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LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGTS JOURS (Vòng quanh thế giới trong 80 ngày - Jules Verne)

Chủ đề trong 'Tác phẩm Văn học' bởi JogReload, 22/12/2004.

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    Chapitre XXIII - DANS LEQUEL LE NEZ DE PASSEPARTOUT S''ALLONGE DÉMESURÉMENT

    Le lendemain, Passepartout, éreinté, affamé, se *** qu''il fallait manger à tout prix, et que le plus tôt serait le mieux. Il avait bien cette ressource de vendre sa montre, mais il fût plutôt mort de faim. C''était alors le cas ou jamais, pour ce brave garçon, d''utiliser la voix forte, sinon mélodieuse, dont la nature l''avait gratifié.
    Il savait quelques refrains de France et d''Angleterre, et il résolut de les essayer. Les Japonais devaient certainement être amateurs de musique, puisque tout se fait chez eux aux sons des cymbales, du tam-tam et des tambours, et ils ne pouvaient qu''apprécier les talents d''un virtuose européen.
    Mais peut-être était-il un peu matin pour organiser un concert, et les dilettanti, inopinément réveillés, n''auraient peut-être pas payé le chanteur en monnaie à l''effigie du mikado.
    Passepartout se décida donc à attendre quelques heures ; mais, tout en cheminant, il fit cette réflexion qu''il semblerait trop bien vêtu pour un artiste ambulant, et l''idée lui vint alors d''échanger ses vêtements contre une défroque plus en harmonie avec sa position. Cet échange devait, d''ailleurs, produire une soulte, qu''il pourrait immédiatement appliquer à satisfaire son appétit.
    Cette résolution prise, restait à l''exécuter. Ce ne fut qu''après de longues recherches que Passepartout découvrit un brocanteur indigène, auquel il exposa sa demande. L''habit européen plut au brocanteur, et bientôt Passepartout sortait affublé d''une vieille robe japonaise et coiffé d''une sorte de turban à côtes, décoloré sous l''action du temps. Mais, en retour, quelques piécettes d''argent résonnaient dans sa poche.
    « Bon, pensa-t-il, je me figurerai que nous sommes en carnaval ! »
    Le premier soin de Passepartout, ainsi « japonaisé », fut d''entrer dans une « tea-house » de modeste apparence, et là, d''un reste de volaille et de quelques poignées de riz, il déjeuna en homme pour qui le dîner serait encore un problème à résoudre.
    « Maintenant, se ***-il quand il fut copieusement restauré, il s''agit de ne pas perdre la tête. Je n''ai plus la ressource de vendre cette défroque contre une autre encore plus japonaise. Il faut donc aviser au moyen de quitter le plus promptement possible ce pays du Soleil, dont je ne garderai qu''un lamentable souvenir ! »
    Passepartout songea alors à visiter les paquebots en partance pour l''Amérique. Il comptait s''offrir en qualité de cuisinier ou de domestique, ne demandant pour toute rétribution que le passage et la nourriture. Une fois à San Francisco, il verrait à se tirer d''affaire. L''important, c''était de traverser ces quatre mille sept cents milles du Pacifique qui s''étendent entre le Japon et le Nouveau Monde.
    Passepartout, n''étant point homme à laisser languir une idée, se dirigea vers le port de Yokohama. Mais à mesure qu''il s''approchait des docks, son projet, qui lui avait paru si simple au moment où il en avait eu l''idée, lui semblait de plus en plus inexécutable. Pourquoi aurait-on besoin d''un cuisinier ou d''un domestique à bord d''un paquebot américain, et quelle confiance inspirerait-il, affublé de la sorte ? Quelles recommandations faire valoir ? Quelles références indiquer ?
    Comme il réfléchissait ainsi, ses regards tombèrent sur une immense affiche qu''une sorte de clown promenait dans les rues de Yokohama. Cette affiche était ainsi libellée en anglais :
    TROUPE JAPONAISE ACROBATIQUE
    DE
    L''HONORABLE WILLIAM BATULCAR
    DERNIÈRES REPRÉSENTATIONS
    Avant leur départ pour les États-Unis d''Amérique
    DES
    LONGS-NEZ-LONGS-NEZ
    SOUS L''INVOCATION DIRECTE DU DIEU TINGOU
    Grande Attraction !
    « Les États-Unis d''Amérique ! s''écria Passepartout, voilà justement mon affaire !... »
    Il suivit l''homme-affiche, et, à sa suite, il rentra bientôt dans la ville japonaise. Un quart d''heure plus tard, il s''arrêtait devant une vaste case, que couronnaient plusieurs faisceaux de banderoles, et dont les parois extérieures représentaient, sans perspective, mais en couleurs violentes, toute une bande de jongleurs.
    C''était l''établissement de l''honorable Batulcar, sorte de Barnum américain, directeur d''une troupe de saltimbanques, jongleurs, clowns, acrobates, équilibristes, gymnastes, qui, suivant l''affiche, donnait ses dernières représentations avant de quitter l''empire du Soleil pour les États de l''Union.
    Passepartout entra sous un péristyle qui précédait la case, et demanda Mr. Batulcar. Mr. Batulcar apparut en personne.
    « Que voulez-vous ? ***-il à Passepartout, qu''il prit d''abord pour un indigène.
    -- Avez-vous besoin d''un domestique ? demanda Passepartout.
    -- Un domestique, s''écria le Barnum en caressant l''épaisse barbiche grise qui foisonnait sous son menton, j''en ai deux, obéissants, fidèles, qui ne m''ont jamais quitté, et qui me servent pour rien, à con***ion que je les nourrisse... Et les voilà, ajouta-t-il en montrant ses deux bras robustes, sillonnés de veines grosses comme des cordes de contrebasse.
    -- Ainsi, je ne puis vous être bon à rien ?
    -- A rien.
    -- Diable ! ça m''aurait pourtant fort convenu de partir avec vous.
    -- Ah çà ! *** l''honorable Batulcar, vous êtes Japonais comme je suis un singe ! Pourquoi donc êtes-vous habillé de la sorte ?
    -- On s''habille comme on peut !
    -- Vrai, cela. Vous êtes un Français, vous ?
    -- Oui, un Parisien de Paris.
    -- Alors, vous devez savoir faire des grimaces ?
    -- Ma foi, répon*** Passepartout, vexé de voir sa nationalité provoquer cette demande, nous autres Français, nous savons faire des grimaces, c''est vrai, mais pas mieux que les Américains !
    -- Juste. Eh bien, si je ne vous prends pas comme domestique, je peux vous prendre comme clown. Vous comprenez, mon brave. En France, on exhibe des farceurs étrangers, et à l''étranger, des farceurs français !
    -- Ah !
    -- Vous êtes vigoureux, d''ailleurs ?
    -- Surtout quand je sors de table.
    -- Et vous savez chanter ?
    -- Oui, répon*** Passepartout, qui avait autrefois fait sa partie dans quelques concerts de rue.
    -- Mais savez-vous chanter la tête en bas, avec une toupie tournante sur la plante du pied gauche, et un sabre en équilibre sur la plante du pied droit ?
    -- Parbleu ! répon*** Passepartout, qui se rappelait les premiers exercices de son jeune âge.
    -- C''est que, voyez-vous, tout est là ! » répon*** l''honorable Batulcar.
    L''engagement fut conclu hic et nunc.
    Enfin, Passepartout avait trouvé une position. Il était engagé pour tout faire dans la célèbre troupe japonaise. C''était peu flatteur, mais avant huit jours il serait en route pour San Francisco.
    La représentation, annoncée à grand fracas par l''honorable Batulcar, devait commencer à trois heures, et bientôt les formidables instruments d''un orchestre japonais, tambours et tam-tams, tonnaient à la porte. On comprend bien que Passepartout n''avait pu étudier un rôle, mais il devait prêter l''appui de ses solides épaules dans le grand exercice de la « grappe humaine » exécuté par les Longs-Nez du dieu Tingou. Ce « great attraction » de la représentation devait clore la série des exercices.
    Avant trois heures, les spectateurs avaient envahi la vaste case. Européens et indigènes, Chinois et Japonais, hommes, femmes et enfants, se précipitaient sur les étroites banquettes et dans les loges qui faisaient face à la scène. Les musiciens étaient rentrés à l''intérieur, et l''orchestre au complet, gongs, tam-tams, cliquettes, flûtes, tambourins et grosses caisses, opéraient avec fureur.
    Cette représentation fut ce que sont toutes ces exhibitions d''acrobates. Mais il faut bien avouer que les Japonais sont les premiers équilibristes du monde. L''un, armé de son éventail et de petits morceaux de papier, exécutait l''exercice si gracieux des papillons et des fleurs. Un autre, avec la fumée odorante de sa pipe, traçait rapidement dans l''air une série de mots bleuâtres, qui formaient un compliment à l''adresse de l''assemblée. Celui-ci jonglait avec des bougies allumées, qu''il éteignit successivement quand elles passèrent devant ses lèvres, et qu''il ralluma l''une à l''autre sans interrompre un seul instant sa prestigieuse jonglerie. Celui-là reproduisit, au moyen de toupies tournantes, les plus invraisemblables combinaisons ; sous sa main, ces ronflantes machines semblaient s''animer d''une vie propre dans leur interminable giration ; elles couraient sur des tuyaux de pipe, sur des tranchants de sabre, sur des fils de fer, véritables cheveux tendus d''un côté de la scène à l''autre ; elles faisaient le tour de grands vases de cristal, elles gravissaient des échelles de bambou, elles se dispersaient dans tous les coins, produisant des effets harmoniques d''un étrange caractère en combinant leurs tonalités diverses. Les jongleurs jonglaient avec elles, et elles tournaient dans l''air ; ils les lançaient comme des volants, avec des raquettes de bois, et elles tournaient toujours ; ils les fourraient dans leur poche, et quand ils les retiraient, elles tournaient encore, -- jusqu''au moment où un ressort détendu les faisait s''épanouir en gerbes d''artifice !
    Inutile de décrire ici les prodigieux exercices des acrobates et gymnastes de la troupe. Les tours de l''échelle, de la perche, de la boule, des tonneaux, etc. furent exécutés avec une précision remarquable. Mais le principal attrait de la représentation était l''exhibition de ces « Longs-Nez », étonnants équilibristes que l''Europe ne connaît pas encore.
    Ces Longs-Nez forment une corporation particulière placée sous l''invocation directe du dieu Tingou. Vêtus comme des hérauts du Moyen Age, ils portaient une splendide paire d''ailes à leurs épaules. Mais ce qui les distinguait plus spécialement, c''était ce long nez dont leur face était agrémentée, et surtout l''usage qu''ils en faisaient. Ces nez n''étaient rien moins que des bambous, longs de cinq, de six, de dix pieds, les uns droits, les autres courbés, ceux-ci lisses, ceux-là verruqueux. Or, c''était sur ces appendices, fixés d''une façon solide, que s''opéraient tous leurs exercices d''équilibre. Une douzaine de ces sectateurs du dieu Tingou se couchèrent sur le dos, et leurs camarades vinrent s''ébattre sur leurs nez, dressés comme des paratonnerres, sautant, voltigeant de celui-ci à celui-là, et exécutant les tours les plus invraisemblables.
    Pour terminer, on avait spécialement annoncé au public la pyramide humaine, dans laquelle une cinquantaine de Longs-Nez devaient figurer le « Char de Jaggernaut ». Mais au lieu de former cette pyramide en prenant leurs épaules pour point d''appui, les artistes de l''honorable Batulcar ne devaient s''emmancher que par leur nez. Or, l''un de ceux qui formaient la base du char avait quitté la troupe, et comme il suffisait d''être vigoureux et adroit, Passepartout avait été choisi pour le remplacer.
    Certes, le digne garçon se sentit tout piteux, quand -- triste souvenir de sa jeunesse -- il eut endossé son costume du Moyen Age, orné d''ailes multicolores, et qu''un nez de six pieds lui eut été appliqué sur la face ! Mais enfin, ce nez, c''était son gagne-pain, et il en prit son parti.
    Passepartout entra en scène, et vint se ranger avec ceux de ses collègues qui devaient figurer la base du Char de Jaggernaut. Tous s''étendirent à terre, le nez dressé vers le ciel. Une seconde section d''équilibristes vint se poser sur ces longs appendices, une troisième s''étagea au-dessus, puis une quatrième, et sur ces nez qui ne se touchaient que par leur pointe, un monument humain s''éleva bientôt jusqu''aux frises du théâtre.
    Or, les applaudissements redoublaient, et les instruments de l''orchestre éclataient comme autant de tonnerres, quand la pyramide s''ébranla, l''équilibre se rompit, un des nez de la base vint à manquer, et le monument s''écroula comme un château de cartes...
    C''était la faute à Passepartout qui, abandonnant son poste, franchissant la rampe sans le secours de ses ailes, et grimpant à la galerie de droite, tombait aux pieds d''un spectateur en s''écriant :
    « Ah ! mon maître ! mon maître !
    -- Vous ?
    -- Moi !
    -- Eh bien ! en ce cas, au paquebot, mon garçon !... »
    Mr. Fogg, Mrs. Aouda, qui l''accompagnait, Passepartout s''étaient précipités par les couloirs au-dehors de la case. Mais, là, ils trouvèrent l''honorable Batulcar, furieux, qui réclamait des dommages-intérêts pour « la casse ». Phileas Fogg apaisa sa fureur en lui jetant une poignée de bank-notes. Et, à six heures et demie, au moment où il allait partir, Mr. Fogg et Mrs. Aouda mettaient le pied sur le paquebot américain, suivis de Passepartout, les ailes au dos, et sur la face ce nez de six pieds qu''il n''avait pas encore pu arracher de son visage !
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    Chapitre XXIV - PENDANT LEQUEL S''ACCOMPLIT LA TRAVERSÉE DE L''OCÉAN PACIFIQUE

    Ce qui était arrivé en vue de Shangaï, on le comprend. Les signaux faits par la Tankadère avaient été aperçus du paquebot de Yokohama. Le capitaine, voyant un pavillon en berne, s''était dirigé vers la petite goélette. Quelques instants après, Phileas Fogg, soldant son passage au prix convenu, mettait dans la poche du patron John Bunsby cinq cent cinquante livres (13 750 F). Puis l''honorable gentleman, Mrs. Aouda et Fix étaient montés à bord du steamer, qui avait aussitôt fait route pour Nagasaki et Yokohama.
    Arrivé le matin même, 14 novembre, à l''heure réglementaire, Phileas Fogg, laissant Fix aller à ses affaires, s''était rendu à bord du Carnatic, et là il apprenait, à la grande joie de Mrs. Aouda -- et peut-être à la sienne, mais du moins il n''en laissa rien paraître -- que le Français Passepartout était effectivement arrivé la veille à Yokohama.
    Phileas Fogg, qui devait repartir le soir même pour San Francisco, se mit immédiatement à la recherche de son domestique. Il s''adressa, mais en vain, aux agents consulaires français et anglais, et, après avoir inutilement parcouru les rues de Yokohama, il désespérait de retrouver Passepartout, quand le hasard, ou peut-être une sorte de pressentiment, le fit entrer dans la case de l''honorable Batulcar. Il n''eût certes point reconnu son serviteur sous cet excentrique accoutrement de héraut ; mais celui-ci, dans sa position renversée, aperçut son maître à la galerie. Il ne put retenir un mouvement de son nez. De là rupture de l''équilibre, et ce qui s''ensuivit.
    Voilà ce que Passepartout apprit de la bouche même de Mrs. Aouda, qui lui raconta alors comment s''était faite cette traversée de Hong-Kong à Yokohama, en compagnie d''un sieur Fix, sur la goélette la Tankadère.
    Au nom de Fix, Passepartout ne sourcilla pas. Il pensait que le moment n''était pas venu de dire à son maître ce qui s''était passé entre l''inspecteur de police et lui. Aussi, dans l''histoire que Passepartout fit de ses aventures, il s''accusa et s''excusa seulement d''avoir été surpris par l''ivresse de l''opium dans une tabagie de Yokohama.
    Mr. Fogg écouta froidement ce récit, sans répondre ; puis il ouvrit à son domestique un cré*** suffisant pour que celui-ci pût se procurer à bord des habits plus convenables. Et, en effet, une heure ne s''était pas écoulée, que l''honnête garçon, ayant coupé son nez et rogné ses ailes, n''avait plus rien en lui qui rappelât le sectateur du dieu Tingou.
    Le paquebot faisant la traversée de Yokohama à San Francisco appartenait à la Compagnie du « Pacific Mail steam », et se nommait le General-Grant. C''était un vaste steamer à roues, jaugeant deux mille cinq cents tonnes, bien aménagé et doué d''une grande vitesse. Un énorme balancier s''élevait et s''abaissait successivement au dessus du pont ; à l''une de ses extrémités s''articulait la tige d''un piston, et à l''autre celle d''une bielle, qui, transformant le mouvement rectiligne en mouvement circulaire, s''appliquait directement à l''arbre des roues. Le General-Grant était gréé en trois-mâts goélette, et il possédait une grande surface de voilure, qui aidait puissamment la vapeur. A filer ses douze milles à l''heure, le paquebot ne devait pas employer plus de vingt et un jours pour traverser le Pacifique. Phileas Fogg était donc autorisé à croire que, rendu le 2 décembre à San Francisco, il serait le 11 à New York et le 20 à Londres, -- gagnant ainsi de quelques heures cette date fatale du 21 décembre.
    Les passagers étaient assez nombreux à bord du steamer, des Anglais, beaucoup d''Américains, une véritable émigration de coolies pour l''Amérique, et un certain nombre d''officiers de l''armée des Indes, qui utilisaient leur congé en faisant le tour du monde.
    Pendant cette traversée il ne se produisit aucun incident nautique. Le paquebot, soutenu sur ses larges roues, appuyé par sa forte voilure, roulait peu. L''océan Pacifique justifiait assez son nom. Mr. Fogg était aussi calme, aussi peu communicatif que d''ordinaire. Sa jeune compagne se sentait de plus en plus attachée à cet homme par d''autres liens que ceux de la reconnaissance. Cette silencieuse nature, si généreuse en somme, l''impressionnait plus qu''elle ne le croyait, et c''était presque à son insu qu''elle se laissait aller à des sentiments dont l''énigmatique Fogg ne semblait aucunement subir l''influence.
    En outre, Mrs. Aouda s''intéressait prodigieusement aux projets du gentleman. Elle s''inquiétait des contrariétés qui pouvaient compromettre le succès du voyage. Souvent elle causait avec Passepartout, qui n''était point sans lire entre les lignes dans le coeur de Mrs. Aouda. Ce brave garçon avait, maintenant, à l''égard de son maître, la foi du charbonnier ; il ne tarissait pas en éloges sur l''honnêteté, la générosité, le dévouement de Phileas Fogg ; puis il rassurait Mrs. Aouda sur l''issue du voyage, répétant que le plus difficile était fait, que l''on était sorti de ces pays fantastiques de la Chine et du Japon, que l''on retournait aux contrées civilisées, et enfin qu''un train de San Francisco à New York et un transatlantique de New York à Londres suffiraient, sans doute, pour achever cet impossible tour du monde dans les délais convenus.
    Neuf jours après avoir quitté Yokohama, Phileas Fogg avait exactement parcouru la moitié du globe terrestre.
    En effet, le General-Grant, le 23 novembre, passait au cent quatre-vingtième méridien, celui sur lequel se trouvent, dans l''hémisphère austral, les antipodes de Londres. Sur quatre-vingts jours mis à sa disposition, Mr. Fogg, il est vrai, en avait employé cinquante-deux, et il ne lui en restait plus que vingt-huit à dépenser. Mais il faut remarquer que si le gentleman se trouvait à moitié route seulement « par la différence des méridiens », il avait en réalité accompli plus des deux tiers du parcours total. Quels détours forcés, en effet, de Londres à Aden, d''Aden à Bombay, de Calcutta à Singapore, de Singapore à Yokohama ! A suivre circulairement le cinquantième parallèle, qui est celui de Londres, la distance n''eût été que de douze mille milles environ, tandis que Phileas Fogg était forcé, par les caprices des moyens de locomotion, d''en parcourir vingt-six mille dont il avait fait environ dix-sept mille cinq cents, à cette date du 23 novembre. Mais maintenant la route était droite, et Fix n''était plus là pour y accumuler les obstacles !
    Il arriva aussi que, ce 23 novembre, Passepartout éprouva une grande joie. On se rappelle que l''entêté s''était obstiné à garder l''heure de Londres à sa fameuse montre de famille, tenant pour fausses toutes les heures des pays qu''il traversait. Or, ce jour-là, bien qu''il ne l''eût jamais ni avancée ni retardée, sa montre se trouva d''accord avec les chronomètres du bord.
    Si Passepartout triompha, cela se comprend de reste. Il aurait bien voulu savoir ce que Fix aurait pu dire, s''il eût été présent.
    « Ce coquin qui me racontait un tas d''histoires sur les méridiens, sur le soleil, sur la lune ! répétait Passepartout. Hein ! ces gens-là ! Si on les écoutait, on ferait de la belle horlogerie ! J''étais bien sûr qu''un jour ou l''autre, le soleil se déciderait à se régler sur ma montre !... »
    Passepartout ignorait ceci : c''est que si le cadran de sa montre eût été divisé en vingt-quatre heures comme les horloges italiennes, il n''aurait eu aucun motif de triompher, car les aiguilles de son instrument, quand il était neuf heures du matin à bord, auraient indiqué neuf heures du soir, c''est-à-dire la vingt et unième heure depuis minuit, -- différence précisément égale à celle qui existe entre Londres et le cent quatre-vingtième méridien.
    Mais si Fix avait été capable d''expliquer cet effet purement physique, Passepartout, sans doute, eût été incapable, sinon de le comprendre, du moins de l''admettre. Et en tout cas, si, par impossible, l''inspecteur de police se fût inopinément montré à bord en ce moment, il est probable que Passepartout, à bon droit rancunier, eût traité avec lui un sujet tout différent et d''une tout autre manière.
    Or, où était Fix en ce moment ?...
    Fix était précisément à bord du General-Grant.
    En effet, en arrivant à Yokohama, l''agent, abandonnant Mr. Fogg qu''il comptait retrouver dans la journée, s''était immédiatement rendu chez le consul anglais. Là, il avait enfin trouvé le mandat, qui, courant après lui depuis Bombay, avait déjà quarante jours de date, -- mandat qui lui avait été expédié de Hong-Kong par ce même Carnatic à bord duquel on le croyait. Qu''on juge du désappointement du détective ! Le mandat devenait inutile ! Le sieur Fogg avait quitté les possessions anglaises ! Un acte d''extra***ion était maintenant nécessaire pour l''arrêter !
    « Soit ! se *** Fix, après le premier moment de colère, mon mandat n''est plus bon ici, il le sera en Angleterre. Ce coquin a tout l''air de revenir dans sa patrie, croyant avoir dépisté la police. Bien. Je le suivrai jusque-là. Quant à l''argent, Dieu veuille qu''il en reste ! Mais en voyages, en primes, en procès, en amendes, en éléphant, en frais de toute sorte, mon homme a déjà laissé plus de cinq mille livres sur sa route. Après tout, la Banque est riche ! »
    Son parti pris, il s''embarqua aussitôt sur le General-Grant. Il était à bord, quand Mr. Fogg et Mrs. Aouda y arrivèrent. A son extrême surprise, il reconnut Passepartout sous son costume de héraut. Il se cacha aussitôt dans sa cabine, afin d''éviter une explication qui pouvait tout compromettre, -- et, grâce au nombre des passagers, il comptait bien n''être point aperçu de son ennemi, lorsque ce jour-là précisément il se trouva face à face avec lui sur l''avant du navire.
    Passepartout sauta à la gorge de Fix, sans autre explication, et, au grand plaisir de certains Américains qui parièrent immédiatement pour lui, il administra au malheureux inspecteur une volée superbe, qui démontra la haute supériorité de la boxe française sur la boxe anglaise.
    Quand Passepartout eut fini, il se trouva calme et comme soulagé. Fix se releva, en assez mauvais état, et, regardant son adversaire, il lui *** froidement :
    « Est-ce fini ?
    -- Oui, pour l''instant.
    -- Alors venez me parler.
    -- Que je...
    -- Dans l''intérêt de votre maître. »
    Passepartout, comme subjugué par ce sang-froid, suivit l''inspecteur de police, et tous deux s''assirent à l''avant du steamer.
    « Vous m''avez rossé, *** Fix. Bien. A présent, écoutez-moi. Jusqu''ici j''ai été l''adversaire de Mr. Fogg, mais maintenant je suis dans son jeu.
    -- Enfin ! s''écria Passepartout, vous le croyez un honnête homme ?
    -- Non, répon*** froidement Fix, je le crois un coquin... Chut ! ne bougez pas et laissez-moi dire. Tant que Mr. Fogg a été sur les possessions anglaises, j''ai eu intérêt à le retenir en attendant un mandat d''arrestation. J''ai tout fait pour cela. J''ai lancé contre lui les prêtres de Bombay, je vous ai enivré à Hong-Kong, je vous ai séparé de votre maître, je lui ai fait manquer le paquebot de Yokohama... »
    Passepartout écoutait, les poings fermés.
    « Maintenant, reprit Fix, Mr. Fogg semble retourner en Angleterre ? Soit, je le suivrai. Mais, désormais, je mettrai à écarter les obstacles de sa route autant de soin et de zèle que j''en ai mis jusqu''ici à les accumuler. Vous le voyez, mon jeu est changé, et il est changé parce que mon intérêt le veut. J''ajoute que votre intérêt est pareil au mien, car c''est en Angleterre seulement que vous saurez si vous êtes au service d''un criminel ou d''un honnête homme ! »
    Passepartout avait très attentivement écouté Fix, et il fut convaincu que Fix parlait avec une entière bonne foi.
    « Sommes-nous amis ? demanda Fix.
    -- Amis, non, répon*** Passepartout. Alliés, oui, et sous bénéfice d''inventaire, car, à la moindre apparence de trahison, je vous tords le cou.
    -- Convenu », *** tranquillement l''inspecteur de police.
    Onze jours après, le 3 décembre, le General-Grant entrait dans la baie de la Porte-d''Or et arrivait à San Francisco.
    Mr. Fogg n''avait encore ni gagné ni perdu un seul jour.
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    Chapitre XXV - OÙ L''ON DONNE UN LÉGER APER?U DE SAN FRANCISCO, UN JOUR DE MEETING

    Il était sept heures du matin, quand Phileas Fogg, Mrs. Aouda et Passepartout prirent pied sur le continent américain, -- si toutefois on peut donner ce nom au quai flottant sur lequel ils débarquèrent. Ces quais, montant et descendant avec la marée, facilitent le chargement et le déchargement des navires. Là s''embossent les clippers de toutes dimensions, les steamers de toutes nationalités, et ces steam-boats à plusieurs étages, qui font le service du Sacramento et de ses affluents. Là s''entassent aussi les produits d''un commerce qui s''étend au Mexique, au Pérou, au Chili, au Brésil, à l''Europe, à l''Asie, à toutes les îles de l''océan Pacifique.
    Passepartout, dans sa joie de toucher enfin la terre américaine, avait cru devoir opérer son débarquement en exécutant un saut périlleux du plus beau style. Mais quand il retomba sur le quai dont le plancher était vermoulu, il faillit passer au travers. Tout décontenancé de la façon dont il avait « pris pied » sur le nouveau continent, l''honnête garçon poussa un cri formidable, qui fit envoler une innombrable troupe de cormorans et de pélicans, hôtes habituels des quais mobiles.
    Mr. Fogg, aussitôt débarqué, s''informa de l''heure à laquelle partait le premier train pour New York. C''était à six heures du soir. Mr. Fogg avait donc une journée entière à dépenser dans la capitale californienne. Il fit venir une voiture pour Mrs. Aouda et pour lui. Passepartout monta sur le siège, et le véhicule, à trois dollars la course, se dirigea vers International-Hôtel.
    De la place élevée qu''il occupait, Passepartout observait avec curiosité la grande ville américaine : larges rues, maisons basses bien alignées, églises et temples d''un gothique anglo-saxon, docks immenses, entrepôts comme des palais, les uns en bois, les autres en brique ; dans les rues, voitures nombreuses, omnibus, « cars » de tramways, et sur les trottoirs encombrés, non seulement des Américains et des Européens, mais aussi des Chinois et des Indiens, -- enfin de quoi composer une population de plus de deux cent mille habitants.
    Passepartout fut assez surpris de ce qu''il voyait. Il en était encore à la cité légendaire de 1849, à la ville des ban***s, des incendiaires et des assassins, accourus à la conquête des pépites, immense capharnaüm de tous les déclassés, où l''on jouait la poudre l''or, un revolver d''une main et un couteau de l''autre. Mais « ce beau temps » était passé. San Francisco présentait l''aspect d''une grande ville commerçante. La haute tour de l''hôtel de ville, où veillent les guetteurs, dominait tout cet ensemble de rues et d''avenues, se coupant à angles droits, entre lesquels s''épanouissaient des squares verdoyants, puis une ville chinoise qui semblait avoir été importée du Céleste Empire dans une boîte à joujoux. Plus de sombreros, plus de chemises rouges à la mode des coureurs de placers, plus d''Indiens emplumés, mais des chapeaux de soie et des habits noirs, que portaient un grand nombre de gentlemen doués d''une activité dévorante. Certaines rues, entre autres Montgommery-street -- le Régent-street de Londres, le boulevard des Italiens de Paris, le Broadway de New York --, étaient bordées de magasins splendides, qui offraient à leur étalage les produits du monde entier.
    Lorsque Passepartout arriva à International-Hôtel, il ne lui semblait pas qu''il eût quitté l''Angleterre.
    Le rez-de-chaussée de l''hôtel était occupé par un immense « bar », sorte de buffet ouvert gratis à tout passant. Viande sèche, soupe aux huîtres, biscuit et chester s''y débitaient sans que le consommateur eût à délier sa bourse. Il ne payait que sa boisson, ale, porto ou xérès, si sa fantaisie le portait à se rafraîchir. Cela parut « très américain » à Passepartout.
    Le restaurant de l''hôtel était confortable. Mr. Fogg et Mrs. Aouda s''installèrent devant une table et furent abondamment servis dans des plats lilliputiens par des Nègres du plus beau noir.
    Après déjeuner, Phileas Fogg, accompagné de Mrs. Aouda, quitta l''hôtel pour se rendre aux bureaux du consul anglais afin d''y faire viser son passeport. Sur le trottoir, il trouva son domestique, qui lui demanda si, avant de prendre le chemin de fer du Pacifique, il ne serait pas prudent d''acheter quelques douzaines de carabines Enfield ou de revolvers Colt. Passepartout avait entendu parler de Sioux et de Pawnies, qui arrêtent les trains comme de simples voleurs espagnols. Mr. Fogg répon*** que c''était là une précaution inutile, mais il le laissa libre d''agir comme il lui conviendrait. Puis il se dirigea vers les bureaux de l''agent consulaire.
    Phileas Fogg n''avait pas fait deux cents pas que, « par le plus grand des hasards », il rencontrait Fix. L''inspecteur se montra extrêmement surpris. Comment ! Mr. Fogg et lui avaient fait ensemble la traversée du Pacifique, et ils ne s''étaient pas rencontrés à bord ! En tout cas, Fix ne pouvait être qu''honoré de revoir le gentleman auquel il devait tant, et, ses affaires le rappelant en Europe, il serait enchanté de poursuivre son voyage en une si agréable compagnie.
    Mr. Fogg répon*** que l''honneur serait pour lui, et Fix -- qui tenait à ne point le perdre de vue -- lui demanda la permission de visiter avec lui cette curieuse ville de San Francisco. Ce qui fut accordé.
    Voici donc Mrs. Aouda, Phileas Fogg et Fix flânant par les rues. Ils se trouvèrent bientôt dans Montgommery-street, où l''affluence du populaire était énorme. Sur les trottoirs, au milieu de la chaussée, sur les rails des tramways, malgré le passage incessant des coaches et des omnibus, au seuil des boutiques, aux fenêtres de toutes les maisons, et même jusque sur les toits, foule innombrable. Des hommes-affiches circulaient au milieu des groupes. Des bannières et des banderoles flottaient au vent. Des cris éclataient de toutes parts.
    « Hurrah pour Kamerfield !
    -- Hurrah pour Mandiboy ! »
    C''était un meeting. Ce fut du moins la pensée de Fix, et il communiqua son idée à Mr. Fogg, en ajoutant :
    « Nous ferons peut-être bien, monsieur, de ne point nous mêler à cette cohue. Il n''y a que de mauvais coups à recevoir.
    -- En effet, répon*** Phileas Fogg, et les coups de poing, pour être politiques, n''en sont pas moins des coups de poing ! »
    Fix crut devoir sourire en entendant cette observation, et, afin de voir sans être pris dans la bagarre, Mrs. Aouda, Phileas Fogg et lui prirent place sur le palier supérieur d''un escalier que desservait une terrasse, située en contre-haut de Montgommery-street. Devant eux, de l''autre côté de la rue, entre le wharf d''un marchand de charbon et le magasin d''un négociant en pétrole, se développait un large bureau en plein vent, vers lequel les divers courants de la foule semblaient converger.
    Et maintenant, pourquoi ce meeting ? A quelle occasion se tenait-il ? Phileas Fogg l''ignorait absolument. S''agissait-il de la nomination d''un haut fonctionnaire militaire ou civil, d''un gouverneur d''État ou d''un membre du Congrès ? Il était permis de le conjecturer, à voir l''animation extraordinaire qui passionnait la ville.
    En ce moment un mouvement considérable se produisit dans la foule. Toutes les mains étaient en l''air. Quelques-unes, solidement fermées, semblaient se lever et s''abattre rapidement au milieu des cris, -- manière énergique, sans doute, de formuler un vote. Des remous agitaient la masse qui refluait. Les bannières oscillaient, disparaissaient un instant et reparaissaient en loques. Les ondulations de la houle se propageaient jusqu''à l''escalier, tandis que toutes les têtes moutonnaient à la surface comme une mer soudainement remuée par un grain. Le nombre des chapeaux noirs diminuait à vue d''oeil, et la plupart semblaient avoir perdu de leur hauteur normale.
    « C''est évidemment un meeting, *** Fix, et la question qui l''a provoqué doit être palpitante. Je ne serais point étonné qu''il fût encore question de l''affaire de l''Alabama, bien qu''elle soit résolue.
    -- Peut-être, répon*** simplement Mr. Fogg.
    -- En tout cas, reprit Fix, deux champions sont en présence l''un de l''autre, l''honorable Kamerfield et l''honorable Mandiboy. »
    Mrs. Aouda, au bras de Phileas Fogg, regardait avec surprise cette scène tumultueuse, et Fix allait demander à l''un de ses voisins la raison de cette effervescence populaire, quand un mouvement plus accusé se prononça. Les hurrahs, agrémentés d''injures, redoublèrent. La hampe des bannières se transforma en arme offensive. Plus de mains, des poings partout. Du haut des voitures arrêtées, et des omnibus enrayés dans leur course, s''échangeaient force horions. Tout servait de projectiles. Bottes et souliers décrivaient dans l''air des trajectoires très tendues, et il sembla même que quelques revolvers mêlaient aux vociférations de la foule leurs détonations nationales.
    La cohue se rapprocha de l''escalier et reflua sur les premières marches. L''un des partis était évidemment repoussé, sans que les simples spectateurs pussent reconnaître si l''avantage restait à Mandiboy ou à Kamerfield.
    « Je crois prudent de nous retirer, *** Fix, qui ne tenait pas à ce que « son homme » reçût un mauvais coup ou se fît une mauvaise affaire. S''il est question de l''Angleterre dans tout ceci et qu''on nous reconnaisse, nous serons fort compromis dans la bagarre !
    -- Un citoyen anglais... », répon*** Phileas Fogg.
    Mais le gentleman ne put achever sa phrase. Derrière lui, de cette terrasse qui précédait l''escalier, partirent des hurlements épouvantables. On criait : « Hurrah ! Hip ! Hip ! pour Mandiboy ! » C''était une troupe d''électeurs qui arrivait à la rescousse, prenant en flanc les partisans de Kamerfield.
    Mr. Fogg, Mrs. Aouda, Fix se trouvèrent entre deux feux. Il était trop tard pour s''échapper. Ce torrent d''hommes, armés de cannes plombées et de casse-tête, était irrésistible. Phileas Fogg et Fix, en préservant la jeune femme, furent horriblement bousculés. Mr. Fogg, non moins flegmatique que d''habitude, voulut se défendre avec ces armes naturelles que la nature a mises au bout des bras de tout Anglais, mais inutilement. Un énorme gaillard à barbiche rouge, au teint coloré, large d''épaules, qui paraissait être le chef de la bande, leva son formidable poing sur Mr. Fogg, et il eût fort endommagé le gentleman, si Fix, par dévouement, n''eût reçu le coup à sa place. Une énorme bosse se développa instantanément sous le chapeau de soie du détective, transformé en simple toque.
    « Yankee ! *** Mr. Fogg, en lançant à son adversaire un regard de profond mépris.
    -- Englishman ! répon*** l''autre.
    -- Nous nous retrouverons !
    -- Quand il vous plaira. -- Votre nom ?
    -- Phileas Fogg. Le vôtre ?
    -- Le colonel Stamp W. Proctor. »
    Puis, cela ***, la marée passa. Fix fut renversé et se releva, les habits déchirés, mais sans meurtrissure sérieuse. Son paletot de voyage s''était séparé en deux parties inégales, et son pantalon ressemblait à ces culottes dont certains Indiens -- affaire de mode -- ne se vêtent qu''après en avoir préalablement enlevé le fond. Mais, en somme, Mrs. Aouda avait été épargnée, et, seul, Fix en était pour son coup de poing.
    « Merci, *** Mr. Fogg à l''inspecteur, dès qu''ils furent hors de la foule.
    -- Il n''y a pas de quoi, répon*** Fix, mais venez.
    -- Où ?
    -- Chez un marchand de confection. »
    En effet, cette visite était opportune. Les habits de Phileas Fogg et de Fix étaient en lambeaux, comme si ces deux gentlemen se fussent battus pour le compte des honorables Kamerfield et Mandiboy.
    Une heure après, ils étaient convenablement vêtus et coiffés. Puis ils revinrent à International-Hôtel.
    Là, Passepartout attendait son maître, armé d''une demi-douzaine de revolvers-poignards à six coups et à inflammation centrale. Quand il aperçut Fix en compagnie de Mr. Fogg, son front s''obscurcit. Mais Mrs. Aouda, ayant fait en quelques mots le récit de ce qui s''était passé, Passepartout se rasséréna. Évidemment Fix n''était plus un ennemi, c''était un allié. Il tenait sa parole.
    Le dîner terminé, un coach fut amené, qui devait conduire à la gare les voyageurs et leurs colis. Au moment de monter en voiture, Mr. Fogg *** à Fix :
    « Vous n''avez pas revu ce colonel Proctor ?
    -- Non, répon*** Fix.
    -- Je reviendrai en Amérique pour le retrouver, *** froidement Phileas Fogg. Il ne serait pas convenable qu''un citoyen anglais se laissât traiter de cette façon. »
    L''inspecteur sourit et ne répon*** pas. Mais, on le voit, Mr. Fogg était de cette race d''Anglais qui, s''ils ne tolèrent pas le duel chez eux, se battent à l''étranger, quand il s''agit de soutenir leur honneur.
    A six heures moins un quart, les voyageurs atteignaient la gare et trouvaient le train prêt à partir. Au moment où Mr. Fogg allait s''embarquer, il avisa un employé et le rejoignant :
    « Mon ami, lui ***-il, n''y a-t-il pas eu quelques troubles aujourd''hui à San Francisco ?
    -- C''était un meeting, monsieur, répon*** l''employé.
    -- Cependant, j''ai cru remarquer une certaine animation dans les rues.
    -- Il s''agissait simplement d''un meeting organisé pour une élection.
    -- L''élection d''un général en chef, sans doute ? demanda Mr. Fogg.
    -- Non, monsieur, d''un juge de paix. »
    Sur cette réponse, Phileas Fogg monta dans le wagon, et le train partit à toute vapeur.
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    Chapitre XXVI - DANS LEQUEL ON PREND LE TRAIN EXPRESS DU CHEMIN DE FER DU PACIFIQUE

    ô Ocean to Ocean ằ -- ainsi disent les Amâricains --, et ces trois mots devraient être la dânomination gânârale du ô grand trunk ằ, qui traverse les ?tats-Unis d''Amârique dans leur plus grande largeur. Mais, en râalitâ, le ô Pacific rail-road ằ se divise en deux parties distinctes : ô Central Pacific ằ entre San Francisco et Ogden, et ô Union Pacific ằ entre Ogden et Omaha. Là se raccordent cinq lignes distinctes, qui mettent Omaha en communication frâquente avec New York.
    New York et San Francisco sont donc prâsentement râunis par un ruban de mâtal non interrompu qui ne mesure pas moins de trois mille sept cent quatre-vingt-six milles. Entre Omaha et le Pacifique, le chemin de fer franchit une contrâe encore frâquentâe par les Indiens et les fauves, -- vaste âtendue de territoire que les Mormons commencărent à coloniser vers 1845, aprăs qu''ils eurent âtâ chassâs de l''Illinois.
    Autrefois, dans les circonstances les plus favorables, on employait six mois pour aller de New York à San Francisco. Maintenant, on met sept jours.
    C''est en 1862 que, malgrâ l''opposition des dâputâs du Sud, qui voulaient une ligne plus mâridionale, le tracâ du rail-road fut arrêtâ entre le quarante et uniăme et le quarante-deuxiăme parallăle. Le prâsident Lincoln, de si regrettâe mâmoire, fixa lui-même, dans l''?tat de Nebraska, à la ville d''Omaha, la tête de ligne du nouveau râseau. Les travaux furent aussitôt commencâs et poursuivis avec cette activitâ amâricaine, qui n''est ni paperassiăre ni bureaucratique. La rapi***â de la main-d''oeuvre ne devait nuire en aucune faĐon à la bonne exâcution du chemin. Dans la prairie, on avanĐait à raison d''un mille et demi par jour. Une locomotive, roulant sur les rails de la veille, apportait les rails du lendemain, et courait à leur surface au fur et à mesure qu''ils âtaient posâs.
    Le Pacific rail-road jette plusieurs embranchements sur son parcours, dans les ?tats de Iowa, du Kansas, du Colorado et de l''Oregon. En quittant Omaha, il longe la rive gauche de Platte-river jusqu''à l''embouchure de la branche du nord, suit la branche du sud, traverse les terrains de Laramie et les montagnes Wahsatch, contourne le lac Salâ, arrive à Lake Salt City, la capitale des Mormons, s''enfonce dans la vallâe de la Tuilla, longe le dâsert amâricain, les monts de Câdar et Humboldt, Humboldt-river, la Sierra Nevada, et redescend par Sacramento jusqu''au Pacifique, sans que ce tracâ dâpasse en pente cent douze pieds par mille, même dans la traversâe des montagnes Rocheuses.
    Telle âtait cette longue artăre que les trains parcouraient en sept jours, et qui allait permettre à l''honorable Phileas Fogg -- il l''espârait du moins -- de prendre, le 11, à New York, le paquebot de Liverpool.
    Le wagon occupâ par Phileas Fogg âtait une sorte de long omnibus qui reposait sur deux trains formâs de quatre roues chacun, dont la mobilitâ permet d''attaquer des courbes de petit rayon. A l''intârieur, point de compartiments : deux files de siăges, disposâs de chaque côtâ, perpendiculairement à l''axe, et entre lesquels âtait râservâ un passage conduisant aux cabinets de toilette et autres, dont chaque wagon est pourvu. Sur toute la longueur du train, les voitures communiquaient entre elles par des passerelles, et les voyageurs pouvaient circuler d''une extrâmitâ à l''autre du convoi, qui mettait à leur disposition des wagons-salons, des wagons-terrasses, des wagons-restaurants et des wagons à cafâs. Il n''y manquait que des wagons-thâÂtres. Mais il y en aura un jour.
    Sur les passerelles circulaient incessamment des marchands de livres et de journaux, dâbitant leur marchandise, et des vendeurs de liqueurs, de comestibles, de cigares, qui ne manquaient point de chalands.
    Les voyageurs âtaient partis de la station d''Oakland à six heures du soir. Il faisait dâjà nuit, -- une nuit froide, sombre, avec un ciel couvert dont les nuages menaĐaient de se râsoudre en neige. Le train ne marchait pas avec une grande rapi***â. En tenant compte des arrêts, il ne parcourait pas plus de vingt milles à l''heure, vitesse qui devait, cependant, lui permettre de franchir les ?tats-Unis dans les temps râglementaires.
    On causait peu dans le wagon. D''ailleurs, le sommeil allait bientôt gagner les voyageurs. Passepartout se trouvait placâ auprăs de l''inspecteur de police, mais il ne lui parlait pas. Depuis les derniers âvânements, leurs relations s''âtaient notablement refroidies. Plus de sympathie, plus d''intimitâ. Fix n''avait rien changâ à sa maniăre d''être, mais Passepartout se tenait, au contraire, sur une extrême râserve, prêt au moindre soupĐon à âtrangler son ancien ami.
    Une heure aprăs le dâpart du train, la neige tomba --, neige fine, qui ne pouvait, fort heureusement, retarder la marche du convoi. On n''apercevait plus à travers les fenêtres qu''une immense nappe blanche, sur laquelle, en dâroulant ses volutes, la vapeur de la locomotive paraissait grisÂtre.
    A huit heures, un ô steward ằ entra dans le wagon et annonĐa aux voyageurs que l''heure du coucher âtait sonnâe. Ce wagon âtait un ô sleeping-car ằ, qui, en quelques minutes, fut transformâ en dortoir. Les dossiers des bancs se repliărent, des couchettes soigneusement paquetâes se dâroulărent par un systăme ingânieux, des cabines furent improvisâes en quelques instants, et chaque voyageur eut bientôt à sa disposition un lit confortable, que d''âpais rideaux dâfendaient contre tout regard indiscret. Les draps âtaient blancs, les oreillers moelleux. Il n''y avait plus qu''à se coucher et à dormir -- ce que chacun fit, comme s''il se fằt trouvâ dans la cabine confortable d''un paquebot --, pendant que le train filait à toute vapeur à travers l''?tat de Californie.
    Dans cette portion du territoire qui s''âtend entre San Francisco et Sacramento, le sol est peu accidentâ. Cette partie du chemin de fer, sous le nom de ô Central Pacific road ằ, prit d''abord Sacramento pour point de dâpart, et s''avanĐa vers l''est à la rencontre de celui qui partait d''Omaha. De San Francisco à la capitale de la Californie, la ligne courait directement au nord-est, en longeant American-river, qui se jette dans la baie de San Pablo. Les cent vingt milles compris entre ces deux importantes citâs furent franchis en six heures, et vers minuit, pendant qu''ils dormaient de leur premier sommeil, les voyageurs passărent à Sacramento. Ils ne virent donc rien de cette ville considârable, siăge de la lâgislature de l''?tat de Californie, ni ses beaux quais, ni ses rues larges, ni ses hôtels splendides, ni ses squares, ni ses temples.
    En sortant de Sacramento, le train, aprăs avoir dâpassâ les stations de Junction, de Roclin, d''Auburn et de Colfax, s''engagea dans le massif de la Sierra Nevada. Il âtait sept heures du matin quand fut traversâe la station de Cisco. Une heure aprăs, le dortoir âtait redevenu un wagon ordinaire et les voyageurs pouvaient à travers les vitres entrevoir les points de vue pittoresques de ce montagneux pays. Le tracâ du train obâissait aux caprices de la Sierra, ici accrochâ aux flancs de la montagne, là suspendu au-dessus des prâcipices, âvitant les angles brusques par des courbes audacieuses, s''âlanĐant dans des gorges âtroites que l''on devait croire sans issues. La locomotive, âtincelante comme une chÂsse, avec son grand fanal qui jetait de fauves lueurs, sa cloche argentâe, son ô chasse-vache ằ, qui s''âtendait comme un âperon, mêlait ses sifflements et ses mugissements à ceux des torrent et des cascades, et tordait sa fumâe à la noire ramure des sapins.
    Peu ou point de tunnels, ni de pont sur le parcours. Le rail-road contournait le flanc des montagnes, ne cherchant pas dans la ligne droite le plus court chemin d''un point à un autre, et ne violentant pas la nature.
    Vers neuf heures, par la vallâe de Carson, le train pânâtrait dans l''?tat de Nevada, suivant toujours la direction du nord-est. A midi, il quittait Reno, oạ les voyageurs eurent vingt minutes pour dâjeuner.
    Depuis ce point, la voie ferrâe, côtoyant Humboldt-river, s''âleva pendant quelques milles vers le nord, en suivant son cours. Puis elle s''inflâchit vers l''est, et ne devait plus quitter le cours d''eau avant d''avoir atteint les Humboldt-Ranges, qui lui donnent naissance, presque à l''extrâmitâ orientale de l''?tat du Nevada.
    Aprăs avoir dâjeunâ, Mr. Fogg, Mrs. Aouda et leurs compagnons reprirent leur place dans le wagon. Phileas Fogg, la jeune femme, Fix et Passepartout, confortablement assis, regardaient le paysage variâ qui passait sous leurs yeux, -- vastes prairies, montagnes se profilant à l''horizon, ô creeks ằ roulant leurs eaux âcumeuses. Parfois, un grand troupeau de bisons, se massant au loin, apparaissait comme une digue mobile. Ces innombrables armâes de ruminants opposent souvent un insurmontable obstacle au passage des trains. On a vu des milliers de ces animaux dâfiler pendant plusieurs heures, en rangs pressâs, au travers du rail-road. La locomotive est alors forcâe de s''arrêter et d''attendre que la voie soit redevenue libre.
    Ce fut même ce qui arriva dans cette occasion. Vers trois heures du soir, un troupeau de dix à douze mille têtes barra le rail-road. La machine, aprăs avoir modârâ sa vitesse, essaya d''engager son âperon dans le flanc de l''immense colonne, mais elle dut s''arrêter devant l''impânâtrable masse.
    On voyait ces ruminants -- ces buffalos, comme les appellent improprement les Amâricains -- marcher ainsi de leur pas tranquille, poussant parfois des beuglements formidables. Ils avaient une taille supârieure à celle des taureaux d''Europe, les jambes et la queue courtes, le garrot saillant qui formait une bosse musculaire, les cornes âcartâes à la base, la tête, le cou et les âpaulâs recouverts d''une criniăre à longs poils. Il ne fallait pas songer à arrêter cette migration. Quand les bisons ont adoptâ une direction, rien ne pourrait ni enrayer ni modifier leur marche. C''est un torrent de chair vivante qu''aucune digue ne saurait contenir.
    Les voyageurs, dispersâs sur les passerelles, regardaient ce curieux spectacle. Mais celui qui devait être le plus pressâ de tous, Phileas Fogg, âtait demeurâ à sa place et attendait philosophiquement qu''il plằt aux buffles de lui livrer passage. Passepartout âtait furieux du retard que causait cette agglomâration d''animaux. Il eằt voulu dâcharger contre eux son arsenal de revolvers.
    ô Quel pays ! s''âcria-t-il. De simples boeufs qui arrêtent des trains, et qui s''en vont là, processionnellement, sans plus se hÂter que s''ils ne gênaient pas la circulation ! Pardieu ! je voudrais bien savoir si Mr. Fogg avait prâvu ce contretemps dans son programme ! Et ce mâcanicien qui n''ose pas lancer sa machine à travers ce bâtail encombrant ! ằ
    Le mâcanicien n''avait point tentâ de renverser l''obstacle, et il avait prudemment agi. Il eằt âcrasâ sans doute les premiers buffles attaquâs par l''âperon de la locomotive ; mais, si puissante qu''elle fằt, la machine eằt âtâ arrêtâe bientôt, un dâraillement se serait inâvitablement produit, et le train fằt restâ en dâtresse.
    Le mieux âtait donc d''attendre patiemment, quitte ensuite à regagner le temps perdu par une accâlâration de la marche du train. Le dâfilâ des bisons dura trois grandes heures, et la voie ne redevint libre qu''à la nuit tombante. A ce moment, les derniers rangs du troupeau traversaient les rails, tandis que les premiers disparaissaient au-dessous de l''horizon du sud.
    Il âtait donc huit heures, quand le train franchit les dâfilâs des Humboldt-Ranges, et neuf heures et demie, lorsqu''il pânâtra sur le territoire de l''Utah, la râgion du grand lac Salâ, le curieux pays des Mormons.
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    Chapitre XXVII - DANS LEQUEL PASSEPARTOUT SUIT, AVEC UNE VITESSE DE VINGT MILLES A L''HEURE, UN COURS D''HISTOIRE MORMONE

    Pendant la nuit du 5 au 6 décembre, le train courut au sud-est sur un espace de cinquante milles environ ; puis il remonta d''autant vers le nord-est, en s''approchant du grand lac Salé.
    Passepartout, vers neuf heures du matin, vint prendre l''air sur les passerelles. Le temps était froid, le ciel gris, mais il ne neigeait plus. Le disque du soleil, élargi par les brumes, apparaissait comme une énorme pièce d''or, et Passepartout s''occupait à en calculer la valeur en livres sterling, quand il fut distrait de cet utile travail par l''apparition d''un personnage assez étrange.
    Ce personnage, qui avait pris le train à la station d''Elko, était un homme de haute taille, très brun, moustaches noires, bas noirs, chapeau de soie noir, gilet noir, pantalon noir, cravate blanche, gants de peau de chien. On eût *** un révérend. Il allait d''une extrémité du train à l''autre, et, sur la portière de chaque wagon, il collait avec des pains à cacheter une notice écrite à la main.
    Passepartout s''approcha et lut sur une de ces notices que l''honorable « elder » William Hitch, missionnaire mormon, profitant de sa présence sur le train n° 48, ferait, de onze heures à midi, dans le car n° 117, une conférence sur le mormonisme --, invitant à l''entendre tous les gentlemen soucieux de s''instruire touchant les mystères de la religion des « Saints des derniers jours ».
    « Certes, j''irai », se *** Passepartout, qui ne connaissait guère du mormonisme que ses usages polygames, base de la société mormone.
    La nouvelle se répan*** rapidement dans le train, qui emportait une centaine de voyageurs. Sur ce nombre, trente au plus, alléchés par l''appât de la conférence, occupaient à onze heures les banquettes du car n° 117. Passepartout figurait au premier rang des fidèles. Ni son maître ni Fix n''avaient cru devoir se déranger.
    A l''heure ***e, l''elder William Hitch se leva, et d''une voix assez irritée, comme s''il eût été contre*** d''avance, il s''écria :
    « Je vous dis, moi, que Joe Smyth est un martyr, que son frère Hvram est un martyr, et que les persécutions du gouvernement de l''Union contre les prophètes vont faire également un martyr de Brigham Young ! Qui oserait soutenir le contraire ? »
    Personne ne se hasarda à contredire le missionnaire, dont l''exaltation contrastait avec sa physionomie naturellement calme. Mais, sans doute, sa colère s''expliquait par ce fait que le mormonisme était actuellement soumis à de dures épreuves. Et, en effet, le gouvernement des États-Unis venait, non sans peine, de réduire ces fanatiques indépendants. Il s''était rendu maître de l''Utah, et l''avait soumis aux lois de l''Union, après avoir emprisonné Brigham Young, accusé de rébellion et de polygamie. Depuis cette époque, les disciples du prophète redoublaient leurs efforts, et, en attendant les actes, ils résistaient par la parole aux prétentions du Congrès.
    On le voit, l''elder William Hitch faisait du prosélytisme jusqu''en chemin de fer.
    Et alors il raconta, en passionnant son récit par les éclats de sa voix et la violence de ses gestes, l''histoire du mormonisme, depuis les temps bibliques : « comment, dans Israël, un prophète mormon de la tribu de Joseph publia les annales de la religion nouvelle, et les légua à son fils Morom ; comment, bien des siècles plus tard, une traduction de ce précieux livre, écrit en caractères égyptiens, fut faite par Joseph Smyth junior, fermier de l''État de Vermont, qui se révéla comme prophète mystique en 1825 ; comment, enfin, un messager céleste lui apparut dans une forêt lumineuse et lui remit les annales du Seigneur. »
    En ce moment, quelques au***eurs, peu intéressés par le récit rétrospectif du missionnaire, quittèrent le wagon ; mais William Hitch, continuant, raconta « comment Smyth junior, réunissant son père, ses deux frères et quelques disciples, fonda la religion des Saints des derniers jours --, religion qui, adoptée non seulement en Amérique, mais en Angleterre, en Scandinavie, en Allemagne, compte parmi ses fidèles des artisans et aussi nombre de gens exerçant des professions libérales ; comment une colonie fut fondée dans l''Ohio ; comment un temple fut élevé au prix de deux cent mille dollars et une ville bâtie à Kirkland ; comment Smyth devint un audacieux banquier et reçut d''un simple montreur de momies un papyrus contenant un récit écrit de la main d''Abraham et autres célèbres Égyptiens. »
    Cette narration devenant un peu longue, les rangs des au***eurs s''éclaircirent encore, et le public ne se composa plus que d''une vingtaine de personnes.
    Mais l''elder, sans s''inquiéter de cette désertion, raconta avec détail « comme quoi Joe Smyth fit banqueroute en 1837 ; comme quoi ses actionnaires ruinés l''enduisirent de goudron et le roulèrent dans la plume ; comme quoi on le retrouva, plus honorable et plus honoré que jamais, quelques années après, à Independance, dans le Missouri, et chef d''une communauté florissante, qui ne comptait pas moins de trois mille disciples, et qu''alors, poursuivi par la haine des gentils, il dut fuir dans le Far West américain. »
    Dix au***eurs étaient encore là, et parmi eux l''honnête Passepartout, qui écoutait de toutes ses oreilles. Ce fut ainsi qu''il apprit « comment, après de longues persécutions, Smyth reparut dans l''Illinois et fonda en 1839, sur les bords du Mississippi, Nauvoo-la-Belle, dont la population s''éleva jusqu''à vingt-cinq mille âmes ; comment Smyth en devint le maire, le juge suprême et le général en chef ; comment, en 1843, il posa sa candidature à la présidence des États-Unis, et comment enfin, attiré dans un guet-apens, à Carthage, il fut jeté en prison et assassiné par une bande d''hommes masqués. »
    En ce moment, Passepartout était absolument seul dans le wagon, et l''elder, le regardant en face, le fascinant par ses paroles, lui rappela que, deux ans après l''assassinat de Smyth, son successeur, le prophète inspiré, Brigham Young, abandonnant Nauvoo, vint s''établir aux bords du lac Salé, et que là, sur cet admirable territoire, au milieu de cette contrée fertile, sur le chemin des émigrants qui traversaient l''Utah pour se rendre en Californie, la nouvelle colonie, grâce aux principes polygames du mormonisme, prit une extension énorme.
    « Et voilà, ajouta William Hitch, voilà pourquoi la jalousie du Congrès s''est exercée contre nous ! pourquoi les soldats de l''Union ont foulé le sol de l''Utah ! pourquoi notre chef, le prophète Brigham Young, a été emprisonné au mépris de toute justice ! Céderons-nous à la force ? Jamais ! Chassés du Vermont, chassés de l''Illinois, chassés de l''Ohio, chassés du Missouri, chassés de l''Utah, nous retrouverons encore quelque territoire indépendant où nous planterons notre tente... Et vous, mon fidèle, ajouta l''elder en fixant sur son unique au***eur des regards courroucés, planterez-vous la vôtre à l''ombre de notre drapeau ?
    -- Non », répon*** bravement Passepartout, qui s''enfuit à son tour, laissant l''énergumène prêcher dans le désert.
    Mais pendant cette conférence, le train avait marché rapidement, et, vers midi et demi, il touchait à sa pointe nord-ouest le grand lac Salé. De là, on pouvait embrasser, sur un vaste périmètre, l''aspect de cette mer intérieure, qui porte aussi le nom de mer Morte et dans laquelle se jette un Jourdain d''Amérique. Lac admirable, encadré de belles roches sauvages, à larges assises, encroûtées de sel blanc, superbe nappe d''eau qui couvrait autrefois un espace plus considérable ; mais avec le temps, ses bords, montant peu à peu, ont réduit sa superficie en accroissant sa profondeur.
    Le lac Salé, long de soixante-dix milles environ, large de trente-cinq, est situé à trois mille huit cents pieds au-dessus du niveau de la mer. Bien différent du lac Asphaltite, dont la dépression accuse douze cents pieds au-dessous, sa salure est considérable, et ses eaux tiennent en dissolution le quart de leur poids de matière solide. Leur pesanteur spécifique est de 1 170, celle de l''eau distillée étant 1 000. Aussi les poissons n''y peuvent vivre. Ceux qu''y jettent le Jourdain, le Weber et autres creeks, y périssent bientôt ; mais il n''est pas vrai que la densité de ses eaux soit telle qu''un homme n''y puisse plonger.
    Autour du lac, la campagne était admirablement cultivée, car les Mormons s''entendent aux travaux de la terre : des ranchos et des corrals pour les animaux domestiques, des champs de blé, de maïs, de sorgho, des prairies luxuriantes, partout des haies de rosiers sauvages, des bouquets d''acacias et d''euphorbes, tel eût été l''aspect de cette contrée, six mois plus tard ; mais en ce moment le sol disparaissait sous une mince couche de neige, qui le poudrait légèrement.
    A deux heures, les voyageurs descendaient à la station d''Ogden. Le train ne devant repartir qu''à six heures, Mr. Fogg, Mrs. Aouda et leurs deux compagnons avaient donc le temps de se rendre à la Cité des Saints par le petit embranchement qui se détache de la station d''Ogden. Deux heures suffisaient à visiter cette ville absolument américaine et, comme telle, bâtie sur le patron de toutes les villes de l''Union, vastes échiquiers à longues lignes froides, avec la « tristesse lugubre des angles droits », suivant l''expression de Victor Hugo. Le fondateur de la Cité des Saints ne pouvait échapper à ce besoin de symétrie qui distingue les Anglo-Saxons. Dans ce singulier pays, où les hommes ne sont certainement pas à la hauteur des institutions, tout se fait « carrément », les villes, les maisons et les sottises.
    A trois heures, les voyageurs se promenaient donc par les rues de la cité, bâtie entre la rive du Jourdain et les premières ondulations des monts Wahsatch. Ils y remarquèrent peu ou point d''églises, mais, comme monuments, la maison du prophète, la Court-house et l''arsenal ; puis, des maisons de brique bleuâtre avec vérandas et galeries, entourées de jardins, bordées d''acacias, de palmiers et de caroubiers. Un mur d''argile et de cailloux, construit en 1853, ceignait la ville. Dans la principale rue, où se tient le marché, s''élevaient quelques hôtels ornés de pavillons, et entre autres Lake-Salt-house.
    Mr. Fogg et ses compagnons ne trouvèrent pas la cité fort peuplée. Les rues étaient presque désertes, -- sauf toutefois la partie du Temple, qu''ils n''atteignirent qu''après avoir traversé plusieurs quartiers entourés de palissades. Les femmes étaient assez nombreuses, ce qui s''explique par la composition singulière des ménages mormons. Il ne faut pas croire, cependant, que tous les Mormons soient polygames. On est libre, mais il est bon de remarquer que ce sont les citoyennes de l''Utah qui tiennent surtout à être épousées, car, suivant la religion du pays, le ciel mormon n''admet point à la possession de ses béatitudes les célibataires du ***e féminin. Ces pauvres créatures ne paraissaient ni aisées ni heureuses. Quelques-unes, les plus riches sans doute, portaient une jaquette de soie noire ouverte à la taille, sous une capuche ou un châle fort modeste. Les autres n''étaient vêtues que d''indienne.
    Passepartout, lui, en sa qualité de garçon convaincu, ne regardait pas sans un certain effroi ces Mormones chargées de faire à plusieurs le bonheur d''un seul Mormon. Dans son bon sens, c''était le mari qu''il plaignait surtout. Cela lui paraissait terrible d''avoir à guider tant de dames à la fois au travers des vicissitudes de la vie, à les conduire ainsi en troupe jusqu''au paradis mormon, avec cette perspective de les y retrouver pour l''éternité en compagnie du glorieux Smyth, qui devait faire l''ornement de ce lieu de délices. Décidément, il ne se sentait pas la vocation, et il trouvait -- peut-être s''abusait-il en ceci -- que les citoyennes de Great-Lake-City jetaient sur sa personne des regards un peu inquiétants.
    Très heureusement, son séjour dans la Cité des Saints ne devait pas se prolonger. A quatre heures moins quelques minutes, les voyageurs se retrouvaient à la gare et reprenaient leur place dans leurs wagons.
    Le coup de sifflet se fit entendre ; mais au moment où les roues motrices de la locomotive, patinant sur les rails, commençaient à imprimer au train quelque vitesse, ces cris : « Arrêtez ! arrêtez ! » retentirent.
    On n''arrête pas un train en marche. Le gentleman qui proférait ces cris était évidemment un Mormon attardé. Il courait à perdre haleine. Heureusement pour lui, la gare n''avait ni portes ni barrières. Il s''élança donc sur la voie, sauta sur le marchepied de la dernière voiture, et tomba essoufflé sur une des banquettes du wagon.
    Passepartout, qui avait suivi avec émotion les incidents de cette gymnastique, vint contempler ce retardataire, auquel il s''intéressa vivement, quand il apprit que ce citoyen de l''Utah n''avait ainsi pris la fuite qu''à la suite d''une scène de ménage.
    Lorsque le Mormon eut repris haleine, Passepartout se hasarda à lui demander poliment combien il avait de femmes, à lui tout seul, -- et à la façon dont il venait de décamper, il lui en supposait une vingtaine au moins.
    « Une, monsieur ! répon*** le Mormon en levant les bras au ciel, une, et c''était assez ! »

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  10. JogR

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