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Les travailleurs de la mer de Victor Hugo

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi Odetta, 24/11/2001.

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  1. Odetta

    Odetta Thành viên quen thuộc

    Tham gia ngày:
    27/08/2001
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    http://gallica.bnf.fr/Fonds_Frantext/T0088639.htm#CHAP_1

  2. Odetta

    Odetta Thành viên quen thuộc

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    2 le monstre.
    Pour croire à la pieuvre, il faut l' avoir vue.
    Comparées à la pieuvre, les vieilles hydres font
    sourire.
    à de certains moments, on serait tenté de le penser,
    l' insaisissable qui flotte en nos songes rencontre
    dans le possible des aimants auxquels ses linéaments
    se prennent, et de ces obscures fixations du rêve il
    sort des êtres. L' inconnu dispose du prodige, et il
    s' en sert pour composer le monstre. Orphée, Homère
    et Hésiode n' ont pu faire que la Chimère ; Dieu
    a fait la pieuvre.
    Quand Dieu veut, il excelle dans l' exécrable.
    Le pourquoi de cette volonté est l' effroi du penseur
    religieux.
    Tous les idéals étant admis, si l' épouvante est un
    but, la pieuvre est un chef-d' oeuvre.
    La baleine a l' énormité, la pieuvre est petite ;
    l' hippopotame a une cuirasse, la pieuvre est nue ;
    la jararaca a un sifflement, la pieuvre est muette ;
    le rhinocéros a une corne, la pieuvre n' a pas de
    corne ; le scorpion a un dard, la pieuvre n' a pas
    de dard ; le buthus a des pinces, la pieuvre n' a
    pas de pinces ; l' alouate a une queue prenante, la
    pieuvre n' a pas de queue ; le requin a des nageoires
    tranchantes, la pieuvre n' a pas de nageoires ; le
    vespertilio-vampire a des ailes onglées, la pieuvre
    n' a pas d' ailes ; le hérisson a des épines, la
    pieuvre n' a pas d' épines ; l' espadon a un glaive,
    la pieuvre n' a pas de glaive ; la torpille a une
    foudre, la pieuvre n' a pas d' effluve ; le crapaud
    a un virus, la pieuvre n' a pas de virus ; la
    vipère a un venin, la pieuvre n' a pas de venin ; le
    lion a des griffes, la pieuvre n' a pas de griffes ;
    le gypaète a un bec, la pieuvre n' a pas de bec ; le
    crocodile a une gueule, la pieuvre n' a pas de dents.
    La pieuvre n' a pas de masse musculaire, pas de cri
    menaçant, pas de cuirasse, pas de corne, pas de
    dard, pas de pince, pas de queue prenante ou
    contondante, pas d' ailerons tranchants, pas
    d' ailerons onglés, pas d' épines, pas d' épée, pas
    de décharge électrique, pas de virus, pas de venin,
    pas de griffes, pas de bec, pas de dents. La pieuvre
    est de toutes les bêtes la plus formidablement armée.
    Qu' est-ce donc que la pieuvre ? C' est la ventouse.
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    p372
    Dans les écueils de pleine mer, là où l' eau étale et
    cache toutes ses splendeurs, dans les creux de roches
    non visités, dans les ****s inconnues où abondent
    les végétations, les crustacés et les coquillages,
    sous les profonds portails de l' océan, le nageur
    qui s' y hasarde, entraîné par la beauté du lieu,
    court le risque d' une rencontre. Si vous faites
    cette rencontre, ne soyez pas curieux, évadez-vous.
    On entre ébloui, on sort terrifié.
    Voici ce que c' est que cette rencontre, toujours
    possible dans les roches du large.
    Une forme grisâtre oscille dans l' eau ; c' est gros
    comme le bras et long d' une demi-aune environ ; c' est
    un chiffon ; cette forme ressemble à un parapluie
    fermé qui n' aurait pas de manche. Cette loque avance
    vers vous peu à peu. Soudain, elle s' ouvre, huit
    rayons s' écartent brusquement autour d' une face qui
    a deux yeux ; ces rayons vivent ; il y a du
    flamboiement dans leur ondoiement ; c' est une sorte
    de roue ; déployée, elle a quatre ou cinq pieds de
    diamètre. épanouissement effroyable. Cela se jette
    sur vous.
    L' hydre harponne l' homme.
    Cette bête s' applique sur sa proie, la recouvre, et
    la noue de ses longues bandes. En dessous elle est
    jaunâtre, en dessus elle est terreuse ; rien ne
    saurait rendre cette inexplicable nuance poussière ;
    on dirait une bête faite de cendre qui habite l' eau.
    Elle est arachnide par la forme et caméléon par la
    coloration. Irritée, elle devient violette. Chose
    épouvantable, c' est mou.
    Ses noeuds garrottent ; son contact paralyse.
    Elle a un aspect de scorbut et de gangrène ; c' est
    de la maladie arrangée en monstruosité.
    Elle est inarrachable. Elle adhère étroitement à
    sa proie. Comment ? Par le vide. Les huit antennes,
    larges à l' origine, vont s' effilant et s' achèvent en
    aiguilles. Sous chacune d' elles s' allongent
    parallèlement deux rangées de pustules décroissantes,
    les grosses près de la tête, les petites à la
    pointe. Chaque rangée est de vingt-cinq ; il y a
    cinquante pustules par antenne, et toute la bête
    en a quatre cents. Ces pustules sont des ventouses.
    Ces ventouses sont des cartilages cylindriques,
    cornés, livides. Sur la grande espèce, elles vont
    diminuant du diamètre d' une pièce de cinq francs
    à la grosseur d' une lentille. Ces tronçons de tubes
    sortent de l' animal et y rentrent. Ils peuvent
    s' enfoncer dans la proie de plus d' un pouce.
    Cet appareil de succion a toute la délicatesse d' un
    clavier. Il se dresse, puis se dérobe. Il obéit à
    la moindre intention de l' animal. Les sensibilités
    les plus exquises n' égalent pas la contractilité de
    ces ventouses, toujours proportionnée aux mouvements
    intérieurs de la bête et aux incidents extérieurs.
    Ce dragon est une sensitive.
    Ce monstre est celui que les marins appellent
    poulpe, que la science appelle
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    p373
    céphalopode, et que la légende appelle kraken. Les
    matelots anglais l' appellent devil-fish, le
    poisson-diable. Ils l' appellent aussi
    blood-sucker , suceur de sang. Dans les îles
    de la Manche on le nomme la pieuvre.
    Il est très rare à Guernesey, très petit à
    Jersey, très gros et assez fréquent à Serk.
    Une estampe de l' é***ion de Buffon par Sonnini
    représente un céphalopode étreignant une frégate.
    Denis Montfort pense qu' en effet le poulpe des
    hautes latitudes est de force à couler un navire.
    Bory Saint-Vincent le nie, mais constate que
    dans nos régions il attaque l' homme. Allez à Serk,
    on vous montrera près de Brecq-Hou le creux de
    rocher où une pieuvre, il y a quelques années, a
    saisi, retenu et noyé un pêcheur de homards. Péron
    et Lamarck se trompent quand ils doutent que le
    poulpe, n' ayant pas de nageoires, puisse nager.
    Celui qui écrit ces lignes a vu de ses yeux à Serk,
    dans la **** ***e les boutiques, une pieuvre
    poursuivre à la nage un baigneur. Tuée, on la
    mesura, elle avait quatre pieds anglais d' envergure,
    et l' on put compter les quatre cents suçoirs. La
    bête agonisante les poussait hors d' elle
    convulsivement.
    Selon Denis Montfort, un de ces observateurs que
    l' intuition à haute dose fait descendre ou monter
    jusqu' au magisme, le poulpe a presque des passions
    d' homme ; le poulpe hait. En effet, dans l' absolu,
    être hideux, c' est haïr.
    Le difforme se débat sous une nécessité d' élimination
    qui le rend hostile.
    La pieuvre nageant reste, pour ainsi dire, dans le
    fourreau. Elle nage, tous ses plis serrés. Qu' on
    se représente une manche cousue avec un poing
    dedans. Ce poing, qui est la tête, pousse le
    liquide et avance d' un vague mouvement ondulatoire.
    Ses deux yeux, quoique gros, sont peu distincts,
    étant de la couleur de l' eau.
    La pieuvre en chasse ou au guet se dérobe ; elle se
    rapetisse, elle se condense ; elle se réduit à sa
    plus simple expression. Elle se confond avec la
    pénombre. Elle a l' air d' un pli de la vague. Elle
    ressemble à tout, excepté à quelque chose de vivant.
    La pieuvre, c' est l' hypocrite. On n' y fait pas
    attention ; brusquement, elle s' ouvre.
    Une viscosité qui a une volonté, quoi de plus
    effroyable ! De la glu pétrie de haine.
    C' est dans le plus bel azur de l' eau limpide que
    surgit cette hideuse étoile vorace de la mer. Elle
    n' a pas d' approche, ce qui est terrible. Presque
    toujours, quand on la voit, on est pris.
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    p374
    La nuit, pourtant, et particulièrement dans la
    saison du rut, elle est phosphorescente. Cette
    épouvante a ses amours. Elle attend l' hymen. Elle
    se fait belle, elle s' allume, elle s' illumine, et,
    du haut de quelque rocher, on peut l' apercevoir
    au-dessous de soi dans les profondes ténèbres
    épanouie en une irradiation blême, soleil spectre.
    La pieuvre nage ; elle marche aussi. Elle est un peu
    poisson, ce qui ne l' empêche pas d' être un peu
    reptile. Elle rampe sur le fond de la mer. En
    marche elle utilise ses huit pattes. Elle se
    traîne à la façon de la chenille arpenteuse.
    Elle n' a pas d' os, elle n' a pas de sang, elle n' a
    pas de chair. Elle est flasque. Il n' y a rien
    dedans. C' est une peau. On peut retourner ses huit
    tentacules du dedans au dehors comme des doigts de
    gants.
    Elle a un seul orifice, au centre de son
    rayonnement. Cet hiatus unique, est-ce l' anus ?
    Est-ce la bouche ? C' est les deux.
    La même ouverture fait les deux fonctions. L' entrée
    est l' issue. Toute la bête est froide.
    Le carnasse de la Mé***erranée est repoussant.
    C' est un contact odieux que cette gélatine animée
    qui enveloppe le nageur, où les mains s' enfoncent,
    où les ongles labourent, qu' on déchire sans la tuer,
    et qu' on arrache sans l' ôter, espèce d' être coulant
    et tenace qui vous passe entre les doigts ; mais
    aucune stupeur n' égale la subite apparition de la
    pieuvre, Méduse servie par huit serpents.
    Pas de saisissement pareil à l' étreinte du
    céphalopode.
    C' est la machine pneumatique qui vous attaque. Vous
    avez affaire au vide ayant des pattes. Ni coups
    d' ongle, ni coups de dents ; une scarification
    indicible. Une morsure est redoutable ; moins qu' une
    succion. La griffe n' es rien près de la ventouse.
    La griffe, c' est la bête qui entre dans votre
    chair ; la ventouse, c' est vous-même qui entrez
    dans la bête. Vos muscles s' enflent, vos fibres se
    tordent, votre peau éclate sous une pesée immonde,
    votre sang jaillit et se mêle affreusement à la
    lymphe du mollusque. La bête se superpose à vous
    par mille bouches infâmes ; l' hydre s' incorpore à
    l' homme ; l' homme s' amalgame à l' hydre. Vous ne
    faites qu' un. Ce rêve est sur vous. Le tigre ne peut
    que vous dévorer ; le poulpe, horreur ! Vous aspire.
    Il vous tire à lui et en lui, et, lié, englué,
    impuissant, vous vous sentez lentement vidé dans
    cet épouvantable sac, qui est un monstre.
    Au delà du terrible, être mangé vivant, il y a
    l' inexprimable, être bu vivant.
    Ces étranges animaux, la science les rejette d' abord,
    selon son habitude d' excessive prudence, même
    vis-à-vis des faits, puis elle se décide à les
    étudier ; elle les dissèque, elle les classe, elle
    les catalogue, elle leur met une
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    p375
    étiquette ; elle s' en procure des exemplaires ; elle
    les expose sous verre dans les musées ; ils entrent
    dans la nomenclature ; elle les qualifie mollusques,
    invertébrés, rayonnés ; elle constate leurs
    voisinages : un peu au delà les calmars, un peu en
    deçà les sépiaires ; elle trouve à ces hydres de
    l' eau salée un analogue dans l' eau douce,
    l' argyronecte ; elle les divise en grande, moyenne et
    petite espèce ; elle admet plus aisément la petite
    espèce que la grande, ce qui est d' ailleurs, dans
    toutes les régions, la tendance de la science,
    laquelle est plus volontiers microscopique que
    télescopique ; elle regarde leur construction et les
    appelle céphalopodes, elle compte leurs antennes et
    les appelle octopèdes. Cela fait, elle les laisse
    là. Où la science les lâche, la philosophie les
    reprend.
    La philosophie étudie à son tour ces êtres. Elle va
    moins loin et plus loin que la science. Elle ne les
    dissèque pas, elle les mé***e. Où le scalpel a
    travaillé, elle plonge l' hypothèse. Elle cherche
    la cause finale. Profond tourment du penseur. Ces
    créatures l' inquiètent presque sur le créateur. Elles
    sont les surprises hideuses. Elles sont les
    trouble-fête du contemplateur. Il les constate
    éperdu. Elles sont les formes voulues du mal. Que
    devenir devant ces blasphèmes de la création contre
    elle-même ? à qui s' en prendre ?
    Le possible est une matrice formidable. Le mystère
    se concrète en monstres. Des morceaux d' ombre sortent
    de ce bloc, l' immanence, se déchirent, se détachent,
    roulent, flottent, se condensent, font des emprunts
    à la noirceur ambiante, subissent des polarisations
    inconnues, prennent vie, se composent on ne sait
    quelle forme avec l' obscurité et on ne sait quelle
    âme avec le miasme, et s' en vont, larves, à travers
    la vitalité. C' est quelque chose comme les ténèbres
    faites bêtes. à quoi bon ? à quoi cela sert-il ?
    Rechute de la question éternelle.
    Ces animaux sont fantômes autant que monstres. Ils
    sont prouvés et improbables. être est leur fait, ne
    pas être serait leur droit. Ils sont les amphibies
    de la mort. Leur invraisemblance complique leur
    existence. Ils touchent la frontière humaine et
    peuplent la limite chimérique. Vous niez le vampire,
    la pieuvre apparaît. Leur fourmillement est une
    certitude qui déconcerte notre assurance. L' optimisme,
    qui est le vrai pourtant, perd presque contenance
    devant eux. Ils sont l' extrémité visible des cercles
    noirs. Ils marquent la transition de notre réalité
    à une autre. Ils semblent appartenir à ce
    commencement d' êtres terribles que le songeur entrevoit
    confusément par le soupirail de la nuit.
    Ces prolongements de monstres, dans l' invisible
    d' abord, dans le possible ensuite, ont été
    soupçonnés, aperçus peut-être, par l' extase sévère
    et par l' oeil fixe des mages et des philosophes. De
    là la conjecture d' un enfer. Le démon est le tigre
    de l' invisible. La bête fauve des âmes a été
    dénoncée au
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    genre humain par deux visionnaires, l' un qui
    s' appelle Jean, l' autre qui s' appelle Dante.
    Si en effet les cercles de l' ombre continuent
    indéfiniment, si après un anneau il y en a un
    autre, si cette aggravation persiste en progression
    illimitée, si cette chaîne, dont pour notre part
    nous sommes résolu à douter, existe, il est certain
    que la pieuvre à une extrémité prouve Satan à
    l' autre.
    Il est certain que le méchant à un bout prouve à
    l' autre bout la méchanceté.
    Toute bête mauvaise, comme toute intelligence
    perverse, est sphinx.
    Sphinx terrible proposant l' énigme terrible. L' énigme
    du mal.
    C' est cette perfection du mal qui a fait pencher
    parfois de grands esprits vers la croyance au dieu
    double, vers le redoutable bi-frons des manichéens.
    Une soie chinoise, volée dans la dernière guerre
    au palais de l' empereur de la Chine, représente le
    requin qui mange le crocodile qui mange le serpent
    qui mange l' aigle qui mange l' hirondelle qui mange
    la chenille.
    Toute la nature que nous avons sous les yeux est
    mangeante et mangée. Les proies s' entre-mordent.
    Cependant des savants qui sont aussi des philosophes,
    et par conséquent bienveillants pour la création,
    trouvent ou croient trouver l' explication. Le but
    final frappe, entre autres, Bonnet de Genève, ce
    mystérieux esprit exact, qui fut opposé à Buffon,
    comme plus tard Geoffroy Saint-Hilaire l' a été à
    Cuvier. L' explication serait ceci : la mort
    partout exige l' ensevelissement partout. Les voraces
    sont des ensevelisseurs.
    Tous les êtres rentrent les uns dans les autres.
    Pourriture, c' est nourriture. Nettoyage effrayant
    du globe. L' homme, carnassier, est, lui aussi, un
    enterreur. Notre vie est faite de mort. Telle est
    la loi terrifiante. Nous sommes sépulcres.
    Dans notre monde crépusculaire, cette fatalité de
    l' ordre produit des monstres. Vous ***es : à quoi
    bon ? Le voilà.
    Est-ce l' explication ? Est-ce la réponse à la
    question ? Mais alors pourquoi pas un autre ordre ?
    La question renaît.
    Vivons, soit.
    Mais tâchons que la mort nous soit progrès. Aspirons
    aux mondes moins ténébreux.
    Suivons la conscience qui nous y mène.
    Car, ne l' oublions jamais, le mieux n' est trouvé
    que par le meilleur.

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