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Odes et Ballades - Victor Hugo

Chủ đề trong 'Pháp (Club de Francais)' bởi Angelique, 23/11/2001.

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  1. Angelique

    Angelique Thành viên quen thuộc

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    PLUIE D'ÉTÉ
    L'aubépine et l'églantin,
    Et le thym,
    L'oeillet, le lys et les roses,
    En cette belle saison,
    À foison
    Montrent leurs robes écloses.
    Le gentil rossignolet,
    Doucelet,
    Découpe, dessous l'ombrage,
    Mille fredons babillards.
    Frétillards,
    Aux doux sons de son ramage.
    RÉMI BELLEAU.
    Que la soirée est fraîche et douce !
    Oh ! viens ! il a plu ce matin ;
    Les humides tapis de mousse
    Verdissent tes pieds de satin.
    L'oiseau vole sous les feuillées,
    Secouant ses ailes mouillées ;
    Pauvre oiseau que le ciel bénit !
    Il écoute le vent bruire,
    Chante, et voit des gouttes d'eau luire,
    Comme des perles, dans son nid.
    La pluie a versé ses ondées ;
    Le ciel reprend son bleu changeant ;
    Les terres luisent fécondées
    Comme sous un réseau d'argent.
    Le petit ruisseau de la plaine,
    Pour une heure enflé, roule et traîne
    Brins d'herbe, lézards endormis,
    Court, et précipitant son onde
    Du haut d'un caillou qu'il inonde,
    Fait des Niagaras aux fourmis !
    Tourbillonnant dans ce déluge,
    Des insectes sans avirons,
    Voguent pressés, frêle refuge !
    Sur des ailes de moucherons ;
    D'autres pendent, comme à des îles,
    À des feuilles, errants asiles ;
    Heureux, dans leur adversité,
    Si, perçant les flots de sa cime,
    Une paille au bord de l'abîme
    Retient leur flottante cité !
    Les courants ont lavé le sable ;
    Au soleil montent les vapeurs,
    Et l'horizon insaisissable
    Tremble et fuit sous leurs plis trompeurs.
    On voit seulement sous leurs voiles,
    Comme d'incertaines étoiles,
    Des points lumineux scintiller,
    Et les monts, de la brume enfuie,
    Sortir, et, ruisselants de pluie,
    Les toits d'ardoise étinceler.
    Viens errer dans la plaine humide.
    À cette heure nous serons seuls.
    Mets sur mon bras ton bras timide ;
    Viens, nous prendrons par les tilleuls.
    Le soleil rougissant décline
    Avant de quitter la colline,
    Tourne un moment tes yeux pour voir,
    Avec ses palais, ses chaumières,
    Rayonnants des mêmes lumières,
    La ville d'or sur le ciel noir.
    Oh ! vois voltiger les fumées
    Sur les toits de brouillards baignés !
    Là, sont des épouses aimées,
    Là, des coeurs doux et résignés.
    La vie, hélas ! dont on s'ennuie,
    C'est le soleil après la pluie. -
    Le voilà qui baisse toujours !
    De la ville, que ses feux noient,
    Toutes les fenêtres flamboient
    Comme des yeux au front des tours.
    L'arc-en-ciel ! l'arc-en-ciel ! Regarde. -
    Comme il s'arron*** pur dans l'air !
    Quel trésor le Dieu bon nous garde
    Après le tonnerre et l'éclair !
    Que de fois, sphères éternelles,
    Mon âme a demandé ses ailes,
    Implorant quelque Ithuriel,
    Hélas ! pour savoir à quel monde
    Mène cette courbe profonde,
    Arche immense d'un pont du ciel !
  2. Angelique

    Angelique Thành viên quen thuộc

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    RÊVES
    En la amena soledad
    de aquesta apacible estancia,
    bellisimo laberinto
    de árboles, flores, y plantas,
    Podeis dexarme, dexando
    conmigo, que ellos me bastan
    por campania, los libros
    que os mande sacar de casa ;
    que yo, en tanto que Antioquia
    celebra con fiestas tantas
    la fabrica de esse templo,
    que oy à Jupiter consagra,
    ...
    huyendo del gran bullicio,
    que hay en sus calles, y plazas,
    passar estudiando quiero
    la edad que al dia le falta.
    CALDERON, El Mágico prodigioso.
    I
    Amis, loin de la ville,
    Loin des palais de roi,
    Loin de la cour servile,
    Loin de la foule vile,
    Trouvez-moi, trouvez-moi,
    Aux champs où l'âme oisive
    Se recueille en rêvant,
    Sur une obscure rive
    Où du monde n'arrive
    Ni le flot, ni le vent,
    Quelque asile sauvage,
    Quelque abri d'autrefois,
    Un port sur le rivage,
    Un nid sous le feuillage,
    Un manoir dans les bois !
    Trouvez-le-moi bien sombre,
    Bien calme, bien dormant,
    Couvert d'arbres sans nombre,
    Dans le silence et l'ombre,
    Caché profondément !
    Que là, sur toute chose,
    Fidèle à ceux qui m'ont,
    Mon vers plane, et se pose
    Tantôt sur une rose,
    Tantôt sur un grand mont.
    Qu'il puisse avec audace,
    De tout noeud détaché,
    D'un vol que rien ne lasse,
    S'égarer dans l'espace
    Comme un oiseau lâché.
    II
    Qu'un songe au ciel m'enlève,
    Que plein d'ombre et d'amour,
    Jamais il ne s'achève,
    Et que la nuit je rêve
    À mon rêve du jour !
    Aussi blanc que la voile
    Qu'à l'horizon je voi,
    Qu'il recèle une étoile,
    Et qu'il soit comme un voile
    Entre la vie et moi !
    Que la muse qui plonge
    En ma nuit pour briller,
    Le dore et le prolonge,
    Et de l'éternel songe
    Craigne de m'éveiller !
    Que toutes mes pensées
    Viennent s'y déployer,
    Et s'asseoir, empressées,
    Se tenant embrassées,
    En cercle à mon foyer.
    Qu'à mon rêve enchaînées,
    Toutes, l'oeil triomphant,
    Le bercent inclinées,
    Comme des soeurs aînées
    Bercent leur frère enfant !
    III
    On croit sur la falaise,
    On croit dans les forêts,
    Tant on respire à l'aise,
    Et tant rien ne nous pèse,
    Voir le ciel de plus près !
    Là, tout est comme un rêve ;
    Chaque voix a des mots,
    Tout parle, un chant s'élève
    De l'onde sur la grève,
    De l'air dans les rameaux.
    C'est une voix profonde,
    Un choeur universel,
    C'est le globe qui gronde,
    C'est le roulis du monde
    Sur l'océan du ciel.
    C'est l'écho magnifique
    Des voix de Jéhova,
    C'est l'hymne séraphique
    Du monde pacifique
    Où va ce qui s'en va ;
    Où, sourde aux cris de femmes,
    Aux plaintes, aux sanglots,
    L'âme se mêle aux âmes,
    Comme la flamme aux flammes,
    Comme le flot aux flots !
    IV
    Ce bruit vaste, à toute heure,
    On l'entend au désert.
    Paris, folle demeure,
    Pour cette voix qui pleure
    Nous donne un vain concert.
    Oh ! la Bretagne antique !
    Quelque roc écumant !
    Dans la forêt celtique
    Quelque donjon gothique !
    Pourvu que seulement
    La tour hospitalière
    Où je pendrai mon nid,
    Ait, vieille chevalière,
    Un panache de lierre
    Sur son front de granit !
    Pourvu que, blasonnée
    D'un écusson altier,
    La haute cheminée,
    Béante, illuminée,
    Dévore un chêne entier !
    Que, l'été, la charmille
    Me dérobe un ciel bleu ;
    Que l'hiver ma famille,
    Dans l'âtre assise, brille
    Toute rouge au grand feu !
    Dans les bois, mes royaumes,
    Si le soir l'air bruit,
    Qu'il semble, à voir leurs dômes,
    Des têtes de fantôme
    Se heurtant dans la nuit !
    Que des vierges, abeilles
    Dont les cieux sont remplis,
    Viennent sur moi, vermeilles,
    Secouer dans mes veilles
    Leur robe à mille plis !
    Qu'avec des voix plaintives,
    Les ombres des héros
    Repassent fugitives,
    Blanches sous mes ogives,
    Sombres sur mes vitraux !
    V
    Si ma muse envolée
    Porte son nid si cher
    Et sa famille ailée
    Dans la salle écroulée
    D'un vieux baron de fer ;
    C'est que j'aime ces âges
    Plus beaux, sinon meilleurs,
    Que nos siècles plus sages ;
    À leurs débris sauvages
    Je m'attache, et d'ailleurs
    L'hirondelle enlevée
    Par son vol sur la tour,
    Parfois, des vents sauvée,
    Choisit pour sa couvée
    Un vieux nid de vautour.
    Sa famille humble et douce,
    Souvent, en se jouant,
    Du bec remue et pousse,
    Tout brisé sur la mousse,
    L'oeuf de l'oiseau géant.
    Dans les armes antiques
    Mes vers ainsi joûront,
    Et remuant des piques,
    Riront, nains fantastiques,
    De grands casques au front !
    VI
    Ainsi, noués en gerbe,
    Reverdiront mes jours
    Dans le donjon superbe,
    Comme une touffe d'herbe
    Dans les brèches des tours.
    Mais, donjon ou chaumière,
    Du monde délié,
    Je vivrai de lumière,
    D'extase et de prière,
    Oubliant, oublié !
  3. Angelique

    Angelique Thành viên quen thuộc

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    UNE FÉE
    ...La reine Mab m'a visité. C'est elle
    Qui fait dans le sommeil veiller l'âme immortelle.
    ÉMILE DESCHAMPS, Roméo et Juliette.
    Que ce soit Urgèle ou Morgane,
    J'aime, en un rêve sans effroi,
    Qu'une fée, au corps diaphane,
    Ainsi qu'une fleur qui se fane, Vienne pencher son front sur moi.
    C'est elle dont le luth d'ivoire
    Me re***, sur un mâle accord,
    Vos contes, qu'on n'oserait croire,
    Bons paladins, si votre histoire
    N'était plus merveilleuse encor.
    C'est elle, aux choses qu'on révère
    Qui m'ordonne de m'allier,
    Et qui veut que ma main sévère
    Joigne la harpe du trouvère
    Au gantelet du chevalier.
    Dans le désert qui me réclame,
    Cachée en tout ce que je vois,
    C'est elle qui fait, pour mon âme,
    De chaque rayon une flamme,
    Et de chaque bruit une voix ;
    Elle, - qui dans l'onde agitée
    Murmure en sortant du rocher ;
    Et, de me plaire tourmentée,
    Suspend la cigogne argentée
    Au faîte aigu du noir clocher ;
    Quand, l'hiver, mon foyer pétille,
    C'est elle qui vient s'y tapir,
    Et me montre, au ciel qui scintille,
    L'étoile qui s'éteint et brille,
    Comme un oeil prêt à s'assoupir ;
    Qui, lorsqu'en des manoirs sauvages
    J'erre, cherchant nos vieux berceaux,
    M'environnant de mille images,
    Comme un bruit du torrent des âges,
    Fait mugir l'air sous les arceaux ;
    Elle, - qui, la nuit, quand je veille,
    M'apporte de confus abois,
    Et pour endormir mon oreille,
    Dans le calme du soir, éveille
    Un cor lointain au fond des bois !
    Que ce soit Urgèle ou Morgane,
    J'aime, en un rêve sans effroi,
    Qu'une fée, au corps diaphane,
    Ainsi qu'une fleur qui se fane,
    Vienne pencher son front sur moi !
  4. Angelique

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    LE SYLPHE
    Le vent, le froid et l'orage
    Contre l'enfant faisaient rage.
    -- Ouvrez, ***-il, je suis nu !
    LA FONTAINE, Imitation d'Anacréon.
    " Toi, qu'en ces murs, pareille aux rêveuses Sylphides,
    Ce vitrage éclairé montre à mes yeux avides,
    Jeune fille, ouvre-moi ! Voici la nuit, j 'ai peur,
    La nuit, qui, peuplant l'air de figures livides,
    Donne aux âmes des morts des robes de vapeur !
    " Vierge, je ne suis point de ces pèlerins sages
    Qui font de longs récits après de longs voyages ;
    Ni de ces paladins, qu'aime et craint la beauté,
    Dont le cor, éveillant les varlets et les pages,
    Porte un appel de guerre à l'hospitalité.
    " Je n'ai ni lourd bâton, ni lance redoutée,
    Point de longs cheveux noirs, point de barbe argentée,
    Ni d'humble chapelet, ni de glaive vainqueur.
    Mon souffle, dont une herbe est à peine agitée,
    N'arrache au cor des preux qu'un murmure moqueur.
    " Je suis l'enfant de l'air, un sylphe, moins qu'un rêve,
    Fils du printemps qui naît, du matin qui se lève,
    L'hôte du clair foyer, durant les nuits d'hiver,
    L'esprit que la lumière à la rosée enlève,
    Diaphane habitant de l'invisible éther.
    " Ce soir un couple heureux, d'une voix solennelle,
    Parlait tout bas d'amour et de flamme éternelle.
    J'entendais tout ; près d'eux je m'étais arrêté
    Ils ont dans un baiser pris le bout de mon aile,
    Et la nuit est venue avant ma liberté.
    " Hélas ! il est trop tard pour rentrer dans ma rose !
    Châtelaine, ouvre-moi, car ma demeure est close.
    Recueille un fils du jour, égaré dans la nuit ;
    Permets, jusqu'à demain, qu'en ton lit je repose ;
    Je tiendrai peu de place et ferai peu de bruit.
    " Mes frères ont suivi la lumière éclipsée,
    Ou les larmes du soir dont l'herbe est arrosée ;
    Les lys leur ont ouvert leurs calices de miel ;
    Où fuir ?... Je ne vois plus de gouttes de rosée,
    Plus de fleurs dans les champs ! plus de rayons au ciel !
    " Damoiselle, entends-moi, de peur que la Nuit sombre,
    Comme en un grand filet, ne me prenne en son ombre,
    Parmi les spectres blancs et les fantômes noirs,
    Les démons, dont l'enfer même ignore le nombre,
    Les hiboux du sépulcre et l'autour des manoirs !
    " Voici l'heure où les morts dansent d'un pied débile.
    La lune au pâle front les regarde, immobile ;
    Et le hideux vampire, ô comble de frayeur !
    Soulevant d'un bras fort une pierre inutile,
    Traîne en sa tombe ouverte un tremblant fossoyeur.
    " Bientôt, nains monstrueux, noirs de poudre et de cendre,
    Dans leur gouffre sans fond les Gnomes vont descendre.
    Le follet fantastique erre sur les roseaux.
    Au frais Ondin s'unit l'ardente Salamandre,
    Et de bleuâtres feux se croisent sur les eaux.
    " Oh !... Si pour amuser son ennui taciturne,
    Un mort, parmi ses os, m'enfermait dans son urne !
    Si quelque nécromant, riant de mon effroi,
    Dans la tour, d'où minuit lève sa voix nocturne,
    Liait mon vol paisible au sinistre beffroi !
    " Que ta fenêtre s'ouvre !... Ah ! si tu me repousses,
    Il me faudra chercher quelques vieux nids de mousses,
    À des lézards troublés livrer de grands combats...
    Ouvre !... mes yeux sont purs, mes paroles sont douces
    Comme ce qu'à sa belle un amant *** tout bas.
    " Et je suis si joli ! Si tu voyais mes ailes
    Trembler aux feux du jour, transparentes et frêles !...
    J'ai la blancheur des lys où, le soir, nous fuyons ;
    Et les roses, nos soeurs, se disputent entr'elles
    Mon souffle de parfums et mon corps de rayons.
    " Je veux qu'un rêve heureux te révèle ma gloire.
    Près de moi (ma Sylphide en garde la mémoire),
    Les papillons sont lourds, les colibris sont laids,
    Quand, roi vêtu d'azur, et de nacre et de moire,
    Je vais de fleurs en fleurs visiter mes palais.
    " J'ai froid : l'ombre me glace, et vainement je pleure.
    Si je pouvais t'offrir, pour m'ouvrir ta demeure,
    Ma goutte de rosée ou mes corolles d'or !
    Mais non : je n'ai plus rien, il faudra que je meure.
    Chaque soleil me donne et me prend mon trésor.
    " Que veux-tu qu'en dormant je t'apporte en échange ?
    L'écharpe d'une fée, ou le voile d'un ange ?...
    J'embellirai ta nuit des prestiges du jour !
    Ton sommeil passera, sans que ton bonheur change,
    Des beaux songes du ciel aux doux rêves d'amour.
    " Mais mon haleine en vain ternit la vitre humide !
    Ô Vierge, crois-tu donc que, dans la nuit perfide,
    La voix du Sylphe errant cache un amant trompeur ?
    Ne me crains pas, c'est moi qui suis faible et timide,
    Et Si j 'avais une ombre, hélas ! j'en aurais peur. "
    Il pleurait. - Tout à coup devant la tour antique,
    S'éleva, murmurant comme un appel mystique,
    Une voix... ce n'était sans doute qu'un esprit !
    Bientôt parut la dame à son balcon gothique : -
    On ne sait si ce fut au Sylphe qu'elle ouvrit.
  5. Angelique

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    LA GRAND-MÈRE
    To die - to sleep.
    SHAKESPEARE
    " Dors-tu ?... réveille-toi, mère de notre mère !
    D'ordinaire en dormant ta bouche remuait ;
    Car ton sommeil souvent ressemble à ta prière.
    Mais, ce soir, on dirait la madone de pierre ;
    Ta lèvre est immobile et ton souffle est muet.
    " Pourquoi courber ton front plus bas que de coutume.
    Quel mal avons-nous fait, pour ne plus nous chérir ?
    Vois, la lampe pâlit, l'âtre scintille et fume ;
    Si tu ne parles pas, le feu qui se consume,
    Et la lampe, et nous deux, nous allons tous mourir !
    " Tu nous trouveras morts près de la lampe éteinte.
    Alors, que diras-tu quand tu t'éveilleras ?
    Tes enfants à leur tour seront sourds à ta plainte.
    Pour nous rendre la vie, en invoquant ta sainte,
    Il fraudra bien longtemps nous serrer dans tes bras !
    " Donne-nous donc tes mains dans nos mains réchauffées.
    Chante-nous quelque chant de pauvre troubadour.
    Dis-nous ces chevaliers qui, servis par les fées,
    Pour bouquets à leur dame apportaient des trophées,
    Et dont le cri de guerre était un nom d'amour.
    " Disnous quel divin signe est funeste aux fantômes ;
    Quel ermite dans l'air vit Lucifer volant ;
    Quel rubis étincelle au front du roi des Gnomes ;
    Et si le noir démon craint plus, dans ses royaumes,
    Les psaumes de Turpin que le fer de Roland.
    " Ou, montre-nous ta Bible et les belles images,
    Le ciel d'or, les saints bleus, les saintes à genoux,
    L'enfant-Jésus, la crèche, et le boeuf, et les mages ;
    Fais-nous lire du doigt, dans le milieu des pages,
    Un peu de ce latin, qui parle à Dieu de nous.
    " Mère !... - Hélas ! par degrés s'affaisse la lumière,
    L'ombre joyeuse danse autour du noir foyer,
    Les esprits vont peut-être entrer dans la chaumière...
    Oh ! sors de ton sommeil, interromps ta prière ;
    Toi qui nous rassurais, veux-tu nous effrayer ?
    " Dieu ! que tes bras sont froids ! rouvre les yeux... Naguère
    Tu nous parlais d'un monde, où nous mènent nos pas,
    Et de ciel, et de tombe, et de vie éphémère,
    Tu parlais de la mort... dis-nous, ô notre mère !
    Qu'est-ce donc que la mort ? - Tu ne nous réponds pas ! "
    Leur gémissante voix longtemps se plaignit seule.
    La jeune aube parut sans réveiller l'aïeule.
    La cloche frappa l'air de ses funèbres coups ;
    Et, le soir, un passant, par la porte entrouverte
    Vit, devant le saint livre et la couche déserte,
    Les deux petits enfants qui priaient à genoux.
  6. Angelique

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    À TRILBY, LE LUTIN D'ARGAIL
    À vous, ombre légère,
    Qui d'aile passagère
    Par le monde volez,
    Et d'un sifflant murmure
    L'ombrageuse verdure
    Doucement esbranlez ;
    J'offre ces violettes,
    Ces lys et ces fleurettes.
    Et ces roses ici,
    Ces vermeillettes roses,
    Tout fraischement escloses
    Et ces oeillets aussi.
    Vieille chanson.
    C'est toi, Lutin ! - Qui t'amène ?
    Sur ce rayon du couchant
    Es-tu venu ? Ton haleine
    Me caresse en me touchant !
    À mes yeux tu te révèles.
    Tu m'inondes d'étincelles !
    Et tes frémissantes ailes
    Ont un bruit doux comme un chant.
    Ta voix, de soupirs mêlée,
    M'apporte un accent connu.
    Dans ma cellule isolée,
    Beau Trilby, sois bienvenu !
    Ma demeure hospitalière
    N'a point d'humble batelière
    Dont ta bouche familière
    Baise le sein demi-nu !
    Viens-tu, dans l'âtre perfide,
    Chercher mon Follet qui fuit,
    Et ma Fée et ma Sylphide,
    Qui me visitent sans bruit,
    Et m'apportent, empressées,
    Sur leurs ailes nuancées,
    Le jour de douces pensées,
    Et de doux rêves la nuit !
    Viens-tu pas voir mes Ondines
    Ceintes d'algue et de glaïeul ?
    Mes Nains, dont les voix badines
    N'osent parler qu'à moi seul ?
    Viens-tu réveiller mes Gnomes ?
    Poursuivre en l'air les atomes,
    Et lutiner mes Fantômes
    En jouant dans leur linceul ?
    Hélas ! fuis ! - Ces lieux que j'aime
    N'ont plus ces hôtes chéris !
    Des cruels à l'anathème
    Ont livré tous mes Esprits !
    Mon Ondine est étouffée ;
    Et comme un double trophée,
    Leurs mains ont cloué ma Fée
    Près de ma Chauve-Souris !
    Mes Spectres, mes Nains si frêles,
    Quand leur courroux gronde encor,
    N'osent plus sur les tourelles
    S'appeler au son du cor ;
    Ma cour magique, en alarmes,
    A fui leurs pesantes armes ;
    Ils ont de mon Sylphe en larmes
    Arraché les ailes d'or !
    Toi-même, crains leur tonnerre,
    Crains un combat inégal,
    Plus que la voix centenaire
    Qui jadis vengea Dougal,
    Dont la cabane fumeuse
    Voit, durant la nuit brumeuse,
    Sur une roche écumeuse,
    S'asseoir l'ombre de Fingal !
    Celui qui de ta montagne
    T'a rapporté dans nos champs,
    Eut comme toi pour compagne
    L'Espérance aux voeux touchants.
    Longtemps la France, sa mère,
    Vit fuir sa jeunesse amère
    Dans l'exil, où comme Homère,
    Il n'emportait que ses chants !
    À la fois triste et sublime,
    Grave en son vol gracieux,
    Le Poète aime l'abîme
    Où fuit l'aigle audacieux,
    Le parfum des fleurs mourantes,
    L'or des comètes errantes,
    Et les cloches murmurantes
    Qui se plaignent dans les cieux !
    Il aime un désert sauvage
    Où rien ne borne ses pas ;
    Son coeur, pour fuir l'esclavage,
    Vit plus loin que le trépas.
    Quand l'opprimé le réclame,
    Des peuples il devient l'âme ;
    Il est pour eux une flamme
    Que le tyran n'éteint pas.
    Tel est Nodier, le poète ! -
    Va, dis à ce noble ami
    Que ma tendresse inquiète
    De tes périls a frémi ;
    Dis-lui bien qu'il te surveille ;
    De tes jeux charme sa veille,
    Enfant ! Et lorsqu'il sommeille,
    Dors sur son front endormi !
    N'erre pas à l'aventure !
    Car on en veut aux Trilbys.
    Crains les maux et la torture
    Que mon doux Sylphe a subis.
    S'ils te prenaient, quelle gloire !
    Ils souilleraient d'encre noire,
    Hélas ! ton manteau de moire,
    Ton aigrette de rubis !
    Ou, pour danser avec Faune,
    Contraignant tes pas tremblants,
    Leurs Satyres au pied jaune,
    Leurs vieux Sylvains pétulants
    Joindraient tes mains enchaînées
    Aux vieilles mains décharnées
    De leurs Naïades fanées,
    Mortes depuis deux mille ans !
  7. Angelique

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    LE GÉANT
    Les nuées du ciel elles-mêmes craignent que je ce vienne chercher mes ennemis dans leur sein...
    MOTTENABBI.
    Ô guerriers ! je suis né dans le pays des Gaules.
    Mes aïeux franchissaient le Rhin comme un ruisseau,
    Ma mère me baigna dans la neige des pôles
    Tout enfant, et mon père, aux robustes épaules,
    De trois grandes peaux d'ours décora mon berceau.
    Car mon père était fort ! L'âge à présent l'enchaîne.
    De son front tout ridé tombent ses cheveux blancs.
    Il est faible ; il est vieux. Sa fin est si prochaine,
    Qu'à peine il peut encor déraciner un chêne
    Pour soutenir ses pas tremblants !
    C'est moi qui le remplace ! et j'ai sa javeline,
    Ses boeufs, son arc de fer, ses haches, ses colliers ;
    Moi ! qui peux, succédant au vieillard qui décline,
    Les pieds dans le vallon, m'asseoir sur la colline,
    Et de mon souffle au loin courber les peupliers !
    À peine adolescent, sur les Alpes sauvages,
    De rochers en rochers je m'ouvrais des chemins ;
    Ma tête ainsi qu'un mont arrêtait les nuages ;
    Et souvent, dans les cieux épiant leurs passages,
    J'ai pris des aigles dans mes mains !
    Je combattais l'orage, et ma bruyante haleine
    Dans leur vol anguleux éteignait les éclairs ;
    Ou, joyeux, devant moi chassant quelque baleine,
    L'océan à mes pas ouvrait sa vaste plaine,
    Et mieux que l'ouragan mes jeux troublaient les mers !
    J'errais, je poursuivais d'une atteinte trop sûre
    Le requin dans les flots, dans les airs l'épervier ;
    L'ours, étreint dans mes bras, expirait sans blessure,
    Et j'ai souvent, l'hiver, brisé dans leur morsure
    Les dents blanches du loup-cervier !
    Ces plaisirs enfantins pour moi n'ont plus de charmes.
    J'aime aujourd'hui la guerre et son mâle appareil,
    Les malédictions des familles en larmes,
    Les camps, et le soldat, bondissant dans ses armes,
    Qui vient du cri d'alarme égayer mon réveil !
    Dans la poudre et le sang, quand l'ardente Mêlée
    Broie et roule une armée en bruyants tourbillons,
    Je me lève, je suis sa course échevelée,
    Et, comme un cormoran fond sur l'onde troublée,
    Je plonge dans les bataillons !
    Ainsi qu'un moissonneur parmi des gerbes mûres,
    Dans les rangs écrasés, seul debout, j'apparais.
    Leurs clameurs dans ma voix se perdent en murmures ;
    Et mon poing désarmé martèle les armures
    Mieux qu'un chêne noueux choisi dans les forêts.
    Je marche toujours nu. Ma valeur souveraine
    Rit des soldats de fer dont vos camps sont peuplés.
    Je n'emporte au combat que ma pique de frêne,
    Et ce casque léger que traîneraient sans peine
    Dix taureaux au joug accouplés.
    Sans assiéger les forts d'échelles inutiles,
    Des chaînes de leurs ponts je brise les anneaux.
    Mieux qu'un bélier d'airain je bats leurs murs fragiles.
    Je lutte corps à corps avec les tours des villes.
    Pour combler les fossés j'arrache les créneaux.
    Ô ! quand mon tour viendra de suivre mes victimes,
    Guerriers ! ne laissez pas ma dépouille au corbeau ;
    Ensevélissez-moi parmi des monts sublimes,
    Afin que l'étranger cherche en voyant leurs cimes
    Quelle montagne est mon tombeau !
  8. Angelique

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    LA FIANCÉE DU TIMBALIER
    à M. J. F.
    Douce est la mort qui vient en bien aimant !
    DESPORTES, Sonnet.
    " Monseigneur le duc de Bretagne
    A, pour les combats meurtriers,
    Convoqué de Nantes à Mortagne,
    Dans la plaine et sur la montagne,
    L'arrière-ban de ses guerriers.
    " Ce sont des barons dont les armes
    Ornent des forts ceints d'un fossé ;
    Des preux vieillis dans les alarmes,
    Des écuyers, des hommes d'armes ;
    L'un d'entre eux est mon fiancé.
    " Il est parti pour l'Aquitaine
    Comme timbalier, et pourtant
    On le prend pour un capitaine,
    Rien qu'à voir sa mine hautaine,
    Et son pourpoint, d'or éclatant !
    " Depuis ce jour, l'effroi m'agite.
    J'ai ***, joignant son sort au mien :
    Ma patronne, sainte Brigitte,
    Pour que jamais il ne le quitte,
    Surveillez son ange gardien !
    " J'ai *** à notre abbé : Messire,
    Priez bien pour tous nos soldats ! -
    Et, comme on sait qu'il le désire,
    J'ai brûlé trois cierges de cire
    Sur la châsse de saint Gildas.
    " À Notre-Dame de Lorette
    J'ai promis, dans mon noir chagrin,
    D'attacher sur ma gorgerette,
    Fermée à la vue indiscrète,
    Les coquilles du pèlerin.
    " Il n'a pu, par d'amoureux gages,
    Absent, consoler mes foyers ;
    Pour porter les tendres messages,
    La vassale n'a point de pages,
    Le vassal n'a pas d'écuyers.
    " Il doit aujourd'hui de la guerre
    Revenir avec monseigneur ;
    Ce n'est plus un amant vulgaire ;
    Je lève un front baissé naguère,
    Et mon orgueil est du bonheur !
    " Le duc triomphant nous rapporte
    Son drapeau dans les camps froissé ;
    Venez tous sous la vieille porte
    Voir passer la brillante escorte,
    Et le prince, et mon fiancé,
    " Venez voir pour ce jour de fête
    Son cheval caparaçonné,
    Qui sous son poids henrtit, s'arrête,
    Et marche en secouant la tête,
    De plumes rouges couronné !
    " Mes soeurs, à vous parer si lentes,
    Venez voir près de mon vainqueur
    Ces timbales étincelantes
    Qui sous sa main toujours tremblantes
    Sonnent et font bondir le coeur !
    " Venez surtout le voir lui-même
    Sous le manteau que j'ai brodé.
    Qu'il sera beau ! c'est lui que j'aime !
    Il porte comme un diadème
    Son casque de crins inondé !
    " L'Égyptienne sacrilège,
    M'attirant derrière un pilier,
    M'a *** hier (Dieu nous protège !)
    Qu'à la fanfare du cortège
    Il manquerait un timbalier.
    " Mais j'ai tant prié, que j'espère !
    Quoique, me montrant de la main
    Un sépulcre, son noir repaire,
    La vieille aux regards de vipère,
    M'ait *** : Je t'attends là demain !
    " Volons ! plus de noires pensées !
    Ce sont les tambours que j 'entends.
    Voici les dames entassées,
    Les tentes de pourpre dressées,
    Les fleurs et les drapeaux flottants !
    " Sur deux rangs le cortège ondoie
    D'abord, les piquiers aux pas lourds ;
    Puis, sous l'étendard qu'on déploie,
    Les barons, en robe de soie,
    Avec leurs toques de velours.
    " Voici les chasubles des prêtres ;
    Les hérauts sur un blanc coursier.
    Tous, en souvenir des ancêtres,
    Portent l'écusson de leurs maîtres,
    Peint sur leur corselet d'acier.
    " Admirez l'armure persane
    Des Templiers, craints de l'enfer ;
    Et, sous la longue pertuisane,
    Les archers venus de Lausanne,
    Vêtus de buffle, armés de fer.
    " Le duc n'est pas loin ses bannières
    Flottent parmi les chevaliers ;
    Quelques enseignes prisonnières,
    Honteuses, passent les dernières... -
    -Mes soeurs ! voici les timbaliers !... "
    Elle ***, et sa vue errante
    Plonge, hélas ! dans les rangs pressés ;
    Puis, dans la foule indifférente,
    Elle tomba, froide et mourante...
    - Les timbaliers étaient passés.
  9. Angelique

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    LA MÊLÉE
    Les armées s'ébranlent, le choc est terrible, les combattants sont terribles, les blessures sont terribles, la mêlée est terrible. GONZALO BERCEO, la Bataille de Simancas.
    Pâtre ! change de route. - Au pied de ces collines
    Vois onduler deux rangs d'épaisses javelines ;
    Vois ces deux bataillons l'un vers l'autre marchant ;
    Au signal de leurs chefs que divise la haine,
    Ils se sont pour combattre arrêtés dans la plaine.
    Écoute ces clameurs... tu frémis c'est leur chant !
    " Accourez tous, oiseaux de proie,
    Aigles, hiboux, Vautours, corbeaux !
    Volez ! Volez tous pleins de joie
    À ces champs comme à des tombeaux !
    Que l'ennemi sous notre glaive
    Tombe avec le jour qui s'achève !
    Les psaumes du soir sont finis.
    Le prêtre, qui suit leurs bannières,
    Leur a *** leurs vêpres dernières,
    Et le nôtre nous a bénis ! "
    Halbert, baron normand, Ronan, prince de Galles,
    Vont mesurer ici leurs forces presqu 'égales ;
    Les Normands sont adroits ; les Gallois sont ardents.
    Ceux-là viennent chargés d'une armure sonore ;
    Ceux-ci font, pour couvrir leur front sauvage encore,
    De la gueule des loups un casque armé de dents !
    " Que nous fait la plainte des veuves,
    Et de l'orphelin gémissant ?
    Demain nous laverons aux fleuves
    Nos bras teints de fange et de sang.
    Serrons nos rangs, brûlons nos tentes !
    Que nos trompettes éclatantes
    Glacent l'ennemi méprisé !
    En vain leurs essaims se déroulent ;
    Dans chacun des sillons qu'ils foulent
    Leur sépulcre est déjà creusé ! "
    Le signal est donné. - Parmi des flots de poudre,
    Leurs pas courts et pressés roulent comme la foudre... -
    Comme deux chevaux noirs qui dévorent le frein,
    Comme deux grands taureaux luttant dans les vallées,
    Les deux masses de fer, à grand bruit ébranlées,
    Brisent d'un même choc leur double front d'airain.
    " Allons, guerriers ! la charge sonne !
    Courrez, frappez, c'est le moment !
    Aux sons de la trompe saxonne,
    Aux accords du clairon normand !
    Dagues, hallebardes, épées,
    Pertuisanes de sang trempées,
    Haches, poignards à deux tranchants,
    Parmi les cuirasses froissées,
    Mêlez vos pointes hérissées,
    Comme la ronce dans les champs ! "
    Où est donc le soleil ? - Il luit dans la fumée
    Comme un bouclier rouge en la forge enflammée.
    Dans les vapeurs de sang on voit briller le fer ;
    La vallée au loin semble une fournaise ardente ;
    On dirait qu'au milieu de la plaine grondante
    S'est ouverte soudain la bouche de l'enfer.
    " Le jeu des héros se prolonge,
    Les rangs s'enfoncent dans les rangs,
    Le pied des combattants se plonge
    Dans la blessure des mourants.
    Avançons ! avançons ! courage !
    Le fantassin mord avec rage
    Le poitrail de fer du coursier ;
    Les chevaux blanchissants frissonnent,
    Et les masses d'armes résonnent
    Sur leurs caparaçons d'acier !
    Noir chaos de coursiers, d'hommes, d'armes heurtées !
    Les Gallois, tout couverts de peaux ensanglantées,
    Se roulent sur le dard des écus meurtriers ;
    À mourir sur leurs morts obstinés et fidèles,
    Ils semblent assiéger comme des citadelles
    Les cavaliers normands sur leurs grands destriers.
    " Que ceux qui brisent leur épée
    Luttent des ongles et des dents,
    S'ils veulent fuir la faim trompée
    Des loups autour de nous rôdants !
    Point de prisonniers ! point d'esclaves !
    S'il faut mourir, mourrons en braves
    Sur nos compagnons immolés.
    Que demain le jour, s'il se lève,
    Voie encor des tronçons de glaive
    Étreints par nos bras mutilés !... "
    Viens, berger: la nuit tombe, et plus de sang ruisselle ;
    De coups plus furieux chaque armure étincelle ;
    Les chevaux éperdus se dérobent aux mors.
    Viens, laissons achever cette lutte brûlante.
    Ces hommes acharnés à leur tache sanglante
    Se reposeront tous demain, vainqueurs ou morts !
  10. Angelique

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    LES DEUX ARCHERS
    à M. Louis Boulanger
    Dames, oyez un conte lamentable.
    BAÏF.
    C'était l'instant funèbre où la nuit est si sombre,
    Qu'on tremble à chaque pas de réveiller dans l'ombre
    Un démon, ivre encor du banquet des sabbats ;
    Le moment où, liant à peine sa prière,
    Le voyageur se hâte à travers la clairière ;
    C'était l'heure où l'on parle bas !
    Deux francs archers passaient au fond de la vallée,
    Là-bas ! où vous voyez une tour isolée,
    Qui, lorsqu'en Palestine allaient mourir nos rois,
    Fut bâtie en trois nuits, au dire de nos pères,
    Par un ermite saint qui remuait les pierres
    Avec le signe de la croix.
    Tous deux, sans craindre l'heure, en ce lieu taciturne
    Allumèrent un feu pour leur repas nocturne ;
    Puis ils vinrent s'asseoir en déposant leur cor,
    Sur un saint de granit, dont l'image grossière,
    Les mains jointes, le front couché dans la poussière,
    Avait l'air de prier encor.
    Cependant sur la tour, les monts, les bois antiques,
    L'ardent foyer jetait des clartés fantastiques ;
    Les hiboux s'effrayaient au fond des vieux manoirs ;
    Et les chauves-souris que tout sabbat réclame,
    Volaient, et par moments épouvantaient la flamme
    De leur grande aile aux ongles noirs !
    Le plus vieux des archers alors *** au plus jeune :
    " Portes-tu le cilice ? - Observes-tu le jeûne ? "
    Reprit l'autre, et leur rire accompagna leur voix.
    D'autres rires de loin tout à coup s'entendirent.
    Le val était désert, l'ombre épaisse ; ils se dirent :
    " C'est l'écho qui rit dans les bois. "
    Soudain à leurs regards une lueur rampante
    En bleuâtres sillons sur la hauteur serpente ;
    Les deux blasphémateurs, hélas ! sans s'effrayer,
    Jetèrent au brasier d'autres branches de chênes,
    Disant : " C'est, au miroir des cascades prochaines
    Le reflet de notre foyer. "
    Or cet écho (d'effroi qu'ici chacun s'incline !)
    C'était Satan, riant tout haut sur la colline !
    Ce reflet, émané du corps de Lucifer,
    C'était le pâle jour qu'il traîne en nos ténèbres,
    Le rayon sulfureux qu'en des songes funèbres
    Il nous apporte de l'enfer !
    Aux profanes éclats de leur coupable joie,
    Il était accouru comme un loup vers sa proie.
    Sur les archers dans l'ombre erraient ses yeux ardents.
    -- " Riez et blasphémez dans vos heures oisives.
    Moi, je ferai passer vos bouches convulsives
    Du rire au grincement de dents ! "
    À l'aube du matin, un peu de cendre éteinte
    D'un pied large et fourchu portait l'étrange empreinte.
    Le val fut tout le jour désert, silencieux.
    Mais, au lieu du foyer, à minuit même, un pâtre
    Vit soudain apparaître une flamme bleuâtre
    Qui ne montait pas vers les cieux !
    Dès qu'au sol attachée elle rampa livide,
    De longs rires soudain éclatant dans le vide,
    Glacèrent le berger d'un grand effroi saisi ;
    Il ne vit point Satan et ceux de l'autre monde,
    Et ne put concevoir, dans sa terreur profonde,
    Ce qu'ils souffraient pour rire ainsi !
    Dès lors, toutes les nuits, aux monts, aux bois antiques,
    L'ardent foyer jeta ses clartés fantastiques ;
    Des rires effrayaient les hiboux des manoirs ;
    Et les chauves-souris que tout sabbat réclame,
    Volaient, et par moments épouvantaient la flamme
    De leur grande aile aux ongles noirs.
    Rien, avant le rayon de l'aube matinale,
    Enfants, rien n'éteignait cette flamme infernale.
    Si l'orage, à grands flots tombant, grondait dans l'air,
    Les rires éclataient aussi haut que la foudre,
    La flamme en tournoyant s'élançait de la poudre,
    Comme pour s'unir à l'éclair !
    Mais enfin une nuit, Vêtu de scapulaire,
    Se leva du Vieux saint le marbre séculaire ;
    Il fit trois pas, armé de son rameau bénit ;
    De l'effrayant prodige effrayant exorciste,
    De ses lèvres de pierre il *** : " Que Dieu m'assiste ! "
    En ouvrant ses bras de granit !
    Alors tout s'éteignit, flammes, rires, phosphore,
    Tout ! et le lendemain, on trouva dès l'aurore
    Les deux gens d'armes morts sur la statue assis ;
    On les ensevelit ; et, suivant sa promesse,
    Le seigneur du hameau, pour fonder une messe,
    Légua trois deniers parisis.
    Si quelque enseignement se cache en cette histoire,
    Qu'importe ! il ne faut pas la juger, mais la croire.
    La croire ! Qu'ai-je *** ? ces temps sont loin de nous !
    Ce n'est plus qu'à demi qu'on se livre aux croyances.
    Nul, dans notre âge aveugle et vain de ses sciences,
    Ne sait plier les deux genoux !

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