jean-Jacque où je marche a marché;
    C'est là que, s'envolant lui-même aux cieux, Voltaire,
    Se sentant devenir sublime, a perdu terre,
    Disant: Je vois! ainsi qu'un prophète ébloui.
    Luttons, comme eux; luttons, le front épanoui;
    Marchons! un pas qu'on fait, c'est un champ révèle;
    Déchiffrons dans les temps nouveaux la loi nouvelle;
    Le coeur n'est jamais sourd, l'esprit n'est jamais las,
    Et la route est ouverte aux fiers apostolats.
    Ô tous ! vivez, marchez, croyez! soyez tranquilles.
    ??"Mais quoi! le râle sourd des discordes civiles,
    Ces siècles de douleurs, de pleurs, d'adversités,
    Hélas! tous ces souffrants, tous ces déshérités,
    Tous ces proscrits, le deuil, la haine universelle,
    Tout ce qui dans le fond des âmes s'amoncelle,
    Cela ne va-t-il pas éclater tout à coup ?
    La colère est partout, la fureur est partout;
    Les cieux sont noirs; voyez, regardez; il éclaire !??"
    Qu'est-ce que la fureur ? qu'importe la colère ?
    La vengeance sera surprise de son fruit;
    Dieu nous transforme; il a pour tâche en notre nuit
    L'auguste avortement de la foudre en aurore.
    Dieu prend dans notre coeur la haine et la dévore;
    Il se jette sur nous des profondeurs du jour,
    Et nous arrache tout de l'âme, hors l'amour;
    Avec ce bec d'acier, la conscience, il plonge
    Jusqu'à notre pensée et jusqu'à notre songe,
    Fouille notre poitrine et, quoi que nous fassions,
    Jusqu'aux vils intestins qu'on nomme passions;
    Il pille nos instincts mauvais, il nous dépouille
    De ce qui nous tourmente et de ce qui nous souille;
    Et, quand il nous a faits pareils au ciel béni,
    Bons et purs, il s'envole, et rentre à l'infini;
    Et, lorsqu'il a passé sur nous, l'âme plus grande
    Sent qu'elle ne hait plus, et rend grâce, et demande:
    Qui donc m'a prise ainsi dans ses serres de feu ?
    Et croit que c'est un aigle, et comprend que c'est Dieu.
  7. Angelique

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    PROGRÈS
    En avant, grande marche humaine!
    Peuple, change de région.
    Ô larve, deviens phénomène;
    Ô troupeau, deviens légion.
    Cours, aigle, où tu vois l'aube éclore.
    L'acceptation de l'aurore
    N'est inter***e qu'aux hiboux.
    Dans le soleil Dieu se devine;
    Le rayon a l'âme divine
    Et l'âme humaine à ses deux bouts.
    Il vient de l'une et vole à l'autre;
    Il est pensée, étant clarté;
    En haut archange, en bas apôtre,
    En haut flamme, en bas liberté.
    Il crée Horace ainsi que Dante,
    Dore la rose au vent pendante,
    Et le chaos où nous voguons;
    De la même émeraude il touche
    L'humble plume de l'oiseau-mouche
    Et l'âpre écaille des dragons48.
    Prenez les routes lumineuses,
    Prenez les chemins étoilés.
    Esprits semeurs, âmes glaneuses,
    Allez, allez, allez, allez!
    Esclaves d'hier, tristes hommes,
    Hors des bagnes, hors des sodomes,
    Marchez, soyez vaillants, montez;
    Ayez pour triomphe la gloire
    Où vous entrez, ô foule noire,
    Et l'opprobre dont vous sortez!
    Homme, franchis les mers. Secoue
    Dans l'écume tout le passé;
    Allume en étoupe à ta proue
    Le chanvre du gibet brisé.
    Gravis les montagnes. Écrase
    Tous les vieux monstres dans la vase;
    Ressemble aux anciens Apollons;
    Quand l'épée est juste, elle est pure;
    Va donc! car l'homme a pour parure
    Le sang de l'hydre à ses talons.
  8. Angelique

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    FRATERNITÉ
    Je rêve l'équité, la vérité profonde,
    L'amour qui veut, l'espoir qui luit, la foi qui fonde,
    Et le peuple éclairé plutôt que châtié.
    Je rêve la douceur, la bonté, la pitié,
    Et le vaste pardon. De là ma solitude.
    *
    La vieille barbarie humaine a l'habitude
    De s'absoudre, et de croire, hélas, que ce qu'on veut,
    Prêtre ou juge, on a droit de le faire, et qu'on peut
    Ôter sa conscience en mettant une robe.
    Elle prend l'équité céleste, elle y dérobe
    Ce qui la gêne, y met ce qui lui plaît; biffant
    Tout ce qu'on doit au faible, à la femme, à l'enfant,
    Elle change le chiffre, elle change la somme,
    Et du droit selon Dieu fait la loi selon l'homme.
    De là les hommes-dieux, de là les rois-soleils;
    De là sur les pavés tant de ruisseaux vermeils;
    De là les Laffemas, les Vouglans, les Bâvilles;
    De là l'effroi des champs et la terreur des villes,
    Les lapidations, les deuils, les cruautés,
    Et le front sérieux des sages insultés.
    *
    Jésus paraît; qui donc s'écrie: Il faut qu'il meure!
    C'est le prêtre. Ô douleur! À jamais, à demeure,
    Et quoi que nous disions, et quoi que nous songions,
    Les euménides sont dans les religions;
    Mégère est catholique; Alecton est chrétienne;
    Clotho, nonne sanglante, accompagnait l'antienne
    D'Arbuez, et l'on entend dans l'église sa voix;
    Ces bacchantes du meurtre encourageaient Louvois;
    Et les monts étaient pleins du cri de ces ménades
    Quand Bossuet poussait Boufflers aux dragonnades.
    *
    Ne vous figurez pas, si Dieu lui-même accourt,
    Que l'antique fureur de l'homme reste court,
    Et recule devant la lumière céleste.
    Au plus pur vent d'en haut elle mêle sa peste,
    Elle mêle sa rage aux plus doux chants d'amour,
    S'enfuit avec la nuit, mais rentre avec le jour.
    Le progrès le plus vrai, le plus beau, le plus sage,
    Le plus juste, subit son monstrueux passage.
    L'aube ne peut chasser l'affreux spectre importun.
    Cromwell frappe un tyran, Charles; il en reste un,
    Cromwell. L'atroce meurt, l'atrocité subsiste.
    Le bon sens, souriant et sévère exorciste,
    Attaque ce vampire et n'en a pas raison.
    Comme une sombre aïeule habitant la maison,
    La barbarie a fait de nos coeurs ses repaires,
    Et tient les fils après avoir tenu les pères.
    L'idéal un jour naît sur l'ancien continent,
    Tout un peuple ébloui se lève rayonnant,
    Le quatorze juillet jette au vent les bastilles,
    Les révolutions, ô Liberté, tes filles,
    Se dressent sur les monts et sur les océans,
    Et gagnent la bataille énorme des géants,
    Toute la terre assiste à la fuite inouïe
    Du passé, néant, nuit, larve, ombre évanouie !
    L'inepte barbarie attente à ce laurier,
    Et perd Torquemada, mais retrouve Carrier.
    Elle se trouble peu de toute cette aurore.
    La vaste ruche humaine, éveillée et sonore,
    S'envole dans l'azur, travaille aux jours meilleurs,
    Chante, et fait tous les miels avec toutes les fleurs;
    La vieille âme du vieux Caïn, l'antique Haine
    Est là, voit notre éden et songe à sa géhenne,
    Ne veut pas s'interrompre et ne veut pas finir,
    Rattache au vil passé l'éclatant avenir,
    Et remplace, s'il manque un chaînon à sa chaîne,
    Le père Letellier par le Père Duchêne;
    De sorte que Satan peut, avec les mau***s,
    Rire de notre essai manqué de paradis.
    Eh bien, moi, je dis: Non! tu n'es pas en démence,
    Mon coeur, pour vouloir l'homme indulgent, bon, immense;
    Pour crier: Sois clément! sois clément! sois clément!
    Et parce que ta voix n'a pas d'autre enrouement!
    *
    Tu n'es pas furieux parce que tu souhaites
    Plus d'aube au cygne et moins de nuit pour les chouettes;
    Parce que tu gémis sur tous les opprimés;
    Non, ce n'est pas un fou celui qui ***: Aimez!
    Non, ce n'est pas errer et rêver que de croire
    Que l'homme ne naît point avec une âme noire,
    Que le bon est latent dans le pire, et qu'au fond
    Peu de fautes vraiment sont de ceux qui les font.
    L'homme est au mal ce qu'est à l'air le baromètre;
    Il marque les degrés du froid, sans rien omettre,
    Mais sans rien ajouter, et, s'il monte ou descend,
    Hélas! la faute en est au vent, ce noir passant.
    L'homme est le vain drapeau d'un sinistre édifice;
    Tout souffle qui frémit, flotte, serpente, glisse
    Et passe, il le subit, et le pardon est dû
    À ce haillon vivant dans les cieux éperdu.
    Hommes, pardonnez-vous. Ô mes frères, vous êtes
    Dans le vent, dans le gouffre obscur, dans les tempêtes;
    Pardonnez-vous. Les coeurs saignent, les ans sont courts;
    Ah ! donnez-vous les uns aux autres ce secours!
    Oui, même quand j'ai fait le mal, quand je trébuche
    Et tombe, l'ombre étant la cause de l'embûche,
    La nuit faisant l'erreur, l'hiver faisant le froid,
    Être absous, pardonné, plaint, aimé, c'est mon droit.
    Un jour, je vis passer une femme inconnue.
    Cette femme semblait descendre de la nue;
    Elle avait sur le dos des ailes, et du miel
    Sur sa bouche entr'ouverte, et dans ses yeux le ciel.
    À des voyageurs las, à des errants sans nombre,
    Elle montrait du doigt une route dans l'ombre,
    Et semblait dire: On peut se tromper de chemin.
    Son regard faisait grâce à tout le genre humain;
    Elle était radieuse et douce; et, derrière elle,
    Des monstres attendris venaient, baisant son aile,
    Des lions graciés, des tigres repentants,
    Nemrod sauvé, Néron en pleurs; et par instants
    À force d'être bonne elle paraissait folle.
    Et, tombant à genoux, sans dire une parole,
    Je l'adorai, croyant deviner qui c'était.
    Mais elle,??"devant l'ange en vain l'homme se tait,??"
    Vit ma pensée, et ***: Faut-il qu'on t'avertisse ?
    Tu me crois la pitié; fils, je suis la justice.
  9. Angelique

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    17/04/2001
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    L'ÂME À LA POURSUITE DU VRAI
    I
    Je m'en irai dans les chars sombres
    Du songe et de la vision;
    Dans la blême cité des ombres
    Je passerai comme un rayon;
    J'entendrai leurs vagues huées;
    Je semblerai dans les nuées
    Le grand échevelé de l'air;
    J'aurai sous mes pieds le vertige,
    Et dans les yeux plus de prodige
    Que le météore et l'éclair.
    Je rentrerai dans ma demeure,
    Dans le noir monde illimité.
    Jetant à l'éternité l'heure
    Et la terre à l'immensité,
    Repoussant du pied nos misères,
    Je prendrai le vrai dans mes serres
    Et je me transfigurerai,
    Et l'on ne verra plus qu'à peine
    Un reste de lueur humaine
    Trembler sous mon sourcil sacré.
    Car je ne serai plus un homme;
    Je serai l'esprit ébloui
    À qui le sépulcre se nomme,
    À qui l'énigme répond: Oui.
    L'ombre aura beau se faire horrible;
    Je m'épanouirai terrible,
    Comme Élie à Gethsémani,
    Comme le vieux Thalès de Grèce,
    Dans la formidable allégresse
    De l'abîme et de l'infini.
    Je questionnerai le gouffre
    Sur le secret universel,
    Et le volcan, l'urne de soufre,
    Et l'océan, l'urne de sel;
    Tout ce que les profondeurs savent,
    Tout ce que les tourmentes lavent,
    Je sonderai tout; et j'irai
    Jusqu'à ce que, dans les ténèbres,
    Je heurte mes ailes funèbres
    À quelqu'un de démesuré.
    Parfois m'envolant jusqu'au faîte,
    Parfois tombant de tout mon poids,
    J'entendrai crier sur ma tête
    Tous les cris de l'ombre à la fois,
    Tous les noirs oiseaux de l'abîme,
    L'orage, la foudre sublime,
    L'âpre aquilon sé***ieux,
    Tous les effrois qui, pêle-mêle,
    Tourbillonnent, battant de l'aile,
    Dans le précipice des cieux.
    La Nuit pâle, immense fantôme
    Dans l'espace insondable épars,
    Du haut du redoutable dôme,
    Se penchera de toutes parts;
    Je la verrai lugubre et vaine,
    Telle que la vit Antisthène
    Qui demandait aux vents: Pourquoi ?
    Telle que la vit Épicure,
    Avec des plis de robe obscure
    Flottant dans l'ombre autour de moi.
    ??"Homme! la démence t'emporte,
    Dira le nuage irrité.
    ??"Prends-tu la nuit pour une porte ?
    Murmurera l'obscurité.
    L'espace dira:??"Qui t'égare ?
    Passeras-tu, barde, où Pindare
    Et David ne sont point passés ?
    ??"C'est ici, criera la tempête,
    Qu'Hésiode a ***: Je m'arrête!
    Qu'Ézéchiel a ***: Assez !
    Mais tous les efforts des ténèbres
    Sur mon essor s'épuiseront
    Sans faire fléchir mes vertèbres
    Et sans faire pâlir mon front;
    Au sphinx, au prodige, au problème,
    J'apparaîtrai, monstre moi-même,
    Être pour deux destins construit,
    Ayant, dans la céleste sphère,
    Trop de l'homme pour la lumière,
    Et trop de l'ange pour la nuit.
    II
    L'ombre *** au poète:??"Imite
    Ceux que retient l'effroi divin;
    N'enfreins pas l'étrange limite
    Que nul n'a violée en vain;
    Ne franchis pas l'obscure grève
    Où la nuit, la tombe et le rêve
    Mêlent leurs souffles inouïs,
    Où l'abîme sans fond, sans forme,
    Rapporte dans sa houle énorme
    Les prophètes évanouis.
    Tous les essais que tu peux faire
    Sont inutiles et perdus.
    Prends un culte; choisis; préfère;
    Tes voeux ne sont pas entendus;
    Jamais le mystère ne s'ouvre;
    La tranquille immensité couvre
    Celui qui devant Dieu s'enfuit
    Et celui qui vers Dieu s'élance
    D'une égalité de silence
    Et d'une égalité de nuit.
    Va sur l'Olympe où Stésichore,
    Cherchant Jupiter, le trouva;
    Va sur l'Horeb qui fume encore
    Du passage de Jéhovah;
    Ô songeur, ce sont là des cimes,
    De grands buts, des courses sublimes...
    On en revient désespéré,
    Honteux, au fond de l'ombre noire,
    D'avoir abdiqué jusqu'à croire!
    Indigné d'avoir adoré!
    L'Olympien est de la brume;
    Le Sinaïque est de la nuit.
    Nulle part l'astre ne s'allume,
    Nulle part l'ombre ne bleuit.
    Que l'homme vive et s'en contente;
    Qu'il reste l'homme; qu'il ne tente
    Ni l'obscurité, ni l'éther;
    Sa flamme à la fange est unie,
    L'homme est pour le ciel un génie,
    Mais l'homme est pour la terre un ver.
    L'homme a Dante, Shakspeare, Homère;
    Ses arts sont un trépied fumant;
    Mais prétend-il de sa chimère
    Illuminer le firmament ?
    C'est toujours quelque ancienne idée
    De l'Élide ou de la Chaldée
    Que l'âge nouveau rajeunit.
    Parce que tu luis dans ta sphère,
    Esprit humain, crois-tu donc faire
    De la flamme jusqu'au Zénith!
    Après Socrate et le Portique,
    Sans t'en douter, tu mets le feu
    À la même chimère antique
    Dont l'Inde ou Rome ont fait un dieu;
    Comme cet Éson de la fable,
    Tu retrempes dans l'ineffable,
    Dans l'absolu, dans l'infini,
    Quelque Ammon d'Égypte ou de Grèce,
    Ce qu'avant toi mau*** Lucrèce,
    Ce qu'avant toi Job a béni.
    Tu prends quelque être imaginaire,
    Vieux songe de l'humanité,
    Et tu lui donnes le tonnerre,
    L'auréole, l'éternité.
    Tu le fais, tu le renouvelles;
    Puis, tremblant, tu te le révèles,
    Et tu frémis en le créant;
    Et, lui prêtant vie, abondance,
    Sagesse, bonté, providence,
    Tu te chauffes à ce néant!
    Sous quelque mythe qu'il s'enferme,
    Songeur, il n'est point de Baal
    Qui ne contienne en lui le germe
    D'un éblouissant idéal;
    De même qu'il n'est pas d'épine,
    Pas d'arbre mort dans la ruine.
    Pas d'impur chardon dans l'égout,
    Qui, si l'étincelle le touche,
    Ne puisse, dans l'âtre farouche,
    Faire une aurore tout à coup!
    Vois dans les forêts la broussaille,
    Culture abjecte du hasard;
    Déguenillée, elle tressaille
    Au glissement froid du lézard;
    Jette un charbon, ce houx sordide
    Va s'épanouir plus splendide
    Que la tunique d'or des rois;
    L'éclair sort de la ronce infâme;
    Toutes les pourpres de la flamme
    Dorment dans ce haillon des bois.
    Comme un enfant qui s'émerveille
    De tirer, à travers son jeu,
    Une splendeur gaie et vermeille
    Du vil sarment qu'il jette au feu,
    Tu concentres toute la flamme
    De ce que peut rêver ton âme
    Sur le premier venu des dieux,
    Puis tu t'étonnes, ô poussière,
    De voir sortir une lumière
    De cet Irmensul monstrueux.
    À la vague étincelle obscure
    Que tu tires d'un Dieu pervers,
    Tu crois raviver la nature,
    Tu crois réchauffer l'univers;
    Ô nain, ton orgueil s'imagine
    Avoir retrouvé l'origine,
    Que tous vont s'aimer désormais,
    Qu'on va vaincre les nuits immondes,
    Et tu dis: La lueur des mondes
    Va flamboyer sur les sommets!
    Tu crois voir une aube agrandie
    S'élargir sous le firmament
    Parce que ton rêve incendie
    Un Dieu, qui rayonne un moment.
    Non. Tout est froid. L'horreur t'enlace.
    Tout est l'affreux temple de glace,
    Morne à Delphes, sombre à Béthel.
    Tu fais à peine, esprit frivole,
    En brûlant le bois de l'idole,
    Tiédir la pierre de l'autel.
    III
    Je laisse ces paroles sombres
    Passer sur moi sans m'émouvoir
    Comme on laisse dans les décombres
    Frissonner les branches le soir;
    J'irai, moi le curieux triste;
    J'ai la volonté qui persiste;
    L'énigme traître a beau gronder;
    Je serai, dans les brumes louches,
    Dans les crépuscules farouches,
    La face qui vient regarder.
    Vie et mort! ô gouffre! Est-ce un piège
    La fleur qui s'ouvre et se flétrit,
    L'atome qui se désagrège,
    Le néant qui se repétrit ?
    Quoi! rien ne marche ! rien n'avance!
    Pas de moi ! Pas de survivance !
    Pas de lien! Pas d'avenir!
    C'est pour rien, ô tombes ouvertes,
    Qu'on entend vers les découvertes
    Les chevaux du rêve hennir !
    Est-ce que la nature enferme
    Pour des avortements bâtards
    L'élément, l'atome, le germe,
    Dans le cercle des avatars ?
    Que serait donc ce monde immense,
    S'il n'avait pas la conscience
    Pour lumière et pour attribut ?
    Épouvantable échelle noire
    De renaissances sans mémoire
    Dans une ascension sans but!
    La larve du spectre suivie,
    Ce serait tout! Quoi donc! ô sort,
    J'aurais un devoir dans la vie
    Sans avoir un droit dans la mort!
    Depuis la pierre jusqu'à l'ange,
    Qu'est-ce alors que ce vain mélange
    D'êtres dans l'obscur tourbillon ?
    L'aube est-elle sincère ou fausse ?
    Naître, est-ce vivre ? En quoi la fosse
    Diffère-t-elle du sillon ?
    ??"Mange le pain, je mange l'homme,
    *** Tibère. A-t-il donc raison ?
    Satan la femme, Ève la pomme,
    Est-ce donc la même moisson ?
    Nemrod souffle comme la bise;
    Gengis le sabre au poing, Cambyse
    Avec un flot d'hommes démons,
    Tue, extermine, écrase, opprime,
    Et ne commet pas plus de crime
    Qu'un roc roulant du haut des monts!
    Oh non! la vie au noir registre,
    Parmi le genre humain troublé,
    Passe, inexplicable et sinistre,
    Ainsi qu'un espion voilé;
    Grands et petits, les fous, les sages,
    S'en vont, nommés dans les messages
    Qu'elle jette au ciel triste ou bleu;
    Malheur aux méchants! et la tombe
    Est la bouche de bronze où tombe
    Tout ce qu'elle dénonce à Dieu.
    ??"Mais ce Dieu même, je le nie;
    Car il aurait, ô vain croyant,
    Créé sa propre calomnie
    En créant ce monde effrayant.??"
    Ainsi parle, calme et funèbre,
    Le doute appuyé sur l'algèbre;
    Et moi qui sens frémir mes os,
    Allant des langes aux suaires,
    Je regarde les ossuaires
    Et je regarde les berceaux.
    Mort et vie ! énigmes austères!
    Dessous est la réalité.
    C'est là que les Kants, les Voltaires,
    Les Euclides ont hésité.
    Eh bien! j'irai, moi qui contemple,
    Jusqu'à ce que, perçant le temple,
    Et le dogme, ce double mur,
    Mon esprit découvre et dévoile
    Derrière Jupiter l'étoile,
    Derrière Jéhovah l'azur!
    Car il faut qu'enfin on rencontre
    L'indestructible vérité,
    Et qu'un front de splendeur se montre
    Sous ces masques d'obscurité;
    La nuit tâche, en sa noire envie,
    D'étouffer le germe de vie,
    De toute-puissance et de jour,
    Mais moi, le croyant de l'aurore,
    Je forcerai bien Dieu d'éclore
    À force de joie et d'amour!
    Est-ce que vous croyez que l'ombre
    A quelque chose à refuser
    Au dompteur du temps et du nombre,
    À celui qui veut tout oser,
    Au poète qu'emporte l'âme,
    Qui combat dans leur culte infâme
    Les payens comme les hébreux,
    Et qui, la tête la première,
    Plonge, éperdu, dans la lumière,
    À travers leur dieu téne crains rien, mon enfant. Je me nomme
    Juvénal. Je suis bon. Je ne fais peur qu'aux grands.??"
    Charles lève ses yeux pleins de pleurs transparents,
    Et ***:??"Je n'ai pas peur.??"L'homme, pareil aux marbres,
    Reprend, tandis qu'au loin on entend sous les arbres
    Jouer les écoliers, gais et de bonne foi:
    ??"Enfant, je fus jadis exilé comme toi,
    Pour avoir comme toi barbouillé des figures.
    Comme toi les pédants, j'ai fâché les augures.
    Élève de Jauffret que jalouse Massin,
    Voyons ton livre.??"Il ***, et regarde un dessin
    Qui n'a pas trop de queue et pas beaucoup de tête.
    ??"Qu'est-ce que c'est que ça!??"Monsieur, c'est une bête.
    ??"Ah! tu mets dans mes vers des bêtes! Après tout,
    Pourquoi pas ? puisque Dieu, qui dans l'ombre est debout,
    En met dans les grands bois et dans les mers sacrées.
    Il tourne une autre page, et se penche:??"Tu crées.
    Qu'est ceci ? Ca m'a l'air fort beau, quoique tortu.
    ??"Monsieur, c'est un bonhomme.??"Un bonhomme, dis-tu ?
    Eh bien, il en manquait justement un. Mon livre
    Est rempli de méchants. Voir un bonhomme vivre
    Parmi tous ces gens-là me plaît. Césars bouffis,
    Rangez-vous! ce bonhomme est dieu. Merci, mon fils.??"
    Et, d'un doigt souverain, le voilà qui feuillette
    Nisard, l'âne, le nez du maître, la belette
    Qui peut-être est un boeuf, les dragons, les griffons,
    Les pâtés d'encre ailés, mêlés aux vers profonds,
    Toute cette gaîté sur son courroux éparse,
    Et Juvénal s'écrie ébloui:??"C'est très farce!
    Ainsi, la grande soeur et la petite soeur,
    Ces deux âmes, sont là, jasant; et le censeur,
    Obscur comme minuit et froid comme décembre, serait
    bien étonné, s'il entrait dans la chambre,
    De voir sous le plafond du collège étouffant,
    Le vieux poète rire avec le doux enfant.
  10. Angelique

    Angelique Thành viên quen thuộc

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    17/04/2001
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    LES FREDAINES
    DU GRAND-PÈRE ENFANT
    (1811)
    PEPITA
    Comme elle avait la résille,
    D'abord la rime hésita.
    Ce devait être Inésille...??"
    Mais non, c'était Pepita.
    Seize ans. Belle et grande fille...??"
    (Ici la rime insista:
    Rimeur, c'était Inésille.
    Rime, c'était Pepita.)
    Pepita...??"Je me rappelle!
    Oh! le doux passé vainqueur,
    Tout le passé, pêle-mêle
    Revient à flots dans mon coeur;
    Mer, ton flux roule et rapporte
    Les varechs et les galets.
    Mon père avait une escorte;
    Nous habitions un palais;
    Dans cette Espagne que j'aime,
    Au point du jour, au printemps,
    Quand je n'existais pas même,
    Pepita??"j'avais huit ans??"
    Me disait:??"Fils, je me nomme
    Pepa; mon père est marquis.??"
    Moi, je me croyais un homme,
    Étant en pays conquis.
    Dans sa résille de soie
    Pepa mettait des doublons;
    De la flamme et de la joie
    Sortaient de ses cheveux blonds.
    Tout cela, jupe de moire,
    Veste de toréador,
    Velours bleu, dentelle noire,
    Dansait dans un rayon d'or.
    Et c'était presque une femme
    Que Pepita mes amours.
    L'indolente avait mon âme
    Sous son coude de velours.
    Je palpitais dans sa chambre
    Comme un nid près du faucon,
    Elle avait un collier d'ambre,
    Un rosier sur son balcon.
    Tous les jours un vieux qui pleure
    Venait demander un sou;
    Un dragon à la même heure
    Arrivait je ne sais d'où.
    Il piaffait sous la croisée,
    Tandis que le vieux râlait
    De sa vieille voix brisée:
    La charité, s'il vous plaît !
    Et la belle au collier jaune,
    Se penchant sur son rosier,
    Faisait au pauvre l'aumône
    Pour la faire à l'officier.
    L'un plus fier, l'autre moins sombre,
    Ils partaient, le vieux hagard
    Emportant un sou dans l'ombre,
    Et le dragon un regard.
    J'étais près de la fenêtre,
    Tremblant, trop petit pour voir,
    Amoureux sans m'y connaître,
    Et bête sans le savoir.
    Elle disait avec charme:
    Marions-nous! choisissant
    Pour amoureux le gendarme
    Et pour mari l'innocent.
    Je disais quelque sottise;
    Pepa répondait: Plus bas!
    M'éteignant comme on attise;
    Et, pendant ces doux ébats,
    Les soldats buvaient des pintes
    Et jouaient au domino
    Dans les grandes chambres peintes
    Du palais Masserano.

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